Découvrir

Du papier conçu… à base de feuilles mortes (et c’est en Ukraine que ça se passe)

Malgré la guerre en Ukraine, Releaf Paper tient le cap. Cette jeune société, fondée en 2021 à Kiev, a fabriqué plus de 100 tonnes de papier par mois en 2022. Du papier qui n’est pas réalisé à base de troncs d’arbre, comme c’est généralement le cas, mais à partir de… feuilles mortes. L’idée a surgi dans la tête de Valentin Frechka, un des deux cofondateurs de Releaf Paper. À l’âge de 16 ans, il se met en tête de lutter contre la déforestation. Il étudie alors les sources alternatives à la production de cellulose. Cet amoureux des forêts des Carpates, non loin desquelles il vit, pense d’abord à de l’herbe ou de la paille pour remplacer l’abattage du bois.

Puis il réalise que, plutôt que de couper des arbres, utiliser les feuilles tombées au sol pourrait peut-être permettre de fabriquer du papier. Encore fallait-il confirmer que celles-ci contiennent suffisamment de fibres. Si les premières tentatives furent un échec, 2018 marquera un tournant dans sa quête. Des tests dans le laboratoire de son école, l’Université Taras Shevchenko de Kiev, vont lui confirmer que son hypothèse est viable. Un an plus tard, lui et son associé, Alexander Sobolenko, rassemblent environ 18 000 euros. Et lancent la production industrielle d’un premier lot d’essai de papier à base de feuilles mortes. C’est une réussite.

Du papier avec une réduction de 78 % des émissions de CO2

Sans traitement chimique et sans nécessité de couper des arbres, ce papier possède une empreinte carbone très réduite. Releaf Paper estime que cela limite de 78 % les émissions de CO2 par rapport à la fabrication traditionnelle. La société a décidé de se focaliser dans un premier temps dans la fabrication de sacs mais ambitionne de décliner différentes formes de papier. Une innovation qui plaît : de grandes marques comme L’Oréal, Schneider Electric, Samsung, Weleda ou encore Ariston Thermo sont clientes.

Qui plus est, Releaf Paper ne va pas chercher les feuilles mortes dans les forêts, ce qui pourrait déséquilibrer la biodiversité. Elle se concentre sur les “déchets biologiques” des villes. C’est-à-dire les feuilles des arbres en zones urbaines (trottoirs, parcs et jardins publics). Plutôt que de les brûler, comme c’est généralement le cas, elles sont transformées. Leur pulpe se révèle être un très bon substitut de la cellulose du bois. Partenaire du WWF et de Canopy Planet, une ONG dédiée à la protection des forêts, la société ukrainienne participe donc à éviter l’abattage des arbres.

Un procédé de fabrication assez simple pour transformer les feuilles mortes

“Nous débarrassons les feuilles de tout composé solide, les séchons et les granulons. Cela nous permet de stocker les matières premières toute l’année et assure la stabilité du cycle de production”, explique Releaf Paper. Les granulés sont ensuite transformés en une fibre spéciale qui constitue la base de la création du papier. Mélangée à de la fibre propre, la pâte ainsi obtenue est alors pressée et roulée à l’aide d’une machine. Il en sort un papier qui sera parfait pour la création de sacs. Ce papier peut ensuite être recyclé comme n’importe quel papier classique.

En bonus, “le papier issu de feuilles se dégrade en seulement 30 jours alors que le papier ordinaire peut prendre jusqu’à 270 jours”, assure Releaf Paper. En outre, le processus de fabrication de ce papier à base de feuilles mortes ne nécessite pas de recours à des produits chimiques dangereux comme le soufre et le chlore. Ce qui est bien souvent le cas dans un procédé à base de cellulose de bois. Autant d’avantages qui font de cette solution une alternative particulièrement séduisante.

Les chiffres du marché du papier en France et dans le monde :

SOUTENEZ WE DEMAIN, SOUTENEZ UNE RÉDACTION INDÉPENDANTE
Inscrivez-vous à notre newsletter hebdomadaire
et abonnez-vous à notre magazine.

Recent Posts

  • Découvrir

Tout comprendre au biomimétisme : s’inspirer du vivant pour innover

Le biomimétisme, ou l'art d'innover en s'inspirant du vivant, offre des solutions aussi ingénieuses qu'économes…

3 heures ago
  • Déchiffrer

Christophe Cordonnier (Lagoped) : Coton, polyester… “Il faut accepter que les données scientifiques remettent en question nos certitudes”

Cofondateur de la marque de vêtements techniques Lagoped, Christophe Cordonnier défend l'adoption de l'Éco-Score dans…

22 heures ago
  • Ralentir

Et si on interdisait le Black Friday pour en faire un jour dédié à la réparation ?

Chaque année, comme un rituel bien huilé, le Black Friday déferle dans nos newsletters, les…

1 jour ago
  • Partager

Bluesky : l’ascension fulgurante d’un réseau social qui se veut bienveillant

Fondé par une femme, Jay Graber, le réseau social Bluesky compte plus de 20 millions…

2 jours ago
  • Déchiffrer

COP29 : l’Accord de Paris est en jeu

À la COP29 de Bakou, les pays en développement attendent des engagements financiers à la…

3 jours ago
  • Déchiffrer

Thomas Breuzard (Norsys) : “La nature devient notre actionnaire avec droit de vote au conseil d’administration”

Pourquoi et comment un groupe français de services numériques décide de mettre la nature au…

4 jours ago