Partager la publication "Un plastique qui nous étouffe : il est l’heure de sortir de cette relation toxique"
Lors de l’événement “2050 we are_ DEMAIN”, Rosalie Mann – présidente fondatrice de No More Plastic Foundation – a livré un plaidoyer passionné pour la réduction de l’usage du plastique, en expliquant comment ce matériau omniprésent affecte non seulement l’environnement, mais aussi la santé humaine. Autrice du livre No More Plastic*, Rosalie Mann a exploré les liens entre pollution plastique, crises sanitaires et impact économique, en soulignant la nécessité d’une révolution dans notre consommation pour éviter des conséquences catastrophiques.
“Nous vivons à l’ère du plastique, et il est temps de la quitter”, affirme-t-elle d’emblée, en appelant à des mesures radicales pour limiter sa production. Les chiffres de santé chez les jeunes sont en effet inquiétants : les cas de cancers ont augmenté de 79,1 % en 30 ans chez les moins de 50 ans. Ils sont passés de 1,82 million en 1990 à 3,26 millions en 2019, selon une étude publiée dans la revue britannique BMJ Oncology. Parmi les facteurs pouvant expliquer cette épidémie, le plastique – à base de pétrole – pourrait bien être une des causes.
Selon Rosalie Mann, la pollution plastique est loin d’être un simple problème de déchets. Elle rappelle que les plastiques, même en se dégradant, ne disparaissent jamais vraiment. Ces microparticules sont retrouvées partout, de l’océan aux sols, et jusqu’au corps humain. “Un sac en plastique ne se décompose pas en mille ans. Il se fragmente en nanoparticules qui persistent dans l’environnement et pénètrent nos organismes. On en a partout : cerveau, poumons, coeur, reins… et même le foetus et le placenta des bébés.”
Selon elle, l’impact de cette pollution sur notre santé est déjà visible, avec une hausse des maladies chroniques et des cancers, notamment chez les jeunes adultes. “Aujourd’hui, on ingère en moyenne l’équivalent d’une carte de crédit en plastique par semaine. Sans doute même plus”, précise-t-elle.
On ne le sait pas assez mais la pollution plastique a un impact disproportionné sur les femmes. Rosalie Mann explique que les femmes sont plus vulnérables à cette pollution en raison de leur physiologie et de leur exposition quotidienne à des produits plastiques. “Les perturbateurs endocriniens présents dans le plastique affectent particulièrement les femmes, notamment pendant les périodes de changements hormonaux comme la puberté, la grossesse ou la ménopause.”
Les produits de beauté (en moyenne 15 produits appliqués par jour !), les produits d’hygiène féminine, comme les cups, les serviettes hygiéniques et les culottes menstruelles, sont également des sources importantes de plastique et donc de contamination. “Une serviette hygiénique, c’est 90 % de plastique, pointe Rosalie Mann. Le plastique est partout dans nos vies, et les femmes sont les premières à en subir les conséquences directes.” Même quand on fait du sport et que l’on sue, nous sommes particulièrement exposés aux nanoparticules issues de nos vêtements techniques de sport. Tout comme les fragments qui s’éparpillent des semelles des baskets à mesure qu’elles s’usent à chaque frottement avec le sol.
Cette réalité invisible affecte également l’économie. Rosalie Mann évoque les conséquences directes sur des secteurs comme le tourisme, où des plages paradisiaques sont désormais recouvertes de plastique. La prise de conscience du grand public risque aussi d’affecter très vite le modèle économique des firmes très dépendantes de ce matériau fossile. “Chaque entreprise qui dépend du plastique devra se réinventer, sinon elle disparaîtra. Le monde de demain ne tolérera plus l’omniprésence du plastique dans nos vies”, prédit-elle.
Elle est convaincue que l’industrie du plastique est à un tournant. “Plus une entreprise est dépendante du plastique, plus elle est vouée à disparaître à long terme.” Elle cite l’exemple de Netflix, qui a su anticiper l’avènement du streaming et abandonner les cassettes vidéo avant ses concurrents. De la même manière, les entreprises doivent comprendre les signaux faibles du marché et se tourner vers des alternatives au plastique. “Celles qui refusent de se déplastifier courent vers leur perte.”
“Le plastique est un matériau fantastique mais on l’a utilisé dans des quantités exponentielles. On nous prédit 600 millions de tonnes produites par an en 2030, c’est demain. Aujourd’hui, nous en produisons déjà 460 millions de tonnes par an.” Pourtant, il existe des solutions alternatives concrètes, déjà en place. Les contenants en verre sont une première solution. Rosalie Mann cite aussi la Seaweed Revolution aux États-Unis, où des algues brunes remplacent le plastique dans certaines applications industrielles.
“C’est biosourcé, biodégradable, et surtout inépuisable”, souligne celle qui plaide pour des investissements massifs dans ce type de technologies vertes. Elle évoque également les champignons comme alternatives prometteuses, et rappelle que “la production de plastique génère davantage de gaz à effet de serre que l’aviation.”
“La production de plastique génère davantage de gaz à effet de serre que l’aviation.”
Au-delà des solutions technologiques, Rosalie Mann appelle à une action politique forte. Elle salue les initiatives internationales comme le traité d’Ottawa contre la pollution plastique, mais regrette l’absence d’actions concrètes dans de nombreux pays. “Il est crucial de mettre en place des régulations sévères pour encadrer l’usage du plastique, et cela passe par des accords internationaux.”
Le recyclage, souvent mis en avant comme solution, est pour Rosalie Mann une fausse promesse. “Recyclons, oui, mais le plastique recyclé est souvent plus toxique que le plastique neuf. Il génère davantage de nanoparticules et n’apporte pas de solution durable.” Elle met en garde contre cette fausse bonne idée, prônant plutôt une réduction drastique de la production.
Pour Rosalie Mann, le changement viendra notamment des consommateurs et de leur prise de conscience. La plupart des objets de notre quotidien, des vêtements en polyester aux jouets en plastique en passant par les contenants dans la cuisine, sont responsables de cette pollution invisible qui pénètre nos corps. “Il est temps d’adopter des alternatives plus durables, comme les matières naturelles. Le coton, le verre, ou même les matériaux à base d’algues peuvent remplacer le plastique dans de nombreux secteurs.”
Elle appelle à une mobilisation générale contre le plastique. “Le futur de l’environnement dépend de notre capacité à sortir de l’ère du plastique et à adopter des solutions durables.” Elle se montre optimiste quant à la possibilité d’inverser la tendance, mais rappelle que la transition doit être rapide et ambitieuse. “Le monde que nous créons aujourd’hui est celui dans lequel nous vivrons demain. Il est temps d’agir.”
* No More Plastic, Rosalie Mann, La Plage Editeur, septembre 2024, 256 pages, 22€.
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