Cette entreprise française fait du froid avec du son

Avec le réchauffement planétaire, le nombre de climatiseurs pourrait tripler d’ici 2050… Il existe bien quelques façons plus écolos de rafraichir l’atmosphère, nous vous en parlions ici. Mais des inventeurs planchent sur des systèmes plus innovants.

Transformer une forte chaleur en froid 100 % écologique, c’est ce que fait Equium, startup de huit personnes, née en 2017, et établie à Saint-Herblain, en Loire-Atlantique.
 
Son secret ? Elle opère cette conversion grâce à l’énergie naturelle du son. Une technologie thermo-acoustique qui ne consomme que 30 % de l’énergie nécessaire à un appareil frigorifique standard, sans nuire à la couche d’ozone.
 
Son prototype, un circuit de tuyaux et d’échangeurs de chaleur de 6 mètres baptisé “Eqooler”, réalisé au début de l’année, est labellisé ce vendredi 28 juin par le Pôle de compétitivité Mer Bretagne Atlantique.
 
La machine-frigorifique-acoustique servira, dans un premier temps des secteurs qui génèrent beaucoup de chaleur et ont besoin de systèmes de refroidissement : l’industrie navale puis l’industrie agro-alimentaire. À plus long terme, une fois miniaturisée, elle pourrait climatiser des véhicules et des habitations.

“Une climatisation” écolo

À l’origine, c’est un chercheur de l’Université Pierre et Marie Curie, Maurice-Xavier François, qui a mis au point la technologie, protégée par plusieurs brevets. Son fils Cédric François cherche aujourd’hui à la commercialiser.
 
Son procédé exploite un phénomène naturel. En résumé : n’importe quelle onde sonore engendre une variation de température. Un cri humain, par exemple, peut provoquer une diminution de température de 0,0001°C, un phénomène qui peut être amplifié.

Le prototype d’Equium récupère de l’air chaud dans un échangeur; la différence de température avec l’air ambiant va provoquer une onde sonore. Cette onde va remplacer un instrument que l’on trouve dans les frigidaires, le compresseur, et créer de l’air froid. “En montant puis en descendant dans l’hélium présent dans le circuit, les ondes assurent le principe de base de la production de froid : la compression-détente ”, explique Cédric François.
 
À l’inverse des autres appareils de réfrigération, l’Eqooler n’utilise pas de gaz à effet de serre. Il permet aussi de réaliser une économie d’électricité de 70 à 95 % par rapport aux machines frigorifiques classiques. Un gain précieux quand on sait qu’actuellement le refroidissement de bâtiments absorbe 10 % de la production électrique mondiale, un chiffre qui pourrait doubler d’ici 2030, alerte l’Agence Internationale de l’Énergie.
 
Enfin, il est silencieux et ne nécessite presqu’ aucune maintenance en raison de l’absence de pièces mécaniques mobiles.

Demain dans les voitures ou les maisons ?

L’Eqooler intéresse des lieux non raccordés aux réseaux électriques (bateaux, sites isolés…), où le coût de l’électricité est élevé. Il permettrait aussi d’améliorer l’efficacité énergétique de systèmes de production d’électricité (groupes électrogènes, turbines à gaz…) en valorisant leur chaleur perdue pour les refroidir et leur redonner de la puissance.

Aussi sera-t-il testé d’abord, dès le mois de septembre, dans le domaine maritime, à Saint Malo, chez Emeraude Moteurs Systèmes, spécialiste de groupes électrogènes marins. “Ce prototype présente un réel intérêt écologique, explique Frédéric Ravilly, responsable développement du pôle Mer Bretagne Atlantique – Régions Pays de la Loire : il récupère la chaleur fatale des moteurs pour qu’elle ne parte pas dans l’atmosphère et pour qu’elle produise du froid, en un cercle vertueux. Il a un avenir dans la marine de travail (bateaux de pêche, ferries…)  car il permet de frigorifier les cales, de climatiser les cabines”. 
 
Et d’ajouter : “Une fois miniaturisé et allégé, il pourrait climatiser les navires de plaisance en récupérant la chaleur des moteurs”, mais aussi des véhicules, en particulier les camions et les utilitaires à chambre froide.

Ce système, également soutenu par l’Ademe, pourrait même servir à rafraîchir un immeuble, accolé à une usine dont on récupèrerait la chaleur. “Un four ne fournirait pas de quoi climatiser un appartement. On ne cuisine pas d’agneau de 7 heures tous les jours de l’été !”, fait observer Cédric François.
 
L’étape suivante sera “de porter sa production de froid actuelle, 15kW de froid à 5° C à 100kW en fin d’année 2019, pour permettre la commercialisation d’une première unité”, ajoute Cédric François.

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