Partager la publication "Datarmor : le supercalculateur de l’Ifremer nous projette dans les dérèglements à venir"
Depuis 2017, l’Ifremer (Institut français de recherche dédié à la connaissance de la mer) s’est doté d’un outil de traitement et de stockage des données sur l’océan. Installé au coeur de la rade de Brest (Plouazané) et baptisé Datarmor, ce supercalculateur mêle calculs haute performance et intelligence artificielle (IA) et a entrepris depuis 2022 un renouvellement des infrastructures afin de se moderniser et de coller avec les besoins croissants des techniques de modélisation. Budget : 7,5 millions d’euros.
Du fond des océans à la surface, de la ligne de côte au grand large, le spectre de recherches et d’analyse est extrêmement vaste. “C’est le seul centre de données entièrement entièrement dédié au domaine marin en France, explique à WE DEMAIN Benoît Morin, ingénieur en informatique et responsable du pôle calcul pour l’Ifremer depuis 2020. Datarmor est notamment utilisé pour les simulations météo en mer et nous a permis de créer un jumeau numérique marin.“
Datarmor concentre de multiples sources de données : observation de l’océan par satellite, cartographie des fonds marins à l’aide de navires océanographiques, mesures physico-chimiques grâce à des bouées immergées, données récoltées en mer et à terre par des observateurs scientifiques ou volontaires, des caméras marines… Au total, la puissance de calcul est 426 téraflops (soit 2 à 3 000 ordinateurs individuels cumulés) pour une capacité actuelle de stockage de 15 pétaoctets (15 millions de gigaoctets) qui devrait atteindre les 70 pétaoctets à terme. En outre, le centre dispose de quatre supercalculateurs dédiés à l’intelligence artificielle. “Notre centre a une capacité de stockage équivalente à 140 000 smartphones. Et, en un an, Datarmor comptabilise 65 millions d’heures de calcul. Dans 10 ans, ce sera peut-être 1 milliard d’heures”, précise Benoît Morin.
Cela range Datarmor parmi la quinzaine de centres de calcul intermédiaires en France (juste derrière les quatre principaux centres que sont Pangea de Total, celui de Météo France, du Commissariat à l’énergie atomique et l’opérateur public, Genci. “Nous comptons environ 1 000 utilisateurs actifs par an, 300 distincts par mois. Il s’agit de chercheurs de l’Ifremer ou de de partenaires, d’étudiants en thèse… Nous collaborons par exemple avec le système Mercator Océan, qui est capable de décrire, analyser et prévoir l’état physique et biogéochimique de l’océan à tout moment, en surface comme en profondeur”, souligne l’ingénieur.
“Une capacité de stockage équivalente à 140 000 smartphones.”
Benoît Morin, Ifremer.
“Notre objectif ultime est de créer le premier jumeau numérique entièrement dédié aux océans. C’est-à-dire un modèle le plus fidèle possible d’un élément physique à l’aide de l’intelligence artificielle mais aussi de la puissance de calcul traditionnelle et de toutes les données qu’on emmagasine au sein du centre Datarmor. On devrait bientôt pouvoir créer un double des océans pour pouvoir évaluer toutes sortes de simulations (contenu des océans, impacts climatiques, côtiers…)”, indique Benoît Morin. Cela permet une grande complexité, comme le couplage de différents modèles – météorologique et physique par exemple.
Parmi les thématiques étudiées, le Gulf Stream intéresse. Avec les dérèglements climatiques, s’il se déplace ou disparaît, cela pourrait avoir pour conséquence une météo en France assez similaire à celle du Québec. L’évolution des courants marins intéresse, tout comme les effets des canicules marines. Mais ce qui se passe en surface aussi, voire au-dessus. Pour avoir des prévisions précises de la production éolienne par exemple.
“L’IA permet de croiser les données, de mieux comprendre l’impact du réchauffement climatique et les bouleversements des écosystèmes. L’IA est un très bon interpolateur. C’est pourquoi nous développons nos propres modèles. En utilisant nos propres données, nous voulons nuancer les résultats et contrer les biais cognitifs. Surtout, nous sommes les seuls à développer un jumeau numérique marin. Un projet pour la Terre est en cours mais il restera à la surface de l’eau. L’Ifremer est le seul organisme à s’intéresser aux océans, qui représentent tout de même 70,8 % de la surface terrestre”, précise l’ingénieur informatique.
Le centre de données de Plouzané sert aussi au séquençage du génome d’espèces animales marines. Et à reconnaître de manière automatisée animaux et autres organismes vivants. Avec l’intelligence artificielle, il devient possible automatiquement les vidéos sous-marines, en lui apprenant à reconnaître les spécificités des espèces. “Cela permet aussi de suivre comment les espèces réagissent au réchauffement climatique. En Bretagne, nous avons déjà constaté l’arrivée sur nos côtes de méduses et d’algues qui étaient traditionnellement installées dans des régions plus méridionales”, note Benoît Morin.
Autre avantage : la France a la chance d’avoir des territoires répartis sur la plupart des océans. Et donc de pouvoir surveiller des écosystèmes marins très variés, en coopération entre les différents organismes. Comme c’est le cas sur la surveillance et l’étude des récifs coralliens avec le LabEx Corail.
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