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Tic, tac… dans l’Affaire du siècle, l’État joue la montre

C’était le 14 octobre 2021, dans le cadre du procès appelé “Affaire du siècle” initié par quatre associations écologistes. Le tribunal administratif avait ordonné à l’État de mettre tout en œuvre pour réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre (GES) avant le 31 décembre 2022. À moins de 48 heures de la date fatidique, le bilan est très mitigé. Pourtant, le jugement enjoignait de prendre “toutes les mesures nécessaires pour réparer les conséquences de sa carence en matière de lutte contre le changement climatique”

Face au réchauffement climatique, et au regard du dernier rapport du GIEC, l’inaction climatique de la France reste flagrante. Et l’État peine encore à démontrer quelles mesures il a prises pour faire baisser ses émissions de GES. En effet, sur les neuf premiers mois de l’année 2022, les émissions de CO2 ont quasiment stagné (-0,3 %) par rapport à la même période un an plus tôt, selon les données provisoires du Citepa. Cette ONG évalue l’impact des activités humaines sur le climat et la pollution atmosphérique. Elle a été mandatée par le Ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) pour réaliser l’inventaire national des GES.

La France n’est pas sur la bonne trajectoire

Le constat est pour le moins inquiétant. La France est actuellement sur une trajectoire très éloignée des objectifs fixés pour 2030. Selon la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) adoptée, il nous faut atteindre une réduction de nos émissions de GES de 40 % à l’horizon 2030 (par rapport à 1990). Une cible qui devient chaque jour plus illusoire.

En outre, l’Union Européenne s’est fixé comme nouvel objectif une réduction de 55 % des émissions européennes pour 2030. Et la Commission Européenne a même annoncé à la COP27 son ambition de rehausser cet objectif à -57 %. L’écart entre les objectifs de réduction des GES et les politiques publiques de la France grandit donc jour après jour. Selon le Haut Conseil pour le Climat, il faudrait “un doublement du rythme annuel de baisse des émissions, pour atteindre environ -16 Mt éqCO2 (-4,7 %) en moyenne sur la période 2022-2030”.

Affaire du siècle : une astreinte financière pour obliger l’État à agir

Les quatre ONG à l’origine de l’Affaire du siècle sont en colère. La Fondation pour la nature et l’HommeGreenpeaceNotre affaire à tous et Oxfam France restent sur leur faim à la veille du 31 décembre 2022. Et entendent de prendre des mesures pour obliger l’État à agir. Elles “constatent que l’Etat n’a pas agi suffisamment depuis le jugement du 14 octobre 2021 le condamnant”. En outre, elles “demanderont, début 2023, une astreinte financière”, indique Notre affaire à tous dans un communiqué.

Pour rappel, lors des réquisitions du procès en septembre 2021, elles avaient demandé au tribunal de prononcer une astreinte de 78 millions d’euros par semestre de retard. La demande d’application de cette astreinte sera donc lancée début 2023. Mais ce n’est que courant 2024 que le tribunal ne statuera sur ce point. Entre-temps, le Conseil d’État doit lui aussi se prononcer.

Des politiques publiques encore bien trop timides

Afin de faire connaître leur déception, les quatre associations ont envoyé le mardi 20 décembre un courrier officiel au gouvernement. Elles réclamaient qu’il détaille l’ensemble des mesures mises en œuvre suite à sa condamnation. Aucune réponse n’a eu lieu jusqu’à présent.

À l’heure actuelle, comme le souligne le Haut Conseil pour le Climat, “ seules 6 des 25 orientations de la Stratégie nationale bas carbone bénéficient de mesures au niveau requis pour l’atteinte des budgets carbone”. Dans un rapport publié en juin dernier par l’Affaire du siècle, les associations soulignent que “sur les onze paramètres structurants des secteurs les plus émetteurs de GES en France (transport de personnes, logements, agriculture), seulement trois sont sur la bonne trajectoire.” En plein décrochage par rapport aux objectifs, la France doit se ressaisir… et cesser de jouer la montre.

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