Bruno Pieters, le styliste décarboné

Comment connaître la traçabilité des vêtements que l’on porte, et dans quelles conditions ont-ils été élaborés ? Au-delà des labels à la signification obscure (« fabriqué en Chine », 
« assemblé en Europe »), le designer Bruno Pieters fait le pari de détailler
 sur son site, honestby.com, la provenance du moindre composant issu de ses créations; mais aussi 
les coordonnées du fabricant, des assembleurs et des transporteurs, le coût de production, la marge de chacun des intermédiaires et l’état des stocks.

Des informations a priori confidentielles qui, selon le créateur,
 ne devraient plus l’être. « Les consommateurs ne savent plus qui croire. Or, selon moi, acheter, c’est voter. 
Dès que l’on achète un produit, c’est
 que d’une certaine façon on approuve la manière dont il a été conçu. » Pourtant, ces informations sont très difficiles
 à recouper, comme en témoigne l’expérience de consommateur de Bruno Pieters lui-même. « J’ai été tellement
 déçu quand j’ai réalisé que le sac de voyage “de luxe” que j’avais acheté n’avait pas
 été fabriqué en Italie mais en Chine,
 et fini et emballé en Italie. Alors que j’avais payé pour un sac fabriqué en Italie ! »

Diplômé de l’académie royale
 des Beaux-arts d’Anvers à l’aube des années 2000, le jeune homme fait
 ses premiers pas aux côtés d’un autre créateur belge de renom, Martin Margiela, puis travaille avec Christian Lacroix, avant de présenter dès 2001 sa propre ligne couture lors de la fashion week parisienne. À la fin des années 2000, Hugo Boss lui confie la direction artistique de sa ligne avant-gardiste Hugo by Hugo Boss, qu’il assume pendant trois ans. Mais en février 2011, Bruno Pieters décide de prendre du recul, vend la marque qui porte son nom, fait cadeau de ses archives au musée de la mode d’Anvers, puis disparaît. Il voyage 
à travers le monde, notamment en inde. À son retour, il met en place le concept Honest by, animé d’un souci de l’autre 
et d’une conscience environnementale toute neuve. Le site voit le jour en 2012. « Pour la première fois de ma vie, je peux affirmer que je crois vraiment en ce que
 je fais », déclare-t-il au moment
 du lancement.
 
Exigence et transparence

La première collection est à l’image de ce qu’il a toujours su faire : des lignes épurées, des coupes nettes, bien taillées. Il revisite pour l’occasion
des pièces iconiques, telles 
que le trench, le jean ou 
le bomber. La différence aujourd’hui réside
 dans les matières qu’il
 choisit : Bruno Pieters 
érige en principe de ne 
jamais utiliser ou de vendre
 de cuir ou de fourrure sur
 son site, par respect pour la
 vie animale. Dans la mesure
 du possible, il bannit tout recours à des matières 
issues du règne animal, exception faite de la laine et de la soie. Par souci d’exigence et de transparence, ses créations sont déclinées en plusieurs versions, signalées par des pastilles de couleur : verte pour « bio », rose pour « végétalien », orange pour « respecte la peau », bleu pour « recyclé », gris pour « européen ». Facilement identifiables, ces indications orientent le consommateur vers ce qu’il considère comme le plus important.

À y regarder de plus près, la majorité des pièces répondent au minimum à deux de ces caractéristiques, mais le critère européen est particulièrement cher au créateur. Cette mention signifie que l’objet a été manufacturé de A à Z en Europe et possède une empreinte carbone moins importante. Le résultat apparaît en cliquant sur la vignette. Mis au point par un organisme indépendant (dont les coordonnées et la méthode sont précisées), le calcul de l’empreinte carbone prend en compte tous les transports induits par le processus de production, du lieu de stockage de
la matière première au stock d’Honest by.

Le concept ne se limite pas aux créations de Bruno Pieters. Depuis le lancement du site, cinq créateurs ont joué le jeu, exigeant, de la transparence. Pour Bruno Pieters, toutes les marques devraient essayer au moins une fois de concevoir une ligne pour Honest by, et s’interroger à cette occasion sur leurs pratiques.

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