Partager la publication "Comment traquer la déforestation en Amazonie depuis son salon"
Le “poumon vert” de la planète a perdu l’équivalent de 140 terrains de foot de forêt primaire au seul mois d’août. Si les chiffres sont légèrement inférieurs à ceux – très médiatisés – de l’été 2019, la déforestation devrait néanmoins battre un record sur l’année 2020, estime le chercheur Claudio Almeida, coordinateur au sein de l’Institut national de recherches spatiales (INPE) au Brésil, interrogé par Le Monde.
Pas évident d’agir à l’échelle individuelle pour prévenir cette catastrophe. On peut bien sûr surveiller son alimentation – l’augmentation de l’élevage et la culture du soja font partie des causes principales de la déforestation selon le WWF – mais cela semble souvent insuffisant.
Le projet Rainforest, lancé en avril dernier par l’institut de recherche autrichien IIASA, en partenariat avec l’éditeur de logiciels SAS, offre une nouvelle possibilité d’action pour laquelle il est inutile de bouger de son canapé.
Les deux organismes ont conçu une intelligence artificielle capable de détecter et d’évaluer la déforestation des forêts tropicales à partir de simples images satellites. Et pour “l’entraîner”, ils font appel à l’intelligence humaine.
“Lorsque les gens signalent des régions qui ont vu des signes d’impact humain, ils contribuent à rendre les modèles d’IA plus intelligents, expliquait Albert van Jaarsveld, directeur de l’IIASA, à l’occasion du lancement de l’application Rainforest. Par exemple, il est facile pour un humain de faire la distinction entre une route (qui signale un impact humain) et une rivière (qui ne le fait pas), mais un modèle d’IA ne connaîtra pas la différence tant qu’il n’aura pas obtenu une formation suffisante en apprenant des observations humaines.”
Traquer les lignes droites
Concrètement, tout un chacun peut entraîner l’algorithme en lui apprenant à mieux repérer la déforestation. Pour cela, il suffit de lancer le formulaire.
L’application fait ensuite défiler des photos satellite de la forêt. Chacune est découpée en 9 régions – un peu sur le modèle du test CAPTCHA – qu’il faut cocher ou non selon si l’on détecte des signes de présence humaine.
Une astuce : traquez les lignes parfaitement droites, comme une route rectiligne ou une parcelle géométrique. Et, dans le doute, précise la plateforme, ne cochez rien. Dix minutes suffisent pour évaluer une cinquantaine d’images, soit l’équivalent de 4050 kilomètres carrés de forêt !
Plus de 43 000 images ont ainsi été classées grâce au crowdsourcing, soit 388 000 km2 (la forêt amazonienne s’étend sur 5,5 millions de km2). Parmi celles-ci, 40 % révèlent la présence d’activités humaines…
Une fois le modèle de l’IA développé, ces chiffres pourraient aider les gouvernements et ONG à surveiller plus étroitement l’évolution de la déforestation et intervenir dans des zones menacées. C’est également un excellent moyen de constater, de ses propres yeux, le lent grignotage de la forêt par l’Homme.