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En Bretagne, ce fabricant de vinyles écolo rêve d’un 33 tours en algues

En 2017, il s’est vendu en France près de deux fois plus de disques vinyles qu’en 2016 (+ 46 %). C’est ce que révèle le Syndicat National de l’Édition Phonographique (SNEP), qui a publié jeudi 19 avril ses chiffres annuels. Avec des ventes multipliées par quatre en cinq ans, l’engouement des mélomanes pour le disque microsillon ne s’arrête plus de croitre. Une bonne nouvelle pour les disquaires, qui se mobilisent partout en France samedi 21 avril, à l’occasion du Disquaire Day.

Inespéré il y a encore 10 ans, ce renouveau a aussi des conséquences positives dans l’industrie. À Harlem, aux Pays-Bas, la plus grande usine de vinyles d’Europe a franchi en 2016 le cap des 10 millions d’unités produites (lire notre reportage dans le n°14 de la revue We Demain). Les quatre fabricants français sont de taille bien plus modeste. Mais eux aussi s’organisent pour suivre la cadence.

Artisans du vinyle

C’est le cas de M Com’ Musique, à Orgères, à 15 km de Rennes. Fondée il y a quatre ans, l’entreprise de cinq salariés a dû passer de l’artisanat à l’industrie, début avril, pour satisfaire la demande sans allonger les délais de livraison. Tout en répondant aux exigences acoustiques et écologiques de ses fondateurs, Antoine Ollier, président de la société, et Mickaël Collet, directeur technique.

Depuis le 9 avril, une ligne de production entièrement automatisée supplée la presse manuelle récupérée et reconstruite en 2015 par ces jeunes entrepreneurs qui fabriquaient alors péniblement 500 disques vinyle par jour. Après une semaine de réglages, la nouvelle machine haute technologie est capable de presser 500 galettes en 3 heures, soit 850 000 par an. L’ensemble de la production est assuré : fabrication des matrices en nickel (les « négatifs » du disque modèle gravé sur la laque), pressage et moulage du vinyle, ébarbage (la découpe de l’excédent de matière sur les bords du disque), étiquetage (placement des macarons centraux), mise en pochette, et enfin mise sous cellophane.

Le bon déroulement de chaque étape est vérifié en temps réel par des capteurs, et par Aline, sérigraphe avertie, reconvertie dans le disque après avoir fabriqué pendant quatre ans des billets de banque, ou Alex, opérateur à mi-temps et disquaire le reste du temps. Le plus grand défi ? Lors du moulage, faire passer la température de 30° à 180° en 5 secondes, puis effectuer l’opération inverse dès le pressage achevé.

“Réglé comme du papier à musique”

« Une presse à vinyle, explique Mickaël Collet, c’est comme un orchestre de 7 500 musiciens : toutes les pièces doivent jouer au bon rythme, et tout se joue au micron près. Tout doit être réglé comme du papier à musique. » «  Le son analogique du vinyle est très exigeant, précise Antoine Ollivier, nous le sommes aussi. Nous sommes capables de dire, avant la fabrication, comment ça va sonner en sortie ».

Cette exigence a convaincu de grands labels, comme Baco Distribution ou Beast Records, de leur confier leurs enregistrements de reggae et rock. Ces éternels insatisfaits ne cessent de s’interroger. Comment recopier à l’infini, avec la plus haute fidélité, le « disque modèle » en laque qui sert à fabriquer chaque série ? Selon Antoine Ollivier, le meilleur son s’obtient à partir de la gravure à demi-vitesse, une technique pratiquée dans les années 1970. « On y viendra, en partenariat avec un graveur qui le fait, mais cela nécessite beaucoup de réglages qu’il faut que nous prenions le temps d’évaluer. »

Des algues au plastique

L’exigence technique des fondateurs s’accompagne de fortes préoccupations écologiques. La consommation d’eau de l’usine a été réduite de 80 % grâce à la presse automatique, couplée à une chaudière qui fonctionne en circuit fermé. Les nouvelles technologies de refroidissement permettent également des économies d’énergie.  Par ailleurs, toute la matière première est faite de PVC recyclé. Et pour limiter le recyclage, qui dégrade la qualité du son, l’on s’efforce, lors de l’ébarbage, de réduire les chutes, à 5 %. Les usines concurrentes en produiraient 10 à 15 %.

Enfin, Antoine Ollivier et Mickaël Collet caressent l’idée de remplacer un quart de la matière pétrochimique du vinyle par de la matière végétale. Il y a deux ans leur société avait déjà fait parler d’elle en réalisant un disque microsillon, baptisé vinylgue, composé à 57 % de sel marin, à 25 % d’algues et autres matériaux recyclables et à 18 % de PVC. Une partie des billes de plastique traditionnellement utilisées par l’industrie du vinyle avait été remplacée par les billes à base d’algues brunes élaborées par Algopack, servant par exemple à la confection de vaisselle rigide et 100 % biodégradable.

Les qualités acoustiques du prototype étaient, lors du test, à la hauteur des espérances des entrepreneurs. Mais avec le temps, le son s’est peu à peu détérioré, des grésillements se sont fait entendre. Le vinylgue n’était pas commercialisable. Mais Antoine Ollivier ne désespère pas. « Les algues sont de la matière périssable. Il faudrait que l’on puisse collaborer avec un laboratoire qui trouve comment fabriquer un vinylgue stable, qui dure ». Le défi reste à relever.   

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