Encore au berceau, déjà écolo : L’essor des crèches respectueuses de la nature

Au Carrousel de l’Étoile, on touche, on sent, on observe, bref on expérimente. Entre les murs de cette microcrèche située sur la très chic avenue Victor Hugo à Paris, la créativité des grands et des petits pousse au rythme de la nature. Les plus jeunes découvrent les odeurs avec les bacs de jardinage. Légumes et savon végétal attendent leur tour dans l’atelier de fabrication de peinture.

“Oh ! Tu as vu, selon la quantité de savon, la couleur change, c’est magique.” Ces Tistou aux pouces verts confectionnent de la colle maison avec farine, eau et sucre. Ou du sable à modeler avec farine et huile d’olive bio.
 

“Ça leur permet de mettre les doigts dans leur bouche sans danger, précise Audrey Ferreira, responsable du Carrousel. Pour les ateliers pâtisserie du vendredi, nous utilisons aussi de vrais œufs bio, c’est important qu’ils puissent casser les coquilles, en avoir plein les mains…”

Premier lieu de vie collective

Et Mathis d’ajouter : “Même qu’on récupère des petits escargots dans les salades à la maison, pour la boîte de la crèche”, le terrarium maison. Charlotte sur la tête, Beatriz passe la tête dans le bureau de sa collègue : “Pour le liniment [lait nettoyant pour enfant, ndlr], c’est eau de chaux et huile d’olive bio, c’est bien ça ?”

La nouvelle arrivante a déjà tout compris de l’hygiène green des lieux. “Pour l’entretien, ajoute Audrey Ferreira, nous utilisons des produits végétaux éco-certifiés et nous fabriquons nous-mêmes le nettoyant pour les toilettes avec bicarbonate, vinaigre et lavandin.”

Le Carrousel de l’Étoile est labellisé Écolo Crèche, une association, un réseau et avant tout une philosophie.
 

“La crèche est le premier lieu de vie collective, rappelle Claire Grolleau, la fondatrice. Le respect de l’environnement doit s’y inscrire dans les habitudes de chacun. La sensibilisation commence par là.”

Produits chimiques

Claire s’est lancée dans cette aventure il y a dix-sept ans, à la naissance de son fils Pablo. “J’ai réalisé que les petits sont souvent perturbés par la nature, qu’ils ont peur de la boue, de se salir. Alors que les spécialistes répètent que cette connexion à la nature est essentielle à leur développement.”

Écotoxicologue de formation passée par l’industrie chimique, Claire décide de mettre ses connaissances sur l’impact des polluants au service des plus jeunes :

“Je voulais comprendre comment l’écosystème pouvait faire peur au point d’utiliser, dans les crèches, autant de produits chimiques pour le ménage ou les lessives.”

En 2005, à Marseille, chez elle, elle lance donc Écolo Crèche pour fédérer des structures dédiées à la petite enfance. “Tout est parti des questions des professionnels, de leurs envies, de leurs pratiques. Ils se sont révélés être un terreau idéal, prêts à se former pour aller plus loin dans leurs initiatives.”

Impact sur l’environnement

Au Carrousel de l’Étoile, il a fallu du temps pour tourner plus vert. “Je vais être honnête, il y a encore cinq ans, je ne me sentais pas forcément engagée, je manquais de connaissances et d’informations, se souvient Audrey Ferreira. C’est en participant à des tables rondes avec des collègues de crèches déjà labellisées que tout a pris du sens.”

La directrice est convaincue alors que sa crèche doit devenir écolo.
 

“Nous avons commencé par un premier diagnostic participatif et anonyme qui nous a permis d’évaluer notre impact sur l’environnement. Durant un an, le réseau Écolo Crèche nous a ensuite proposé des formations avant un second état des lieux au cours duquel nous avons dû démontrer une progression notable dans deux des huit grands thèmes établis par le référentiel du Comité national : bâtiment, eau, déchets, énergie, alimentation, activités à destination des enfants, hygiène et entretien des locaux.”

Une autre image des déchets

Dans la foulée, l’équipe du Carrousel a introduit un aliment bio par repas, des détecteurs de mouvement pour l’éclairage et les robinets, une serviette en coton lavable par jour et par enfant, etc. Et dans la pièce réservée à l’équipe, cartons ou briques de lait vides par dizaines attendent une seconde vie.

“Quel salarié de crèche n’a jamais fait de récup pour construire un jeu ou le décor d’un spectacle avec les enfants ? questionne Claire Grolleau. Ça peut paraître anodin, mais c’est la meilleure façon de donner une image différente des déchets.”

Il n’est jamais trop tard ni trop tôt pour apprendre les gestes écolo.

Célia Prot.

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