Avec Molécule, bienvenue dans le concert du futur

La rencontre commence par une anecdote. Lorsque les Beatles se produisent le 15 août 1965 au Shea Stadium à New York,  les hurlements du public en délire recouvrent presque totalement le son des amplis et des hauts-parleurs… si bien que, de ce concert pourtant historique, personne, pas même les artistes, n’ont entendu clairement une note !

Les infrastructures sonores ont heureusement considérablement évolué. Elles s’apprêtent même à franchir un cap en diffusant du son en trois dimensions. C’est le pari que s’est lancé le DJ Romain Delahaye, alias Molécule, rencontré avec son équipe dans les locaux de la Maison de la Radio.

Le Français d’origine bretonne se produira en live le 18 avril prochain au festival du Printemps de Bourges, avec une performance électro immersive et inédite.

“ACOUSMATIC 360°” plongera les festivaliers dans le noir complet. L’absence de lumière est censé stimuler les sens, l’imagination, et les rendre plus réceptifs à la musique.
 

On veut emmener le public dans des territoires sonores encore inexplorés”, explique Romain Delahaye. Le DJ affirme vouloir prendre le contre-pied des machineries contemporaines parfois saturées d’effets lumineux, de vidéos “et de confettis” qui relèguent le son au second plan. Dans ACOUSMATIC, place à l’épure. L’artiste mixe sur une scène centrale, entouré par le public.
Surtout, la particularité de ce concert est d’utiliser le système sonore L-ISA. Cette technologie, mise au point par l’entreprise française L-Acoustics, permet de répartir la diffusion du son en différents points, donc de le “spatialiser” et de lui donner une impression de profondeur. Un concept qui a déjà séduit la chanteuse américaine Lady Gaga, la française Christine and the Queens, ou encore le groupe Aerosmith.

Créer une bulle d’immersion à 360° dans la musique

Molécule pousse le concept encore plus loin en disposant les enceintes en cercle autour du public, pour créer une bulle d’immersion dans la musique à 360 degrés.

Autre spécificité : “On compose tous les deux en direct, certaines choses sont déjà écrites mais il y a une grande part d’improvisation”, explique Hervé Déjardin, chef opérateur son à Radio France, chargé de la spatialisation pendant le live. “Nous avons plusieurs pistes de son, par exemple une de basse, une de caisse claire, une enregistrée par Romain au Groenland [tirée de son précédent album ‘-22.7°C’ ndlr]… Ensuite nous jouons avec chacune indépendamment, en la promenant dans l’espace, en l’étalant.

Concrètement, le spectateur dans la salle entendra chacun des sons joués, mais leur intensité et leur localisation dans l’espace (viennent-ils d’au-dessus, de droite, de derrière de lui ?) varieront au gré des envies de l’artiste. En faisant appel à notre capacité naturelle à entendre en trois dimensions, la musique à 360° promet une immersion plus forte qu’avec la stéréo qui “écrase” et lisse le son.

“Ce ne serait pas faisable avec de la musique classique”

L’électro facilite ce genre de projet. Ce ne serait pas faisable avec de la musique classique, où les sons ont une forte connotation culturelle. Si, pendant un concert, le son d’un violon se mettait subitement à se promener dans la salle, les auditeurs seraient très perturbés !

Le duo avait déjà tenté une première expérience en octobre dernier au Rex Club à Paris, enveloppant le public de musique en 3D pendant plus d’une heure et demi de live, toutes lumières éteintes. Les retours ont été, selon eux, très positifs. 

Le concert de demain s’écoutera-t-il à 360° ? Le système utilisé par Molécule possède une limite de taille. Il ne fonctionne que dans un espace restreint. “Nous ne pouvons accueillir plus de 1000 personnes sur une telle installation”, confirme Frédéric Blanc-Garin, ingénieur du son chez L-Acoustic. La raison est purement physique : le son doit être audible par l’ensemble du public sans aucun décalage.

Dernière option pour ceux qui ne peuvent se rendre au concert : écouter le son enregistré grâce à du matériel adapté. Les marques proposent de plus en plus d’enceintes ou de casques à 360° pour profiter de la spatialisation sonore directement chez soi. De quoi prolonger l’expérience du concert de demain… ou profiter de la musique sans se faire bousculer au fond de la fosse.

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