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Vague de chaleur, plume de chaleur, canicule… mieux comprendre ces phénomènes météorologiques

Après des pics de températures en juin, voici que juillet 2022 s’annonce lui aussi particulièrement éprouvant. Les organismes pourraient souffrir en raison de phénomènes de forte chaleur. On pourrait même assister à des records jamais encore enregistrés. Christophe Cassou, directeur de Recherche au CNRS, climatologue et auteur principal du 6e rapport du GIEC, a pris la parole sur Twitter. Il y explique ce qu’il se passe actuellement dans l’Hexagone d’un point de vue météorologique.

Il est important déjà de remettre les phénomènes de forte chaleur en perspective. En analysant les chiffres de Météo France depuis 1947, on constate une intensification très nette des vagues de chaleur. Si leur occurrence était en moyenne d’un été tous les 5 ans avant 1989, elle est devenue annuelle depuis 2000. Depuis 1990, la récurrence est bien plus forte qu’elle ne l’était auparavant. “Alors que la France connaissait en moyenne 1,7 jour de vagues de chaleur par an avant 1989, elle en a subi 7,95 jours par an depuis 2000 et à 9,4 sur la dernière décennie”, explique Météo France. Sur les 44 épisodes pointés en France depuis 1947, 9 ont eu lieu avant 1989. Et 34 entre 1989 et 2019.

Un phénomène de plus en plus récurrent

Depuis 2010, on dénombre pas moins de vingt vagues de chaleur, plus que sur toute la période 1947-2000 cumulée.

Il y a eu 3 fois plus de vagues de chaleur ces 30 dernières années que durant les 42 années précédentes. Crédit : Météo France / Christophe Cassou sur Twitter.

En juin dernier, la vague de chaleur était la conséquence d’une masse d’air chaud d’origine saharienne/maghrébine. Elle est remontée du nord de l’Afrique en Europe via le sud de l’Espagne, formant visuellement une “plume de chaleur”. En effet, cette masse d’air est prise en entonnoir et se déplace du sud vers le nord. “C’est une vague de chaleur advective (transport d’un air chaud et sec par les vents de Sud)”, expliquait Christophe Cassou le 12 juin 2022. Il ne faut pas confondre ce phénomène avec un dôme de chaleur qui, lui, est plutôt statique.

Juillet 2022 : vers de nouveaux records historiques de chaleur

Selon Christophe Cassou, on assiste depuis ce week-end à “la construction progressive d’un environnement de très grande échelle”. C’est le “déferlement d’une onde dite planétaire, de la Scandinavie à la Méditerranée, favorable aux conditions chaudes sur la France”. Dans un deuxième temps, “arrive la dynamique de la goutte froide favorisant la plume de chaleur. Dont l’effet sera considérablement amplifié par le ‘niveau de fond’ déjà chaud++.”

Il est possible, mais pas encore certain, que l’on se retrouve cette fois avec un dôme de chaleur – beaucoup plus statique donc – qui pourrait durer bien plus longtemps qu’en juin. “Au final, on se retrouve avec un dôme de chaleur au cœur du déferlement + une petite goutte froide boostée. Jour après jour, les températures augmentent en mode ‘piling up’ selon de multiples processus pouvant conduire à une méga-canicule en présence de sol sec.”, alerte le climatologue. Un phénomène assez proche de ce qu’il s’était passé au Canada fin juin – début juillet 2021. Et, à la clé, une canicule qui pourrait être encore plus forte qu’en 2003.

Une canicule 2003 bis ?

Pour expliquer ce phénomène, Christophe Cassou souligne que “toutes les planètes sont alignées”. “La mousson africaine est plus active que la normale et les pluies sont plus fortes sur le bassin ouest, deux zones cruciales pour assurer des téléconnexions avec le climat européen”. Et d’ajouter : “Les OVNI climatiques (= cygnes noirs) frappent partout sur la planète. Pourquoi pas la France ?”

Le climatologue souligne le lien entre ces phénomènes de températures très élevées et le dérèglement climatique. “Le rapport du GIEC montre que des changements à long terme dans les statistiques des températures extrêmes de courte et de longue durée, notamment l’intensité, la fréquence et la durée, ont été détectés dans les observations et attribués à l’influence humaine à l’échelle mondiale et continentale”, rappelle-t-il.

“Les extrêmes ont toujours existé mais l’influence humaine modifie leurs statistiques et favorise l’émergence de phénomènes très rares/exceptionnels/inédits, même au niveau de réchauffement planétaire actuel (+1.1°C). Chaque incrément de degré supplémentaire augmente les risques et les souffrances.”

Pic, vague, plume, dôme de chaleur, canicule… tout un vocabulaire à maîtriser

Pic de chaleur : il s’agit d’une exposition de courte durée à une chaleur intense.

Vague de chaleur : on parle ici de températures anormalement élevées, observées pendant plusieurs jours consécutifs.

Dôme de chaleur : il s’agit d’une zone stationnaire de forte chaleur induite par une haute pression dans l’atmosphère. Celle-ci piège la chaleur et entraîne une augmentation des températures au niveau du sol.

Plume de chaleur : c’est une remontée très étroite d’air chaud sur une zone bien localisée (un ou deux pays). La formation d’une plume de chaleur est la conséquence de l’apparition d’une goutte froide à un point donné. Cette dernière agit comme une pompe à chaleur. Avec des vents qui tournent autour d’elle dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Conséquence : ces vents font remonter de l’air extrêmement chaud d’un point plus au sud vers le nord. Par exemple, du Maghreb vers l’Espagne et la France comme ce fut le cas en juin 2022.

Canicule : C’est un épisode de chaleur intense durant lequel les températures restent élevées pendant au moins trois jours et trois nuits consécutifs. Les températures ne baissent que dans de faibles proportions la nuit, ne laissant aucun répit au corps humain. Cela représente un risque pour la santé humaine, notamment pour les populations fragiles ou surexposées (enfants, personnes âgées, métiers impliquant des efforts physiques, etc.).

À lire aussi : Medicane, trombe marine, épisode cévenol… lexique des phénomènes météo extrêmes

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