Partager la publication "Seul 1 % des financements au secteur agro-alimentaire pour réduire les pesticides"
Réduire de 50 % l’utilisation des pesticides à l’horizon 2025, tel est l’objectif que s’est fixé la France. Paradoxalement, un rapport publié par le Think Thank de la Fondation Nicolas Hulot ce mardi 9 février indique que leur usage a augmenté de 25 % ces dix dernières années (entre 2009 et 2018). Leur vente a également augmenté de 22 % depuis 2008. En cause, notamment : le manque de moyens dédiés à leur réduction.
“La France se place au second rang en quantité de pesticides vendues en Europe”, indique le rapport.
Depuis un an, le Think thank de la Fondation Nicolas Hulot (FNH), accompagné par le Bureau d’Analyse Sociétale pour une Information Citoyenne (BASIC), s’est intéressé aux financements publics et privés perçus par les acteurs agricoles et alimentaires en 10 ans. Leur conclusion est sans appel : “Depuis 2008, la France a donné au monde agricole de grands objectifs à atteindre sans lui donner les moyens”.
Parmi les 23,2 milliards d’euros de financements publics perçus par les acteurs agricoles et alimentaires chaque année, seul 11 % ont “pour intention de répondre à l’objectif de réduction des pesticides”, c’est-à-dire 2,7 milliards. De plus, le rapport révèle qu’uniquement 1 % de l’ensemble de ces financements “a des effets avérés sur la réduction du l’utilisation de pesticides”, c’est-à-dire seulement 220 millions d’euros en 2018.
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Pour atteindre ses objectifs, le gouvernement a notamment lancé depuis 2008 les plans Écophyto, qui visent à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires en France. Or, le rapport souligne que le financement de ce plan ne représente que 0,3 % des soutiens publics annuels au secteur agricole et alimentaire.
“Cela est d’autant plus inacceptable que les marchés agricoles et alimentaires ne rémunèrent pas suffisamment la production agricole”, ajoute le rapport.
Les exploitations utilisant le plus de pesticides sont aussi celles qui reçoivent le plus de financements privés, opérés par exemple par les banques ou les coopératives agricoles.
Il en va de même pour les autres acteurs de la chaîne alimentaires : “85 % des emprunts bancaires par les industries agroalimentaires sont majoritairement contractés par les grandes entreprises et entreprises de taille intermédiaire”, dont la majorité du chiffre d’affaires est associée à des produits issus de l’agriculture conventionnelle.
La think thank considère que plus de 60 % des exploitations “pourraient changer de modèles si elles étaient vraiment accompagnées”.
“Les alertes environnementales se multiplient de la part des scientifiques et des institutions : nous vivons depuis 30 ans un effondrement sans précédent de la biodiversité pour lequel l’usage des pesticides joue un rôle central comme l’a rappelé l’IPBES”, rappelle le rapport.
Le rapport indique également que les exploitations utilisatrices de pesticides n’ont cessé d’augmenter leur consommation ces dix dernières années : + 55 %. Ces dernières ne représentent que 9 % des exploitations agricoles et 7 % de la surface agricole utile. Or, elles ne cessent de grandir, en terme de surface comme de nombre.
“Les grandes cultures (céréales, oléagineux et protéagineux) représentent environ 70 % des dépenses de pesticides à cause notamment de la surface agricole qu’elles occupent”, indique le rapport.
À l’inverse, les exploitations les moins utilisatrices de pesticides “ont réduit leur consommation de 1 % en 10 ans ; elles occupent 31 % de la surface agricole mais voient leur nombre diminuer”. En somme, le rapport met en lumière que la fiscalité bénéficie davantage à ceux qui utilisent le plus de pesticides.
“L’augmentation de l’utilisation des pesticides est tirée par une frange minoritaire croissante d’agricultrices et d’agriculteurs qui en utilise toujours plus”, conclut le rapport.
Le renouvellement des générations est l’un des critères clés pour l’agriculture de demain. “Dans 10 ans, la moitié des agriculteurs seront partis à la retraite. Le renouvellement des générations est donc clé pour atteindre les objectifs écologiques. La France doit se donner pour objectif 100 % d’installations en agroécologie dans 10 ans”, propose la FNH.
Le rapport démontre aussi que la PAC est l’une des solutions pour réussir à atteindre les objectifs. Or, il indique également que “les financements nationaux comptent pour 53 % à 60 % de la part des montants qui bénéficient au système agricole et alimentaire”. Il est donc indispensable de repenser leur utilisation.
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La Fondation Nicolas Hulot avance par exemple l’idée de la mise en place d’une “fiscalité bonus-malus”, sur le principe “pollueur-payeur”, qui pourrait être “un outil efficace pour à la fois responsabiliser l’ensemble des acteurs du secteur alimentaire -utilisateurs de pesticides mais également distributeurs et transformateurs, grande distribution et producteurs de pesticides…- (malus) et accompagner les agriculteurs dans la transition (bonus)”.
L’exemple de la Suède est par exemple mis en lumière. Le pays a réussi à réduire de 23 % les ventes de pesticides depuis 2011 notamment grâce à “l’intégration de l’ensemble des parties prenantes, et la réappropriation et le financement par la population”. Le pays a mis en place des programmes de volontariat de protection de l’environnement ainsi que des formations pour une utilisation durable des pesticides.
“En France, une petite partie de la profession capte les aides publics et une petite partie de la profession est à l’origine de l’augmentation de l’usage des pesticides, donc ce n’est pas une fatalité”, conclut Nicolas Hulot lors de la conférence de presse.
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