Vive la (r)évolution !

Incontestablement, notre pays traverse une crise profonde. Entre Français, entre ses politiques et ses citoyens, entre ses institutions et ses citoyens. La confiance semble rompue et l’ambiance délétère. Le phénomène des Gilets Jaunes en est la parfaite illustration.

Mais sommes-nous vraiment dans une société bipolaire, où deux parties, deux France s’affrontent ? Une société scindée entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas ; entre ceux qui dirigent et ceux qui exécutent ; entre ceux qui savent et ceux qui se contentent de suivre. Indéniablement notre pays et notre société doivent changer pour mettre fin à cette crise du sens et de la gouvernance qui les traverse. Pas en faisant le choix de la Révolution et du Grand Soir mais en optant pour la lumière d’une nouvelle gouvernance, “évolutionnaire”.

Pour ce faire, notre pays, nos institutions ont beaucoup à apprendre des entreprises et des nouvelles organisations que celles-ci ont su faire naître.

Ce que dit la crise des “Gilets Jaunes”

Sans vouloir jouer les augures antidatés, comme dans tous mouvements politiques et sociaux d’envergure, la crise des Gilets Jaunes est l’expression de signaux faibles devenus forts. Si son émergence a été la plus lente à apparaître dans les revendications, le thème de la souveraineté des citoyens est, sans conteste, le plus puissant. C’est en lui que toutes les revendications s’agrègent.

Comme beaucoup de Français, le gilet jaune se sent impuissant, dépossédé de la souveraineté qu’il incarne, en théorie, en tant que citoyen. Le “pouvoir” est trop éloigné de lui, les élus déconnectés ne représentent plus qu’eux-mêmes ou, du moins, des intérêts qui le dépassent. Plus globalement, les Français, du moins certains, se sentent dépossédés du pouvoir sur lequel notre système est construit : sa Constitution.
 
Si la réponse à cette crise est bien entendu complexe, elle implique bien plus qu’un simple changement de numéro de notre Constitution. Le constat est là : le contrat qui lie chaque citoyen à ses représentants, à ses institutions est obsolète et nécessite de réinventer la place et le rôle que chacun doit y jouer. Il est d’ailleurs assez cocasse de se dire qu’un mouvement que beaucoup résumait à une jacquerie, où s’agrégeaient autant de doléances que de manifestants, devient aujourd’hui l’expression d’une nécessaire mutation et d’une profonde crise de gouvernance.
 

Le mouvement des Gilets Jaunes est l’expression d’un trop plein. Avec eux, c’est l’ensemble des citoyens qui souhaitent être entendus et exercer leurs pouvoirs. Indéniablement, le système actuel ne permet pas de s’appuyer sur une gouvernance équitable, claire et acceptée de tous, de traiter ses tensions efficacement sans les exprimer dans la rue. La tension devient colère et l’issue n’en est que plus difficile.
 
C’est justement parce que l’esprit de notre démocratie, incarné par le magnifique “liberté, égalité, fraternité”, doit être sauvegardé que la Constitution et la gouvernance doivent évoluer. Et si nous nous inspirions de ces entreprises qui ont su entrer dans le XXIe siècle en réinventant leur organisation et la gouvernance qui la caractérise ?

S’inspirer des entreprises et de Holacracy

Si l’on observe attentivement les changements de nos systèmes politiques et qu’on les compare à ceux qu’ont traversés, sur la même période, les organisations des entreprises, le contraste est frappant. Alors, qu’au XXe siècle, le politique a été précurseur et synonyme de progrès pour le citoyen, l’entreprise était le reflet d’un monde qui enferme et contraint dans une hiérarchie rigide et figée.

Aujourd’hui, la situation s’est inversée. Bien sûr, une large majorité d’entreprises restent fidèles à un modèle hiérarchique obsolète mais nombre d’autres ont choisi d’opter pour une organisation réinventée, débarrassée de ses oripeaux hiérarchiques, horizontale, où tous se mettent au service d’une raison d’être partagée et prennent en charge des rôles où ils sont en mesure d’exprimer leurs talents, en toute autonomie et responsabilité.
 
Face à la rigidité du modèle hiérarchique, Holacracy propose une méthode et des outils pour donner naissance à une organisation construite sur une gouvernance partagée, transparente et personnalisée.
 

Avec Holacracy, l’évolution n’est pas une théorie mais un élément constitutif de l’organisation : rester, en toute circonstance, focalisé sur la raison d’être en proposant une organisation inclusive. Rien à voir avec une organisation qui serait une simple inversion de la pyramide, une transposition de la “dictature du prolétariat” au sein de l’entreprise. Holacracy est l’opportunité pour les entreprises de donner aux équipes un accès au pouvoir, de leur offrir la possibilité de peser sur les décisions.
 
La nouvelle gouvernance crée le chemin pour que chacun puisse traiter ses tensions. Elle permet de canaliser, d’expliciter et de structurer. Elle évite les crises et le chaos puisque, par essence, elle est “évolutionnaire” et donc à l’écoute de chacun. Enfin, dernier argument qui fait des entreprises ayant choisi Holacracy une source d’inspiration souhaitable : la bienveillance. Fini les boucs-émissaires, cette incompréhension qui nous monte les uns contre les autres.

Chacun est moteur, partie prenante, une pièce unique et irremplaçable du “puzzle” ; légitime et à même d’exprimer ses idées et ses talents. Aucune utopie ici. Des dizaines d’entreprises en France et dans le monde le démontrent chaque jour.
 
La tâche est donc immense et l’enjeu vital. Le moment est exaltant et vient démontrer l’attachement viscéral que tous accordent à un vivre ensemble plus transparent, plus représentatif, plus efficace et, surtout, plus vivant.
 

Bernard Marie Chiquet est expert des organisations et fondateur de iGi Partners, une société qui promeut le concept américain d’holacratie en France et en Europe. Il enseigne également à l’IAE Lyon School of Management et intervenient à HEC Executive Education sur l’évolution des modes de gouvernance et le leadership.

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