Partager la publication "Des logements gratuits pour réinsérer les sans-abri : ça marche !"
D’autant que le nombre de personnes sans-abri a bondi de 58 % entre 2001 et 2012, date du dernier recensement, et continue d’augmenter selon la Fondation Abbé Pierre. Les 140 000 places d’hébergement ne suffisent plus à répondre à la demande.
Une solution existe pourtant, venue des États-Unis : le Housing First. Traduction, “un chez soi d’abord”. Un dispositif expérimenté avec succès depuis 2011, à Toulouse, Marseille, Lille et Paris, auprès de 700 personnes, qui devrait s’étendre à seize nouvelles villes d’ici 2022, et qu’un rapport du Conseil économique social et environnemental (Cese), publié ce 12 décembre, appelle à développer en urgence à plus grande échelle. Explications.
Le principe est simple, il s’agit de loger les sans-abri sans conditions préalables, sans exiger l’arrêt de la consommation d’alcool par exemple, un revenu minimum ou un casier judiciaire vierge. Soit l’inverse de ce qui se fait d’habitude. Le logement est un préalable à la stabilisation, voilà l’idée du Housing First. “Quand une personne a une clé, se sent en sécurité, beaucoup de choses sont possibles”, souligne Patrick Le Stunff, de l’ABEJ Solidarité, qui encadre ce dispositif à Lille, auditionné dans le rapport. La personne est aussi accompagnée par une équipe de médecins et d’assistants sociaux. Si elle a des rentrées d’argent, une participation financière peut être demandée.
74 % de SDF en moins
Imaginé à New York, le dispositif a notamment été expérimenté dans l’État de l’Utah, aux États-Unis, entre 2005 et 2015 (une histoire contée dans le numéro 9 de We Demain). Résultat : 74 % de sans-abri en moins à Salt Lake City (1932 personnes au départ). Et 80 % des bénéficiaires ont réussi à conserver leur toit. Un taux que l’on retrouve dans les expérimentations menées en France. À Paris, 86 % des 353 personnes prises en charge depuis 2011 sont toujours dans leur logement, souligne l’association Aurore.
Un investissement plus qu’une dépense
Contrairement aux idées reçues, le dispositif se révèle économique. À Paris, le coût moyen est estimé à 14 500 euros par personne, selon Aurore, mais reste inférieur au coût des interventions répétées des services sociaux, hospitaliers ou de police. “L’idée est née du pragmatisme anglo-saxon. Aux États-Unis, la mesure a été mise en place dans un objectif de solidarité mais aussi de maîtrise des dépenses publiques”, souligne d’ailleurs le chercheur Christophe Sente (1). Qui précise toutefois que l’impact de cette “thérapie de choc généreuse” doit continuer à être examiné sur le long terme.
Un modèle qui se développe en France… mais les logements manquent
Devant ce succès, le gouvernement a décidé d’élargir le dispositif à seize nouvelles villes d’ici 2022, à raison de 100 personnes par ville. Un obstacle de taille s’oppose toutefois à son développement à plus grande échelle, souligne le Cese : “l’insuffisance de logements très sociaux”. D’où la nécessité d’une action forte de l’État : le Cese recommande de construire chaque année 60 000 logements très sociaux, contre 40 000 envisagés dans le plan quinquennal pour le logement, de doper “l’intermédiation locative”, c’est-à-dire l’intervention d’un tiers social entre le propriétaire et la personne relogée, de réquisitionner les logements vacants, et de créer une plateforme téléphonique pour prévenir, le plus en amont possible, les expulsions.
(1) Chercheur en sciences politiques à l’Université libre de Bruxelles, co-auteur du rapport Zéro SDF ? Pour l’attribution universelle d’un logement de la Fondation Jean-Jaurès.