Partager la publication "Énergies marines renouvelables : la mer batterie"
Nous assistons à un tournant majeur dans l’histoire des énergies marines renouvelables (EMR), une alternative verte prometteuse aux combustibles fossiles. Longtemps exploités pour leurs ressources pétrolières, les océans possèdent aussi un réel potentiel en énergies renouvelables. Un potentiel essentiel pour la décarbonation. Les EMR embrassent une gamme variée de sources : courants marins, houle, marées, énergie osmotique, et surtout l’éolien offshore. Ces sources d’énergies durables, conjointement avec les énergies terrestres, jouent un rôle crucial dans l’amélioration du mix énergétique de la France. Elles réduisent la dépendance aux énergies fossiles et atténuant la prédominance du nucléaire.
Depuis longtemps, l’utilisation des énergies de la mer pour créer de l’électricité est convoitée. Ainsi, l’usine marémotrice de la Rance, en Bretagne, est exploitée depuis 1966 par EDF. Son principe ? Grâce aux mouvements des marées, elle est capable de produire 500 GWh d’électricité par an. C’est 7 % de la consommation d’électricité en Bretagne (l’équivalent de la consommation de 225 000 habitants). “L’estuaire de la Rance et son barrage sont un cas assez unique. Il n’existe que quatre autres sites équivalents de par le monde capables d’accueillir une usine marémotrice similaire. Mais cette technologie contribue à l’envasement de l’estuaire de la Rance et à bouleverser son écosystème“, explique Jean-Yves Pradillon, enseignant à l’ENSTA Bretagne et responsable du Mastère Spécialisé “Expert en Énergies Marines Renouvelables”.
Si de nombreuses pistes sont étudiées pour créer de l’électricité à partir des vagues, des courants, des variations de températures ou encore des marées, la plupart restent encore au simple stade de l’étude. Et n’ont pas apporté les garanties d’une création de puissance suffisante et/ou à un prix raisonnable. Une seule énergie a fait ses preuves : l’éolien marin. “À horizon 2050, il ne fait aucun doute pour moi que 90 % des énergies produites en mer le seront par des éoliennes extra-côtières“, affirme Jean-Yves Pradillon. Néanmoins, d’autres technologies pourront être utilisées pour alimenter en énergie des zones non interconnectées (ZNI) au réseau électrique continental, des lieux trop isolés. En France, l’île d’Ouessant est un bon exemple.
Aujourd’hui, son énergie provient principalement de deux grands groupes électrogènes alimentés en fuel. Une solution polluante et qui devient vite complexe en cas de mauvais temps, quand l’île est coupée du monde. L’alternative envisagée est un mix énergétique durable mêlant éolien, photovoltaïque, solaire thermique et hydrolien. “La passe naturelle de Fromveur, qui possède de très violents courants, pourrait être exploitée pour créer de l’électricité avec une centrale hydroélectrique adaptée“, détaille Jean-Yves Pradillon. Ce genre de dispositif, l’hydrolien, pourrait aussi être exporté sur certains fleuves d’Afrique à l’aide de barges pour alimenter en électricité des villages isolés. Mais cela restera des solutions ponctuelles comparées au potentiel énorme de l’éolien marin.
“Les éoliennes flottent à la surface et sont simplement ancrées au fond à l’aide de longues lignes. Cela permet d’installer des parcs même dans des zones profondes, donc davantage au large des côtes.“
Jean-Yves Pradillon, enseignant à l’ENSTA Bretagne.
À l’heure actuelle, environ 50 % des zones qui présentent un potentiel pour accueillir des éoliennes en France sont déjà occupées par des éoliennes posées. “L’avenir de la production d’énergie en mer, ce sont les éoliennes flottantes. Elles sont peu ou pas visibles depuis la côte. Et elles provoquent bien moins de conflits d’usage avec les pêcheurs et même les sous-marins.” 3 parcs seront créés ces prochaines années : un en Bretagne sud et deux en Méditerranée
L’avantage de l’éolien marin, c’est son rendement, ou facteur de charge. “Sur les 8 700 heures de fonctionnement possibles par an, une éolienne à terre va fonctionner 20 à 25 % du temps. En mer, cela atteint les 67 %.” Pourquoi une telle différence ? Le vent est plus fort et surtout plus constant au large. À titre de comparaison, une centrale nucléaire ou un barrage hydroélectrique auront un facteur de charge de 80 %. L’éolien marin n’est donc pas si mal placé. D’autant plus que son prix produit est de 5 centimes d’euros par KWh. Un tarif exactement dans la moyenne du nucléaire (4-6 centimes par KWh).
“L’avenir de la production d’énergie en mer, ce sont les éoliennes flottantes. Elles sont peu ou pas visibles depuis la côte et elles provoquent bien moins de conflits d’usage avec les pêcheurs et même les sous-marins.”
Jean-Yves Pradillon, enseignant à l’ENSTA Bretagne.
Alors qu’il y a 20 ans, au Danemark, les premières éoliennes pouvaient dégager 0,5 MW, aujourd’hui, les machines installées en France affichent une puissance nominale d’environ 5 MW. Et la technologie continue de progresser. Le parc éolien marin qui sera installé entre l’île d’Yeu et Noirmoutier accueillera 62 éoliennes d’une puissance unitaire de 8 MW. Actuellement, de nouveaux engins pouvant développer 10 à 12 MW sont à l’essai. Et des modèles de 15 MW sont en développement. Pour produire autant de puissance, ce sont des géants des mers, avec des pales de plus de 100 mètres de long, qui sont installés.
“Certes, la France a 20 ans de retard en matière d’éoliennes posées, reconnaît Jean-Yves Pradillon. Le Danemark, l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou encore le Benelux sont partis bien plus tôt que nous. Il faut dire que la mer du Nord, où les fonds ne dépassent pas 30 mètres de profondeur, s’y prêtait bien. Et nous avions le nucléaire donc l’éolien n’était pas une priorité. Cela a changé et j’ai bon espoir de voir la France dans le peloton de tête en matière d’éolien flottant.” L’Hexagone possède les compétences et des entreprises en pointe qui travaillent sur le sujet. Le vent de l’espoir peut donc souffler sur nos côtes.
Cet article a été réalisé en partenariat avec le Musée de la Marine.
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