En attendant la pilule pour homme, connaissez-vous ces méthodes de contraception masculine?

Chaque année, on nous annonce l’arrivée prochaine de nouvelles méthodes de contraception masculine : gel, hormones, ultrasons… Voire, à plus long terme, d’une pilule comparable à celle prescrite aux femmes. Mais on parle moins des dispositifs déjà au point. Trois méthodes sont aujourd’hui disponibles en France.

La contraception dite thermique (CMT) est une méthode réversible qui consiste à freiner la production de spermatozoïdes à l’aide d’un slip ou boxer chauffant qui augmente la température des testicules en les pressant vers le corps. Cette production n’est, en effet, possible que si les testicules sont soumis à une température inférieure à celle du corps. Ce slip chauffant, qu’il est possible de faire coudre par des couturières professionnelles, est prescrit à Toulouse par le docteur Mieusset.

La contraception hormonale masculine (CHM) consiste, elle, en une injection intramusculaire hebdomadaire de produit à base de testostérone enanthate, en vente en pharmacie. Il indique au cerveau de fortement diminuer la production de spermatozoïdes. La durée du traitement conseillée est de 18 mois, suivant en cela les protocoles validés par l’OMS. Seuls deux spécialistes la prescrivent en France : Jean-Claude Soufir et Roger Mieusset, médecins hospitaliers respectivement à l’hôpital Côchin et à Paule de Viguier.

La vasectomie, légale en France depuis 2001, est une méthode de contraception masculine réversible sous certaines conditions.

Selon L’Association d’urologie de France, c’est une “opération bénigne réalisée sous anesthésie locale.

Elle consiste à ligaturer les canaux déférents pour empêcher les spermatozoïdes de se mélanger au liquide séminal. Extrêmement efficace, elle ne diminue en rien la puissance sexuelle”.

Marianne Niosi, animatrice au Planning Familial, précise qu’avant l’intervention, “les hommes peuvent faire congeler leur sperme. La vasectomie ne concernait en 2013, d’après l’ONU, que 0,8 % des hommes — contre 22 % d’hommes au Canada,  21 % au Royaume-Uni et 7,9 % en Espagne — qui l’assimilent souvent à une “castration” .

Cécile Ventola — qui a rédigé sa thèse sur la contraception masculine en comparant les systèmes de soins français et britanniques — met en cause l’organisation du système de santé français pour expliquer un retard vis-à-vis du Royaume-Uni.

Les autorités sanitaires britanniques préconisent aux médecins de proposer un choix le plus large possible pour permettre une décision éclairé. “Il faudrait que la vasectomie soit valorisée : il est aujourd’hui difficile en France de trouver des urologues acceptant de réaliser cette opération, et pratiquement impossible de l’obtenir sans avoir eu des enfants”, soutient la sociologue.

L’Association pour la recherche et le développement de la contraception masculine (Ardecom) — créée en 1979 par un groupe d’hommes refusant l’étiquette de mâles continuellement performants et qui, selon les dires de son président Pierre Colin, “bandent tout le temps” — regrette l’absence d’informations sur ces moyens de contraception masculine qui existent mais sont, pour l’heure, confidentiels.

Avec l’avènement de la pilule dans les années 1960, la contraception a été perçue comme une problématique essentiellement féminine, explique Cécile Ventola. Au Royaume-Uni 48 % de la contraception est assurée par des méthodes dites masculines contre 8,7 % en France. Autorisée en 1967 — au prix d’un combat haute lutte — elle a joué un rôle important dans l’émancipation féminine ; permettant aux femmes de s’approprier leur sexualité et leur fertilité.

Mais, elle a néanmoins eu pour conséquence, affirment Nathalie Bajos, sociologue et démographe et Michèle Ferrand, sociologue et directrice de recherche au CNRS, de souligner comme première la responsabilisation maternelle.

“La contraception médicale, en laissant aux seules femmes la responsabilité d’être mère, les renvoie à la gestion individuelle des charges quotidiennes qui découlent de la maternité, et a permis d’éluder la question collective des discriminations sexuées sur le marché du travail, renvoyant ainsi à plus tard l’objectif d’une réelle égalité entre les hommes et les femmes”.

Pour Catherine El Mghazli, animatrice au Planning familial , « la culture du partage et d’égalité n’est pas encore ancrée, les jeunes garçons sont réticents à l’idée de parler de contraception, pensant que cela ne les regarde pas ».

Le plus grand obstacle à la contraception masculine reste, selon Pierre Colin, les hommes eux-mêmes : “certains hommes  sont capables de s’injecter de la testostérone pour avoir de beaux muscles mais des injections d’hormones contraceptives seraient trop contraignantes pour les hommes… Ils doivent prendre leur responsabilité”.

La plupart des enquêtes qui interrogent la motivation des hommes à se charger de la contraception montrent pourtant qu’ils sont majoritairement prêts à prendre une pilule. En France, dans un sondage de l’institut CSA de 2012, 61% des hommes se déclaraient prêts à prendre une pilule contraceptive si elle existait.

Brenda Spencer, privat-docent en santé sexuelle et reproductive à l’Université de Lausanne, explique à Femina que la réticence à la contraception masculine “n’est pas qu’individuelle, elle est à spectre large, et concerne plusieurs pans de notre société. On retrouve en effet couramment ce manque de volonté dans l’industrie pharmaceutique, chez les médecins”.

Les hommes sont, en effet, souvent considérés par le corps médical comme naturellement « incompétents » en la matière, précise Cécile Ventola. “C’est parce que les hommes ne sont pas capables de se contracepter que je ne recommande pas les méthodes de contraception masculine. C’est impossible de compter sur eux”, avancent la plupart des gynécologues interrogés par la sociologue.

“Pour eux la compétence contraceptive est directement liée à la compétence gestationnelle, donc aux femmes”.

Aux yeux de Marianne Niosi “l’idée que l’on se fait des hommes comme étant incapables de gérer leur contraception est infantilisante. Il s’agit d’une vision stéréotypée qui n’arrange finalement pas beaucoup les femmes”.

De son côté, l’Ardecom rappelle que la “contraception masculine et contraception féminine n’ont pas à être opposées l’une à l’autre mais qu’elles font partie intégrante du choix des personnes”. 

Reste maintenant à savoir si, en France, l’arrivée d’une pilule pour hommes démocratisera la contraception masculine.

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