Simplon, école 42… l’État mise sur les pédagogies alternatives pour former des codeurs

En février, l’Élysée évoquait le lancement prochain d’une “Grande école du numérique”. Promesse tenue. Jeudi 17 septembre, François Hollande a annoncé la création d’un plan national de 150 millions d’euros visant à combler le déficit de développeurs dans notre pays, estimé à 50 000 postes.

Cette “grande école” ne sera pas un établissement unique, “mais un réseau d’initiatives sur le territoire, issues du monde académique, du monde associatif ou du monde de la formation professionnelle”, selon les mots du Président. Une annonce qui fait suite à deux jours de hackathon organisés à l’Élysée et à l’école des Mines. Sous les ors de la République, soixante étudiants (dont un tiers de filles) ont développé des applications et des sites internet sur les thèmes du climat et de l’éducation au numérique.

Salaire de 40 000 euros

Tous ces élèves sont issus des formations alternatives au code. À côté des pionniers – l’école 42 et Simplon, tous deux créés en 2013 – de nombreuses autres formations sont apparues ces dernières années. Que ce soit grâce au mécénat d’entreprise, avec le Samsung Campus, ou de façon associative dans des territoires enclavés, à l’instar de la Manche Open School ou de Permis de vivre la ville.

Le point commun de ces nouvelles écoles ? Elles sélectionnent leurs étudiants selon le critère unique de la motivation, quelque soit leur niveau d’étude ou leur âge. Généralement gratuites, ces écoles offrent des formations courtes (entre 3 et 24 mois) et qualifiantes à des élèves qui ne se retrouvent pas dans le système scolaire actuel.

Erwan Kezzar, cofondateur de Simplon explique ses choix pédagogiques :

“En 2012, on a compris que les barrières d’accès à la technologie étaient en train de tomber les unes après les autres. Il y avait de plus en plus de tutoriels en ligne. Plus besoin d’avoir fait Maths Sup ou une école d’ingénieur pour devenir développeur ! Au contraire, à la vitesse où évolue la technologie, il vaut mieux avoir une curiosité naturelle qu’un grand diplôme. Il faut apprendre à apprendre plutôt qu’à réciter par cœur.”

Thibault, 24 ans et “titulaire du brevet des collèges”, est étudiant à Web Academy. Avec cette formation, il sait qu’il n’aura “aucune difficulté à trouver du travail” : un employeur lui a en effet déjà proposé un CDI à 40 000 euros annuels.

Kassandre, elle, a eu son bac. Mais aucune formation ne l’a accepté ensuite. Après avoir échoué en fac de coréen, elle a tenté les tests d’entrée de l’école 42 :

“Le premier jour, je ne savais même pas comment allumer un Mac. J’en étais là au niveau informatique ! Après on te pose des problèmes mais on ne te donne jamais les réponses. C’est à toi de chercher sur Internet. Par exemple comment afficher un alphabet en ordre inversé grâce à des lignes de commande. Ensuite, ça devient de plus en plus dur. On doit s’entraider afin de passer des niveaux. Le plus fou dans tout ça, c’est que ce sont d’autres étudiants qui ont créé ces exercices !”

Pas de notes et de professeurs donc, mais de la pédagogie Freinet et des “niveaux” allant de 0 à 21, comme dans un jeu vidéo, qui valident les savoir-faire des élèves. Le tout dans un esprit d’entraide : pour passer d’un niveau à un autre, il faut corriger les copies de trois de ses camarades.

Reconnaissance publique

Avec la Grande école du numérique, le gouvernement entend soutenir ces formations en leur apportant une reconnaissance. À l’aide d’un label, tout d’abord, pour garantir la qualité des formations, tout en leur laissant une grande liberté pédagogique. “Nous ne voulons pas instaurer de programmes comme dans l’Éducation nationale, même si nous aimons beaucoup faire ça” , a ironisé le Président.

D’ici trois ans, l’État entend labelliser 200 structures qui formeront 10 000 étudiants. Soit le double de la formation actuelle de codeurs, toutes filières confondues. Les élèves pourront également bénéficier de bourses et de droits à la formation professionnelle pour financer leurs études. Autant de droits qui ne leur étaient pas ouverts jusqu’alors. Mais surtout, leurs diplômes seront désormais reconnus.

Jean-Jacques Valette
@ValetteJJ

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