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Biodiversité, santé, justice… Rencontre avec 3 guerriers de l’environnement

Le Fipadoc, Festival international du documentaire, est le grand rendez-vous du docu. Cette année, en raison de la pandémie, il n’a pu avoir lieu aux dates prévues, en janvier. Il se déroule donc du 12 au 17 juin. 

Sur 1 700 films candidats venus du monde entier, une sélection de 130 sera à voir, en salle exclusivement (pas d’édition en ligne). Et 14 prix seront décernés.

Découvrez trois documentaires présentant Paul François, Karim Ben Ali et Alexander von Bismarck. Ces derniers ont en commun d’être en première ligne face aux prédateurs de la nature. Qu’il s’agisse de multinationales ou de trafiquants de bois. Leurs combats pour la biodiversité, la santé et la justice sont racontés dans trois films présentés au Festival international de documentaires de Biarritz, dont WE DEMAIN est partenaire.

Cet article est à retrouver dans WE DEMAIN n° 34, disponible en kiosque et sur notre boutique en ligne.

“La Vie est dans le pré”, d’Éric Guéret : le monde après Monsanto

La vie est dans le pré débute sur les images de la dernière moisson “conventionnelle” de Paul François. Il suit, un an durant, le combat de l’agriculteur pour se passer désormais de produits chimiques. Tout en luttant encore, face au pourvoi en cassation de la firme pétrochimique Monsanto (devenue Bayer après sa fusion), seize ans après la perte de ses facultés immunitaires du fait de son intoxication. 

Le désherbage à la main ou à la herse, les visites du groupe d’Aucy pour s’assurer qu’aucune pousse de datura ne subsiste dans ses récoltes de haricots ; son déplacement à l’assemblée générale de Bayer, la visite de Nicolas Hulot (qui prend le temps de raconter, posément au soleil et au milieu des champs, son séjour au ministère de la Transition écologique et solidaire en 2017-2018) ; les colères mais aussi la détermination de ses filles, motrices dans sa décision, out comme leur mère, qui décède brutalement d’une rupture d’anévrisme pendant le tournage du documentaire “dont elle avait trouvé le titre”, se souvient le réalisateur, ému, témoignent d’une existence tenue par l’espoir et la détermination.

Un séjour à la campagne, plein de soleil, d’espoir et de goût. Où les robes noires des avocats peu à peu s’effacent pour laisser place à celles, zébrées de jaune, des abeilles de retour avec les coquelicots, les vers de terre et les coccinelles. Toute une vie antédiluvienne et pourtant renouvelée, qui nous attend. 

À lire aussi : Ils défendent la nature devant les tribunaux : portraits de 3 éco-juristes

“Wood : Game Changers Undercover”, de Monica Lãzurean-Gorgan, Michaela Kirst, Ebba Sinzinger : un documentaire en noir et vert

Image du documentaire “Wood : Game Changers Undercover”. (Crédit : Wildart Film ; ©13 productions)

Wood : Game Changers Undercover est sans doute l’un des meilleurs thrillers des dernières années. Après une somptueuse introduction, tout en silence, en arbres, en feuilles et en frondaisons, ce documentaire de 97 minutes nous plonge droit dans une aventure bien réelle. Faite de mafieux russes, d’hommes d’affaires chinois, de bûcherons roumains, d’entrepreneurs autrichiens et de peuples indigènes du Pérou. Avec pour cadre les dernières forêts vierges du globe. Son sujet, c’est le trafic de bois international (un marché qui pèse entre 50 et 150 milliards de dollars annuels, selon Interpol). Mais c’est aussi Alexander von Bismarck. Le directeur exécutif de l’Agence d’investigation pour l’environnement (Environmental Investigation Agency, EIA). Une organisation non gouvernementale fondée en 1984 au Royaume-Uni.

La méthode Bismarck, comme l’indique l’Undercover du titre, consiste à se rendre directement sur les lieux du crime. À documenter les zones illégales d’abattage, à prendre les camions en filature, à photographier plaques d’immatriculation et bordereaux de livraison… À négocier, sous une fausse identité d’homme d’affaires, jusque dans les bureaux des trafiquants pour enregistrer, en caméra cachée, leurs offres illégales. 

Pour ne pas mettre en danger sa famille, le film ne dévoile rien de sa vie privée. Contribuant à rendre encore plus fascinant ce personnage. Ses cheveux roux et ras, ses déguisements et son intrépidité, les risques bien réels qu’il prend face aux mafias, renforcent encore l’impression d’assister, embeded, à une aventure de Tintin qui nous concerne toutes et tous. Un héros ? “Non”, répond en chœur l’équipe de réalisatrices du film. “Du moins, nous lui avons demandé s’il se considérait comme tel. Et il a fait remarquer, à juste titre, que les véritables héros, ce sont ses informateurs et informatrices, les activistes, militants et militantes locales, qui restent sur place toute l’année et sont bien plus en danger que lui.”

“Karim contre Mittal”, de Brito Pedro da Fonseca : l’homme qui en savait trop au Fipadoc

Image du documentaire “Karim contre Mittal”, de Brito Pedro da Fonseca. (Crédit : image Pedro Brito da Fonseca)

En juin 2017, Karim Ben Ali est chauffeur routier intérimaire chez Suez, prestataire d’ArcelorMittal. Chargé de déverser des déchets dans un crassier près d’Hayange (Moselle), il filme le liquide jaunâtre, qu’il qualifie d’acide, épandu dans la nature, et poste la vidéo sur Facebook. Elle est relayée par Le Républicain lorrain et France 3. Sa vie se transforme en cauchemar. Aussitôt licencié, il n’a toujours pas retrouvé d’emploi. Ses deux frères, eux aussi intérimaires chez le géant de l’acier, perdent leur travail. Ici, plus personne ne veut l’embaucher : l’étiquette de “lanceur d’alerte” lui colle à la peau. Avec sa femme sans emploi et leurs trois enfants, il vit d’aides sociales.

Pedro Brito da Fonseca a centré son 52 minutes sur ce qu’il appelle “le coût de l’alerte”. “Parce qu’il y a un coût. Je voulais comprendre ce qui suit l’alerte. Karim est devenu prisonnier de son geste. Réussir à s’émanciper du dossier, à penser autrement, pour se reconstruire et imaginer un autre quotidien, c’est très difficile.”

Le film suit Karim, pendant plusieurs mois, à ses rendez-vous avec les banques alimentaires ou les élus impuissants, à ses entretiens d’embauche infructueux (“Je suis le lanceur d’alerte de Mittal. − Ah oui, je vois très bien”), met au jour ses angoisses, sa fierté malgré tout d’avoir “servi [son] pays, la France”. Dans l’affaire, ArcelorMittal a été relaxé en raison de l’imprécision de l’arrêté préfectoral sur la gestion des déchets. Et si le parquet a fait appel, l’action en justice est aujourd’hui définitivement éteinte, après la fusion de l’entité locale avec la maison mère.

Un autre “personnage” s’invite tout au long du film : la loi Sapin 2, imaginée pour protéger les lanceurs d’alerte. Certes, elle leur accorde quelques protections juridiques, mais elle sous-estime l’ampleur du combat de David contre Goliath. Karim contre Mittal est une alerte en lui-même, un appel lucide au monde politique pour plus de courage. Dans notre intérêt commun.

Plus d’infos sur ces documentaires sur le site du Fipadoc.

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