Partager la publication "Sols vivants : les vignobles s’emparent de l’urgence climatique"
Arles, juin 2022. Au complexe artistique Luma, vient de se tenir le premier forum mondial sur les sols vivants. Organisé par Moët Hennessy, la filiale des vins et spiritueux du groupe LVMH, le World Living Sols Forum accueillait pendant deux jours la crème des experts et scientifiques du sujet, venus du monde entier. Après des dizaines d’années de surexploitation et de recours aux pesticides, l’heure n’est plus tant à la prise de conscience qu’à l’action.
La pérennité et la résilience de toute la filière vins et spiritueux, et plus largement de toute l’agriculture, en dépend. “Ramener les sols à leur santé originelle prend évidemment du temps, mais c’est en commençant le plus tôt que l’on a des résultats, explique Philippe Schaus, le PDG de Moët Hennessy. Nous avons besoin que le grand public prenne conscience que les sols sont en danger et non renouvelables.”
“Le sol n’est pas vivant en lui-même, mais il est issu du vivant, abrite le vivant et supporte le vivant”, explique la Dr. Kris Nichols, microbiologiste américaine et spécialiste de l’agriculture régénérative. A l’heure actuelle, on estime que 33 % des sols de la planète sont modérément ou gravement dégradés. C’est même 40 % en Afrique. Il y a donc urgence pour agir. “Ce sera moins cher de sauver les sols maintenant que d’essayer de faire des miracles plus tard, a affirmé la Dr. Diana Wall, écologiste du sol à l’Université du Colorado lors du World Living Sols Forum.
En effet, la formation d’1 cm de sol peut prendre jusqu’à 1000 ans. Surtout, il n’est pas réellement possible de créer artificiellement un sol tant les paramètres sont nombreux. Il y a plus d’organismes vivants dans une poignée de terre que de personnes sur Terre. Et on estime qu’un quart de la biodiversité terrestre se trouve dans les sols vivants. C’est le deuxième plus important puits de carbone sur Terre, derrière les océans mais devant les forêts.
En outre, le carbone organique présent dans le premier mètre de sol au niveau mondial représente entre 1 500 et 2 000 gigatonnes. C’est plus que les stocks de carbone organique de la biomasse végétale (650 gigatonnes) et de l’atmosphère (750 gigatonnes) réunis.
Le passage au bio, ou à la biodynamie, n’est pas la seule solution pour la régénération des sols. A l’heure actuelle, outre la réduction ou suppression des pesticides, les viticulteurs s’accordent pour dire que la combinaison de plusieurs actions donnent des résultats intéressants. Voici les trois principales :
Cela consiste à recouvrir le sol aux endroits où la vigne (ou le graines) n’est pas plantée. Cela passe par du paillage ou en plantant De cette manière, le sol n’est pas en contact direct avec l’air et les intempéries. Il sera donc moins exposé aux intempéries et à l’érosion. “Les couverts végétaux aident à enrichir les sols. Grâce à eux, on y retrouve davantage d’organismes (insectes, champignons, bactéries…). Et cela améliore la porosité des sols ainsi que la capacité du sol à capter et retenir l’eau”, explique Mathilde Boisseau, responsable du vignoble et de la biodiversité de la Maison Hennessy.
L’agroforesterie présente aussi des intérêts. Planter des arbres, ainsi que des haies avec différentes strates, entre les vignes ou au plus près des champs apportent de nombreux bienfaits. Non seulement, cela permet de créer un ombrage bénéfique avec la hausse des températures due au réchauffement climatique. La vigne transpire moins (moins d’évaporation d’eau) et les sols ne sont pas exposés directement aux rayons du soleil.
Qui plus est, au pied des arbres, se développent les mycorhizes qui vont améliorer la qualité des sols aussi. Ce sont des champignons qui forment une étroite symbiose avec les racines des plantes. Ce sont eux qui forment un réseau de filaments reliés aux racines des végétaux et leur permettent de puiser dans le sol les nutriments nécessaires à leur croissance.
En plus de la reforestation, il importe aussi de créer ce qu’on appelle des corridors écologiques, c’est-à-dire permettre des liaisons entre différentes zones sauvages au travers des champs et des vignes. Cela implique de ne plus avoir de parcelles monobloc et, parfois, d’arracher des vignes. Ce fut le cas chez Ruinart, en Champagne.
Stéphane Hallaire, fondateur de Reforest’Action, explique la démarche : “Il y a encore quelques années, Ruinart possédait 40 hectares de vignes d’un seul tenant. C’est ce que j’appelle un ‘désert de vignes’. L’idée était de mettre des haies mais nous ne voulions pas nous contenter d’encercler les rangs, nous voulions faire de l’intrapercellaire pour faire de la vitiforesterie réelle. Ruinart a accepté d’arracher trois rangées de vigne pour faire de la place et créer ainsi un corridor entre un bosquet et une forêt avec de permettre aux animaux de se déplacer d’un point à l’autre.” C’est le principe : créer où cela est possible des micro-forêts avec de nombreuses essences différentes et essayer de relier ces zones espacées de quelques centaines de mètres en vitiforesterie.
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