Les végétariens l’admettent volontiers : dire adieu aux sushis représente une étape souvent douloureuse de leur transition alimentaire. Si les alternatives à la fausse viande se démocratisent, s’invitant même au menu des fast-foods, le faux poisson, et plus encore le faux poisson cru, restent peu médiatisés.
C’est sur ce secteur de niche que la start-up américaine Kuleana entend faire la différence. L’entreprise basée à San Francisco vient de rejoindre le prestigieux incubateur “Y Combinator” pour la période estivale. Objectif : développer un poisson cru veggie, à base d’algues, de fer et d’un mélange de différentes protéines, qui imite parfaitement le goût et la texture du thon albacore.
Kuleana cible les restaurateurs davantage que les consommateurs, en misant sur la reproduction végétarienne de l’akami, la partie ventrale du thon rouge, qui entre dans la composition des sushis et makis japonais.
Le produit a été testé cet été au cours de deux événements, à San Francisco et à Barcelone, avec, nous assure l’équipe, des retours “très positifs“.
“Nous aimerions lancer la commercialisation d’ici la fin de l’année, au plus tard début 2021, poursuit Kuleana. Nous pensons déjà à développer d’autres alternatives [véganes à des poissons], mais pour le moment nous voulons concentrer toute notre énergie pour concevoir le meilleur thon à base de plantes du marché.”
Ingrédient phare de la cuisine japonaise, où il entre dans la composition des sushis, makis et autres sashimis, le thon rouge fait partie des espèces de poisson les plus menacées au monde : le thon rouge du Pacifique est classé “vulnérable”, celui du Nord “en danger”, et celui du Sud “en danger critique” d’extinction.
Les options véganes permettraient donc de prévenir la surpêche, tout en fournissant une alternative intéressante aux poissons sauvages, potentiellement contaminés aux métaux lourds, ainsi qu’aux poissons d’élevage souvent bourrés d’antibiotiques.
À écouter : La “fausse viande” va-t-elle nourrir le monde ?
L’humanité a consommé, en 2018, 156 millions de tonnes de poissons, un chiffre qui a plus que doublé depuis les années 90. Près d’un tiers des stocks mondiaux de poissons sont exploités de manière non durable, c’est-à-dire à un rythme qui ne permet pas leur renouvellement biologique, pointe l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) dans son rapport de 2020.
Si le secteur est encore peu concurrentiel, Kuleana n’est pas le premier acteur à s’y intéresser. Ocean Hugger revendique depuis 2017 la création de la “première alternative mondiale de thon cru à base de plantes”.
Sur son site, l’entreprise américaine fondée par le chef James Corwell joue la carte de la transparence : son thon vegan “Ahimi” (précédemment baptisé “Tomato Sushi”) est composé d’eau, sucre, tomates, huile de sésame et sauce soja (garantie sans gluten). Le tout pour un rapport imbattable de 15 calories par portion de 85 grammes.
Elle propose également depuis mai 2019 une alternative à l’anguille crue à partir d’aubergines, sauce soja, sucre, mirin, huile de riz, huile d’algue et poudre de konjac. Ces produits ne sont pour l’instant disponibles que dans certains points de restauration aux États-Unis et au Canada, mais la firme ne cache pas son ambition d’étendre leur commercialisation à l’international ainsi qu’au marché des particuliers.
Plus récemment, trois étudiants danois ont adapté la technique de la bio-impression 3D pour produire du saumon cru veggie. Le dupe se compose d’une source végétale (à partir de champignons ou protéines de pois) additionnée à des huiles et liants, ainsi que des extraits d’algues pour booster leur valeur nutritionnelle.
“Nos produits s’adressent aussi bien aux végétariens et vegans qu’aux flexitariens et consommateurs de produits carnés”, nous précise Robin Simsa, l’un des co-fondateurs de Legendary Vish.
“Cet esprit d’ouverture se reflète dans notre équipe : je mange majoritairement végétarien, Theresa (une autre co-fondatrice ndlr) est vegan, et Hakan (troisième co-fondateur ndlr) un passionné de viande !”
Il faudra attendre 2022 pour découvrir ce saumon imprimé en 3D, qui est encore au stade expérimental.
Toutes les alternatives véganes aux produits de la mer n’impliquent pas des plantes. À San Francisco, Arye Elfenbein et Justin Kolbeck ont ainsi décidé de miser sur l’agriculture cellulaire. Leur société Wild Type a levé 12,5 millions de dollars d’investissements en octobre dernier afin de développer son saumon produit en laboratoire.
Leurs premiers échantillons ont été présentés pour la première fois en juin 2019 lors d’un dîner organisé au Olympia Oyster Bar à Portland, et relaté par Wild Type dans un article publié sur le site Medium. Leur faux saumon cru pouvait être dégusté sous forme de ceviche, de poké ou encore de salmon rolls, un des plats “les plus populaires de la soirée“.
Les consommateurs seront-ils aussi demandeurs de faux sushis que de faux burgers ? Interrogé l’été dernier par le New York Times, le directeur général d’Impossible Foods, l’un des plus gros acteurs du marché de la fausse viande, reconnaissait que “les consommateurs ne réclament pas de poisson à base de plantes“. Et concluait : “La seule façon de réussir est de fabriquer du poisson à partir de plantes plus délicieux que le poisson extrait de l’océan.”
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