En Dordogne, ils ont bâti la maison autonome de leurs rêves avec l’inventeur des earthships

C’est l’histoire du coup de foudre entre un couple de Français expatrié aux États-Unis et une maison hors du commun, nichée dans les sables du Nouveau-Mexique. “Il faut pousser la porte d’un Earthship par une froide nuit d’hiver dans le désert, pour ressentir à quel point on y est bien. Et même sans aucun chauffage”, raconte Benjamin Adler.
 
Comme ce journaliste et sa femme Pauline Massart, ils sont déjà plus de 3 000 dans le monde à avoir décidé de construire leur Earthship. Un type de maison bioclimatique – aussi appelé géonef – inventé dans les années 1970 par l’architecte américain Michael Reynolds. Celui du couple vient d’être achevé fin août à Biras, en Dordogne, après seulement 24 jours de travaux.

Murs en pneus et en canettes

La géonef se distingue par l’usage de déchets comme matériaux d’isolation, là où d’autres maisons passives requièrent de la paille ou de la laine de bois.
 
“L’idée m’est venue lorsque j’ai découvert le concept d’efficacité thermique, à une époque où l’énergie était abondante et où, basiquement, tout le monde s’en fichait”, raconte Michael Reynolds, en visite sur le chantier en Dordogne.
 

“Je cherchais des matériaux capables de stocker la chaleur et de la restituer au bon moment. En fait, il ne fallait pas aller bien loin : les pneus, les canettes ou encore les bouteilles en verre ont une excellente inertie et en plus ils sont gratuits ! On les appelle des déchets, mais c’est juste car on ne sait pas quoi en faire. Pour moi ce sont des objets manufacturés de haute technologie.”

Maison éco-système

Et quid des risques d’émanations nocives ? “Nous avons mené des tests. Une fois que les pneus ont roulés au moins 10 000 km, ils ne produisent plus aucune particules. Et comme ils sont enterrés, ils ne se dégradent pas au contact de l’air ou de la lumière. Au final, les colles utilisées dans le mobilier de basse qualité sont bien plus dangereuses”.

Conçu comme un véritable écosystème, une maison Earthship repose sur plusieurs principes fondamentaux. Au sud, une baie vitrée permet de capter la chaleur du soleil, tandis qu’au nord un mur de pneus remplis de terre et doublé d’un talus stocke cette énergie.
 
Les autres parois sont faites de canettes ou de bouteilles de verre prises dans la terre ou le ciment, ce qui permet d’obtenir une excellente isolation.  Enfin, un toit végétalisé vient couvrir la structure en ossature bois.
 

Zéro-factures

“Le but d’un Earthship n’est pas seulement d’avoir un toit, mais d’adresser les principaux besoins de ses habitants en accord avec la nature”,  détaille Michael Reynolds. À savoir : fournir l’eau avec une citerne, l’électricité avec des panneaux solaires, l’alimentation grâce une serre intérieure, et même la gestion des eaux usées par un système de phytoépuration.

Une indépendance qui a séduit Benjamin et Pauline.  “On tendait déjà à l’époque vers un mode de vie plus respectueux. Pauline est consultante en stratégies zéro déchets et tient un blog sur le sujet. Mais au final, on trouve toujours des excuses pour nous retenir en arrière”, constate Benjamin Adler. “Cette maison nous permet de faire un grand pas en avant alors que nous changeons de vie et revenons nous installer en France.”

3 000 canettes collectées

Pour la construire, le couple a décidé d’organiser un chantier participatif en présence de l’inventeur de la géonef. Ce ne sont pas moins de 70 personnes venues de 15 pays différents qui ont répondu présent à l’appel du couple pour apprendre l’éco-construction.

La ville de Périgueux les a également soutenu, en organisant une collecte de plus de 3 000 canettes d’aluminium. Malgré cette main d’œuvre bénévole et les matériaux de récupération, la construction de la maison de 148m2 a tout de même coûté 320 000 euros au jeune couple.

Première “académie Earthship” d’Europe

Une somme qui inclut le terrain, l’hébergement et la nourriture des volontaires, les finitions et tous les frais administratifs. “Un Earthship, c’est un peu comme une automobile. Son prix dépend beaucoup de sa taille et de ses options”, explique Michael Reynolds. “On aurait pu économiser en optant pour l’autoconstruction, mais ça nous aurait demandé au moins deux ans de travaux sans aucune garantie de résultat”, ajoute Benjamin Adler.
 
En organisant cette “académie Earthship”, la première en Europe, le couple espère aider à la démocratisation des géonefs sur notre continent.

“Vous savez, vous avez beaucoup de chance en France”, conclut Michael Reynolds. “Chez vous, c’est le maire qui donne le permis de construire alors qu’en Amérique, il faut l’autorisation de l’État. Si nous voulons stopper le réchauffement climatique, nous aurons besoin de  ce genre de flexibilité pour nous adapter, survivre et trouver des solutions aux enjeux de demain”.

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