Partager la publication "Cyril Dion : “Jane Goodall a été extraordinairement visionnaire”"
Cyril Dion : Je voulais qu’elle passe le relais de sa génération à celle des deux ados qui sont à l’affiche du film, Bella [Lack] et Vipulan [Puvaneswaran], qui avaient 16 ans au début du tournage. Jane Goodall a contribué à changer notre compréhension et notre regard sur notre relation au vivant. Dans les années 1960, ils étaient très peu à avoir cette intuition que les animaux étaient beaucoup plus sensibles et intelligents qu’on l’imaginait, que la séparation artificiellement créée entre les humains et les écosystèmes était non seulement une illusion, mais aussi de plus en plus délétère. Elle a été extraordinairement visionnaire.
Cet article a initialement été publié dans WE DEMAIN n°35, paru en août 2021. un numéro toujours disponible sur notre boutique en ligne.
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Cyril Dion : [Rires.] Avec Jane Goodall, rien ne se fait vraiment simplement. Je suis allé la rencontrer une première fois à Bordeaux en 2018, on a pu passer une heure ensemble, c’était super, avec Walter Bouvais qui a coécrit le film. On a arraché une sorte d’accord sur le fait qu’elle participerait, pensant qu’il n’y avait pas besoin de plus. Mais en fait, si ! Son entourage, au sein de sa fondation, est digne d’un chef d’État. Elle est en voyage trois cents jours par an pour porter sa parole à travers le monde. Assez vite, ils nous ont dit, « non, elle n’aura jamais le temps ». Moi, j’espérais me greffer sur un voyage qu’elle ferait à Gombe, en Tanzanie. Je demandais trois jours de tournage.
On a reçu un non catégorique. Puis, grâce à Galitt Kenan, une amie de longue date qui est devenue la directrice du Jane Goodall Institute en France, j’ai pu revoir Jane dans un hôtel à Paris. J’ai sorti les rames pour lui réexpliquer le projet, tout en lui disant : « Si vous ne pouvez pas, tant pis, on ne le fait pas. » Elle a semblé touchée, et elle a dit ok. Son entourage ne nous a accordé un moment qu’à Paris, ce qui ne nous arrangeait pas. Au mois de décembre en plus. Mais on s’est débrouillés. On l’a filmée aux serres d’Auteuil, dans un joli décor qui faisait la continuité avec les images d’archives d’elle en Tanzanie.
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Cyril Dion : Là, elle s’est arrêtée à cause du Covid, mais elle l’a très mal vécu. Je pense qu’elle se dit que son temps est compté et qu’elle veut faire le maximum pour faire avancer sa cause. Elle se nourrit aussi beaucoup de la relation avec les gens. Quand tu es sur scène, tu es porté par les gens, leur affection, leur admiration, le sentiment d’être utile. Pour elle, cette période a été douloureuse… et elle s’ennuyait.
Cyril Dion : On l’a filmée deux jours, avec les enfants de son programme Roots & Shoots, puis on a organisé une rencontre avec Bella et Vipulan, sachant que Bella, c’est vraiment son idole. C’était comme si ma fille rencontrait Billie Eilish [chanteuse californienne, ndlr]. Depuis qu’elle est gamine, elle se nourrit de ses images dans National Geographic, elle a tout lu, tout vu. Quand elle l’a vue, c’était un truc irréel. Et en même temps, elle est anglaise comme Jane, donc il y avait cette pudeur anglaise. C’était mignon. La relation qu’a tissée Jane avec Bella et Vipulan était chouette. Sur le tournage, elle était hyperpro. Quand tu te trouves à côté d’elle, c’est comme si tu étais allé méditer sur la montagne. Une forme de présence à la fois charismatique et très douce, qui te pose.
Cyril Dion : L’idée, c’est que les gens puissent s’identifier à Bella et Vipulan, en faisant avec eux un trajet géographique et intime. Que cela les amène à comprendre pourquoi les espèces disparaissent, ce qu’on peut faire pour l’éviter, pourquoi tant d’éléments du vivant nous échappent. Qu’on ressorte avec l’envie de faire des choses, avec des idées et un autre regard sur le sens de notre présence sur cette planète. On est une des rares qui a pu s’affranchir de lois biologiques pour construire nos propres règles du jeu.Ca a une limite, mais une fois qu’on a compris ça, on ne va pas revenir aux modes de vie des peuples premiers. On est dans quelque chose de beaucoup plus complexe. En 2021, à quoi les humains peuvent servir au vivant ? C’est pour moi LA question, parce qu’une fois qu’on y a répondu, c’est le ferment d’un récit collectif.
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