Cet architecte français a mis le feu au Burning Man

Il vient d’atterrir mais plane encore un peu, sonné par l’expérience “extraordinaire” qu’il vient de vivre – atypique, il est vrai pour un architecte français. Arthur Mamou-Mani, 35 ans, débarque tout juste du Burning Man, le festival déjanté qui se tient chaque année dans le désert du Nevada, aux Etats-Unis. A la fin du mois d’août, 70 000 personnes ont convergé vers la ville éphémère de Black Rock City, pour dix jours de performances artistiques et de fête continue.
 
Cette année, c’est lui qui a été choisi pour construire le “Temple” de la manifestation. Sanctuaire oecuménique, où les “burners” du monde entier viennent se recueillir, cette oeuvre est brûlée en fin de festival lors d’un rituel cathartique. Une consécration pour l’architecte, premier Français à bâtir l’icône du festival.
 
Depuis six ans, il y revient presque chaque année : “Le Burning Man est intéressant car il encourage à développer l’imaginaire. Tout est permis. En même temps, vous êtes en plein désert, vous devez composer avec des contraintes climatiques fortes, être autonome, résilient. C’est une très bonne école pour un architecte !”

Cours d’architecture Burning Man à l’université

Aujourd’hui installé à Londres, Arthur Mamou-Mani donne même un cours d’architecture “Burning Man” à l’université de Westminster. Chaque année, il emmène ses étudiants sur place, qui doivent y concrétiser un projet et réussir à le financer.

Là, il y a deux ans, l’architecte avait déjà construit une tour en bois de six mètres qui lui avait valu le prix Architizer A+. Cette année, changement d’échelle : son projet “Galaxia”, de 20 mètres de haut, a été sélectionné parmi douze autres projets candidats. Un projet inspiré d’un ouvrage de science-fiction d’Isaac Asimov.

En bois, léger et élancé, Galaxia s’élève comme un tourbillon infini entre le désert et le ciel : “Les temples du Burning Man font souvent référence à une religion ou à une culture. Je voulais un lieu de spiritualité pure, moderne et universel”, confie-t-il. “Ce fut très émouvant. Des milliers de personnes de toutes origines sont venues se recueillir, communier, déposer des prières, des offrandes, des fleurs ou même un pistolet !”. L’architecte, lui-même, a décidé de se marier sur place, escorté par des art cars, les véhicules fantaisistes du Burning Man, en chantant les Beatles…

Design paramétrique

Pour donner jour à un tel objet, Arthur Mamou-Mani a eu recours au “design paramétrique” : ce mode de création assistée par ordinateur permet de faire émerger des formes étonnantes, souvent proches du monde végétal, évoluant selon les paramètres entrés dans la machine.

Des méthodes découvertes à la prestigieuse Architectural Association de Londres, après son diplôme de l’école d’architecture de Paris-Malaquais. Il fut ensuite stagiaire auprès Jean Nouvel et de Patrick Bouchain, avant de créer sa propre agence, ainsi qu’un Fab Lab – baptisé “FabPub” – culture londonienne oblige – ouvert aux jeunes architectes. Pour contrôler les machines de l’atelier, il a aussi développé son propre logiciel. Et met au point une imprimante 3D suspendue à une grue…
 
Les petites mains ont tout de même été bienvenues au Burning Man. Quelque 140 bénévoles ont été sélectionnés pour l’aider à assembler, sur le chantier, les milliers de triangles en bois de Galaxia, “comme un origami géant“.

Un temple brûlé et une pluie de dollars

Après ce long travail, et quelques jours de festivités, le temple a donc été brûlé. “Cela fait partie du jeu, comme pour les expositions universelles.” Soit 500 000 dollars – tout de même ! – partis en fumée… L’organisation de Burning Man donne 100 000 dollars pour la construction du temple. 150 000 dollars ont été récoltés en crowdfunding. Enfin, de grandes entreprises, Google en premier, ont aussi financé Galaxia pour compléter les fonds apportés par l’agence de Mamou-Mani elle-même. “Cette année était un peu spéciale, tout le monde voulait honorer la mémoire de Larry Harvey.”, le fondateur du festival emporté au printemps par un AVC.

Si une telle somme a été réunie, c’est aussi que le festival attire de plus en plus d’entreprises, de célébrités et de millionnaires. Elon Musk, le fondateur de Tesla, y assiste chaque année. Des publicitaires et des DJ célèbres s’y retrouvent. La plus grosse agence d’architecture mondiale, BIG, a aussi fait le déplacement. Cette évolution mercantile déçoit une partie des adeptes du rendez-vous mais n’est pas forcément contre-nature, selon Arthur Mamou-Mani : “La vocation du Burning Man a toujours été de grandir, d’impacter tous les secteurs de la société, de créer une sorte ‘d’internet physique’ reliant le plus de monde possible”.

Une connexion qui semble en tous cas porter ses fruits pour l’agence du designer. “Nous commençons à recevoir des demandes de divers pays”, reconnaît-il. On pourrait même bientôt voir Arthur Mamou-Mani à Paris, où l’architecte a été approché pour réinventer, par ordinateur, les balustrades fleuries des balcons haussmanniens.
 

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