Partager la publication "Dans les coulisses de la future gare Saint-Denis Pleyel"
C’est gigantesque, et bien rangé. Voilà ce qui me vient à l’esprit tandis que je m’accoude au parapet de la vaste terrasse qui surplombe le chantier de la gare Saint-Denis Pleyel. Je tente d’imaginer quel sera le résultat final. En vain. Ce n’est pourtant pas faute de m’être renseigné. Nous sommes ici face au “Châtelet-les-Halles” du Grand Paris Express. 25 0000 voyageurs s’y croiseront chaque jour pour emprunter les lignes 14, 15, 16 et 17 du futur métro autonome, qui entreront progressivement en service de 2024 à 2030.
La gare souterraine sera surmontée d’un élégant édifice aux façades de bois et de verre, qui accueillera des boutiques, des œuvres d’art et plus de 5000 m² d’espaces dédiés à l’innovation culturelle et sociale. L’architecte japonais Kengo Kuma, qui a imaginé la gare, a souhaité faire pénétrer la lumière naturelle dans les profondeurs, grâce à un immense atrium. C’est la seule chose qu’il me semble reconnaître au milieu du chantier.
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Christopher de Cledat, l’ingénieur travaux principal de la gare Saint-Denis Pleyel, confirme mon intuition. Cette bouche rectangulaire qui plonge jusqu’au niveau -3, c’est le puits de lumière. Et il est immense : 60 mètres de long sur près de 14 mètres de large. Un espace qui, à lui seul, suffirait à contenir la plupart des stations de la ligne 16 du GPE ! Mais ici, l’atrium ne représente que 20 % de la superficie totale, dont l’emprise au sol atteint 8 200 m². Quatre niveaux de même surface se superposent, jusqu’aux quais situés à 28 mètres de profondeur. La gare de Saint-Denis Pleyel est plus grande que la station RER de Châtelet-les-Halles !
Ce qui m’impressionne ensuite, c’est que malgré l’invraisemblable quantité de matériaux, outils et autres engins mécaniques présents sur les lieux, tout semble ordonné avec une infinie rigueur. Surtout, on ne voit aucun déchet. Ce qui est inutile est promptement évacué. Et lorsque c’est possible, recyclé. Une noria de camions défile sans interruption, pour recevoir les gravas que le monstrueux grappin d’une imposante pelle à câble arrache des profondeurs. Deux pelletés suffisent à remplir leur benne ! Avant de quitter les lieux, les camions traversent un bain qui nettoie leurs roues pour éviter qu’ils ne souillent la voie publique.
Un autre point m’interpelle. Une dalle de béton recouvre l’essentiel du chantier. Les travaux seraient-ils à ce point avancés ? Pas vraiment, non. Ils accusent même du retard, en raison notamment de l’interruption liée à la crise sanitaire. Si l’on ne voit rien, c’est que la gare est creusée… en taupe. Pour éviter les nuisances sonores et les poussières en surface, on a d’abord créé les murs extérieurs de la gare souterraine, soit une enceinte de béton de 1,7 m d’épaisseur, qui s’enfonce jusqu’à 54 m sous la surface.
Une fois cette paroi moulée réalisée, les ouvriers ont creusé le premier niveau puis coulé une dalle en surface pour le recouvrir. Et ainsi de suite jusqu’au niveau -4, que Christopher de Cledat m’invite maintenant à rejoindre. Mais uniquement après avoir enfilé des bottes de sécurité, un casque et un gilet réfléchissant. Tenue correcte exigée, comme le rappellent les nombreux placards répartis sur le site : “Si vous choisissez de ne pas travailler en sécurité, vous choisissez de ne pas travailler avec nous.”
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En sortant du monte-charge, je perçois immédiatement l’intérêt de cet accoutrement. Tout ici peut sanctionner, et durement, la moindre imprudence. Des engins de toutes tailles, certains immenses comme ce bras de levage sur chenille capable de manier des charges de 10 tonnes, s’affairent dans un vacarme incessant au milieu des gravats et ferrailles. Ici ne travaillent que les employés essentiels. On parle peu, les échanges sont brefs, les gestes précis. Comme ceux de cet ouvrier, qui semble mesurer au millimètre près la taille des énormes tubes de métal que son collègue enfonce petit à petit dans un gigantesque pylône d’acier.
Au-dessus de nous, les niveaux supérieurs sont déjà en cours d’aménagement, mais au -4, c’est encore le gros œuvre qui prime. En marchant sur le sol meuble et irrégulier, j’ai un peu l’impression de fouler des entrailles. Le tunnelier de la ligne 14 et celui des lignes 16-17 (leur voies sont communes entre Le Bourget-RER et Saint-Denis Pleyel) ont déjà traversé la station, et l’on aperçoit le long boyau parfaitement cylindrique qu’ils ont construit à mesure de leur progression, et qui disparaît au loin, derrière les murs extérieurs. Dans l’enceinte de la gare, les pelleteuses déconstruisent le tunnel afin de permettre l’aménagement des quais. Une opération qu’il faudra renouveler au sud de l’enceinte d’ici quelques mois, lorsque le tunnelier de la ligne 15 aura franchi la gare à son tour.
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Le puissant éclairage LED apporte toute la lumière nécessaire à l’ouvrage. Mais le plafond n’étant pas encore installé à ce niveau, on profite de la luminosité naturelle provenant de la surface. La trouée permet d’observer certains des 36 immenses poteaux métalliques préfondés, qui soutiennent l’édifice et évitent le cloisonnement de l’espace. Mesurant 35 mètres de haut pour près de 100 tonnes, chacun d’eux pourrait supporter le poids de la Tour Eiffel ! Malgré les explications de mon guide et mes allers et venues d’un bout à l’autre de l’enceinte, je peine encore à me projeter.
Comment imaginer que dans trois ans, au lieu de ce gouffre énorme, on verra des dizaines d’escaliers et escalators voler au travers de l’atrium, simplement suspendus par leurs extrémités ? Et que le bois, disposé tant aux murs qu’aux plafonds, remplacera le béton, la terre et l’acier ? Tandis que je remonte vers la surface, ce que je perçois en revanche, c’est qu’une fois les travaux achevés, rejoindre Saint-Denis Pleyel depuis Pont de Sèvres ne prendra que 25 minutes. Ce matin, il m’a fallu une heure pour m’y rendre.
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