À Bordeaux, ils lancent le premier réseau urbain de toilettes sèches

Cantonnées aux festivals et aux maisons à la campagne, les toilettes sèches ? De moins en moins. Nous vous parlions déjà il y a quelques mois du premier immeuble équipé de WC sans eau, en Bretagne.

Cette fois-ci, ce sont des Bordelais qui innovent. L’association la Fumainerie lance début mars le premier réseau d’assainissement collectif urbain déconnecté du tout-à-l’égout : pendant deux ans, des toilettes sèches vont être expérimentées et “évaluées” dans 35 foyers du centre-ville.

“Aberrant de faire caca dans de l’eau potable”

“Il est aberrant de faire caca dans de l’eau potable, alors que 500 millions de personnes en manquent dans le monde ! Une chasse d’eau pompe 3 à 9 litres d’eau”, souligne Ambre Diazabakana, membre de la Fumainerie.

Qui rappelle aussi la pollution générée par les toilettes traditionnelles : “Des médicaments et des produits phytosanitaires que nous consommons, mais aussi les excès d’azote et phosphore présents dans nos déjections, non filtrés par les stations d’épuration, déséquilibrent les milieux aquatiques.”

Mais changer de système n’est pas évident. Ingénieure agronome spécialiste en économie de l’environnement, Ambre en sait quelque chose. Elle-même a voulu installer des toilettes sèches dans son appart en 2018 et n’a trouvé personne pour collecter ses résidus…

L’ingénieure s’est donc rapprochée d’autres scientifiques, écologistes et entrepreneurs, réunis dans la Fumainerie afin de trouver ensemble la solution la plus pratique possible.
 

 

Transformer le fumain en engrais

Résultat, trois systèmes de toilettes sèches vont être testés chez les volontaires du réseau. Certains déversent l’urine et les excréments dans des bacs séparés sous les toilettes. “Disperser un peu de sciure et du vinaigre blanc suffisent pour prévenir les mauvaises odeurs”, selon Ambre. Dans un modèle plus “high-tech”, les déjections tombent dans une cuve à l’extérieur de la maison.

Puis les foyers indiqueront sur une plateforme leurs disponibilités afin qu’un “vidangeur” passe en vélo-cargo à l’heure convenue. “Chez moi, habitant seule, je fais la vidange tous les quinze jours, mais cela peut aller de 3 jours à 3 semaines selon la taille de la famille”, précise Ambre.

L’urine récupérée sera alors transformée en fertilisant, les matières fécales en amendement organique. Ces dernières pourraient même être converties en énergie, par méthanisation.
 

“Ce que nous considérons comme des déchets sont des ressources précieuses ! D’ailleurs, elles n’ont cessé d’être collectées en bas des immeuble qu’il y a un siècle”, plaide encore la jeune femme.

Un modèle économique à trouver

Dans un premier temps, l’association va faire appel à un acteur extérieur, mais, à l’avenir, elle aimerait valoriser ses déchets en interne pour gagner en rentabilité. Les seules économies d’eau, en effet – une trentaine d’euros annuels par foyer – sont peu incitatives. Ce qui pourrait évoluer dans les prochaines années, estime Ambre : “Les agriculteurs ont besoin d’azote et de phosphore, or les fertilisants chimiques coûtent de plus en plus cher.”

En attendant, le collectif a reçu des aides locales, en remportant notamment le prix coup de cœur des Trophées Agenda 21 du département et le prix coup de cœur de l’Économie Sociale et Solidaire de Bordeaux Métropole.

Via une campagne de crowdfunding, 8 000 euros ont aussi été collectés très rapidement. “C’est important d’un point de vue symbolique, cela montre la forte adhésion du public au projet !”

Quant à la vie au jour le jour avec ces WC d’un nouveau genre, de même que leur commodité, leur coût, leur impact écologique, ainsi que leur acceptabilité sociale, ils doivent être étudiés par des scientifiques associés au projet. Une phase expérimentale de deux ans à l’issue de laquelle, espèrent les Bordelais, les toilettes sèches pourraient commencer leur conquête des villes de France.

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