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Comment cette collectivité alsacienne est devenue n°1 française du zéro déchet

La communauté de communes Sud Alsace Largue est la moins productrice de déchets en France. Son secret ? Elle les pèse et les taxe au kilo. Une politique écolo qui profite aux habitants, et qui a de quoi inspirer les candidats aux élections municipales.

Le 06/03/2020 par Paola De Rohan-Csermak
Les habitants de la collectivité produisent en moyenne 63 kg de déchets par an, contre 261 kg pour l'ensemble de la France ! (Crédit : Shutterstock)
Les habitants de la collectivité produisent en moyenne 63 kg de déchets par an, contre 261 kg pour l'ensemble de la France ! (Crédit : Shutterstock)

À une vingtaine de kilomètres de la Suisse et une trentaine de l’Allemagne, la communauté de communes Sud Alsace Largue affiche, en matière de gestion des déchets, des résultats à faire verdir d’envie les candidats aux élections municipales de mars.

La collectivité, qui regroupe 44 communes dans la moitié ouest du Sundgau (Haut-Rhin, Alsace, Région Grand Est), caracole en tête du dernier classement, établi par Zero Waste France, des intercommunalités qui produisent le moins d’ordures ménagères résiduelles (OMR), ces ordures qui finissent dans les incinérateurs ou à la décharge. 63 kg de déchets par foyer et par an, contre 261kg en moyenne nationale !

Cette performance, on la doit à Dany Dietmann, vice-président de la communauté de commune jusqu’en 2018 et maire de Manspach depuis 1983. Voilà près de trente ans qu’il développe un système de réduction des ordures grâce, résume-t-il, à “du bon sens, une volonté et une vision politiques à long terme, et une communication cordiale avec les administrés.”

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“Il n’existe pas d’incinérateur vert”

Dany Dietmann revient sur les débuts de cette politique : “Nous avons initié le tri des déchets dès 1991, car 86 % des habitants étaient prêts à le faire, afin d’affamer l’incinérateur de Mulhouse.”

Sur l’incinération des déchets, l’élu ne mâche pas ses mots : “Jeter à la poubelle produit encore plus de déchets, d’abord des émissions de CO2 lors du transport jusqu’à l’incinérateur. Ensuite, l’incinérateur rejette tout un tas de cochonneries dans l’atmosphère : des gaz, des particules ultrafines et des nanoparticules, des cocktails toxiques extrêmement dangereux, et il nous rend le mâchefer [le résidu solide de l’incinération des déchets], également toxique, qui pollue les sols et les nappes phréatiques. Il n’existe pas d’incinérateur vert ! Sans parler de l’aberration de brûler l’eau, qui compose les déchets organiques à 70 %, pour rejeter encore du carbone ! Non mais il faut arrêter ces conneries !

Pour que les personnes à mobilité réduite puissent elles aussi participer au tri des déchets, c’est la solution du porte à porte qui a été retenue. Et dès 1994, chaque maison est dotée d’un composteur destiné aux déchets fermenticibles, qui permet “de rendre à la terre ce qu’elle a produit, grâce au travail du soleil et des vers de terre”. 

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Taxer davantage les mauvais trieurs

Après cinq années d’efforts – “produits par certains plus que par d’autres”, note Dany Dietmann –, se pose une question : celle de la redevance payée par les habitants pour l’enlèvement et tri des déchets, qui est alors la même pour tous, calculée au prorata de la surface habitable. “On a demandé aux gens s’ils étaient prêts à accepter que ceux qui trient bien paient moins, et que ceux qui trient moins bien paient plus. Il n’y a pas eu d’opposition.”

La pesée embarquée est alors lancée le 1er janvier 1999. Le principe ? Faire payer au poids les déchets que l’on produit, 48 centimes le kilo, et 90 centimes le passage du camion une fois la poubelle pleine. Chaque bac à ordures est équipé sous sa poignée d’une puce électronique. Renseignant l’identité et l’adresse du propriétaire, elle est lue lors de la pesée, juste après que le bras du camion a vidé la poubelle, “pour être sûr qu’on ne paiera pas quelque chose qui serait resté à l’intérieur”, précise Dany Dietmann.

Résultat ? Les habitants économisent de l’argent, et les communes s’enrichissent. Celle de Manspach, dont Dany Dietmann est le maire, rénove en 2009 le toit de son église. Elle le couvre de tuiles photovoltaïques en verre recyclé et, autour de la sacristie et du chœur, de tuiles en PEHD à base de bouteilles d’huile et bidons plastiques, “pour montrer que de nos poubelles au toit de l’église il n’y a qu’un geste”.  L’électricité produite, revendue à EDF, rapporte 25 000 euros par an au village. De quoi restaurer le patrimoine immobilier : l’église, la mairie, et bientôt une maison d’ouvriers à colombage de la fin du Moyen-Âge, située au bord de la Largue, que le Maire aimerait démonter et remonter à l’identique, à un endroit accessible aux visites.

Des eaux moins polluées

Plus globalement, ce changement de regard sur les déchets a modifié les modes de consommation – on achète davantage pour garder – et la façon de considérer les quatre éléments, notamment l’eau.

“On respecte son cycle : on ne lutte plus contre les inondations mais on les optimise, pour permettre qu’elles s’infiltrent dans la terre et rendent l’humidité aux rivières et aux milieux naturels. On a relancé le poumon hydraulique du bassin versant.” Finis les évacuateurs de crue ou l’enrochement. De plus, la vallée est sortie de la zone de vulnérabilité nitrates, “après beaucoup de communication avec les agriculteurs”. Une eau de meilleure qualité est désormais distribuée aux habitants.

Dany Dietmann se représente aux élections municipales de 2020 avec de nouveaux projets : renforcer et enfouir le réseau électrique de la commune – “il fallait cesser de voir les arbres comme des menaces, susceptibles de tomber sur les poteaux ou les fils électriques” – et lui assurer une couverture internet à très haut débit. “Beaucoup de jeunes diplômés s’installent chez nous, se réjouit-il, à proximité de la Suisse et l’Allemagne où ils travaillent. Il faut qu’ils restent dans l’intercommunalité, qu’ils y lancent des start-up, et qu’ils y fassent des enfants, pour sauver notre école. Une nouvelle génération qui consommera et triera encore mieux que nous”.  Une génération zéro déchet ? 

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