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Éolien et solaire : l’énergie propre se heurte à des vents contraires aux USA

Comment conjuguer un objectif de 100 % énergies vertes à horizon 2025 et l’interdiction croissante de l’implantation d’éoliennes et de fermes solaires ? Tel est le dilemme auquel doivent faire face les États-Unis. Selon une estimation du quotidien américain USA Today, parue en février 2024, qui a évalué que près d’un “comté” sur six (county) a banni l’implantation de nouveaux projets dans les énergies renouvelables (éolien et solaire) sur son territoire.

“Au moins 15 % des comtés des États-Unis ont effectivement mis un terme à la construction de nouvelles centrales éoliennes, solaires ou les deux. Ces restrictions sont imposées par des interdictions pures et simples, des moratoires, des obstacles à la construction ou encore d’autres conditions qui rendent la construction d’énergies vertes difficile”, explique le média. Un chiffre loin d’être anodin alors que 90 % de toutes les nouvelles constructions et extensions au cours des neuf premiers mois de 2024 concernaient les énergies renouvelables, selon les données de la Federal Energy Regulatory Commission. Actuellement, environ un quart de l’électricité produite aux États-Unis provient des énergies renouvelables.

Les énergies renouvelables à grande échelle sous le joug des interdictions

Depuis 10 ans, environ 180 counties ont accueilli leurs premiers projets éoliens commerciaux. Parallèlement au cours de cette même décennie, plus de 400 counties (plus de deux fois plus donc) ont bloqué le développement de l’éolien. En 2014, par exemple, l’État du Kentucky a rendu impossible l’implantation de nouvelles turbines dans l’ensemble de ses 120 counties. Avant lui, la Caroline du Nord avait déjà mis son veto. Puis Le Connecticut, le Vermont et le Tennessee ont suivi quelques années après. Et si l’énergie solaire a trouvé une acceptation plus large, pour la première fois en 2023, presque autant de counties ont bloqué de nouveaux projets solaires que d’autres ont accepté leurs premiers projets.

D’autres États ne mettent pas en place de bannissement complet les counties, de manière individuelle, restreignent les possibilités, notamment dans la “wind belt” (dans les Grandes Plaines, le Midwest et le Texas). Là donc, où le potentiel éolien est le plus fort. Le Texas, par exemple, était la source de 28 % de la production éolienne des USA en 2023. Avec ses 15 300 turbines et quelque 40 000 mégawatts d’électricité produits, il se placerait au cinquième des États dans le monde si le Texas était un pays. Mais le Texas est aussi le paradis des hydrocarbures…

À lire aussi : “Les énergies renouvelables sont le chantier du siècle”

Pourquoi une telle opposition contre les énergies renouvelables ?

Les conservateurs texans multiplient les attaques contre les énergies vertes et leur prétendue manque de fiabilité. Il faut dire que l’État est le premier producteur de pétrole et de gaz des États-Unis. Le lobby des combustibles fossiles fait donc son travail de sape. Après la tempête hivernale dévastatrice Uri en 2021, de nombreux politiciens et médias conservateurs ont imputé aux pannes d’énergie renouvelable le fait que 69 % des Texans étaient privés d’électricité alors même que les températures étaient glaciales, relate Earthday.org. Pourtant, les centrales au charbon, au gaz naturel et nucléaires étaient, en réalité, responsables de près de deux fois plus de “pertes d’électricité” que l’éolien et le solaire.

Peu de temps après, le gouverneur républicain Greg Abbott est parti à l’assaut d’un projet de loi voulant interdire aux institutions de financer des projets fossiles, arguant que cela allait donner un avantage anticoncurrentiel aux énergies vertes. Et ce, même si les producteurs fossiles bénéficient déjà eux-mêmes de réductions fiscales importantes au Texas… Mieux : en 2023, le Sénat texan a voté en faveur d’un programme visant à fournir des prêts à faible taux d’intérêt et des subventions aux installations qui produisent de l’énergie à partir de sources non renouvelables telles que le charbon, le gaz naturel et l’énergie nucléaire. Dans ce cas de figure, le coup de pouce ne semble pas poser de problème…

Une infrastructure électrique vieillissante et inadaptée

Au Texas, malgré les critiques sur leur prétendue inefficacité, les énergies renouvelables produisent déjà plus d’électricité que ce que les infrastructures actuelles peuvent acheminer. Pourquoi c’est un problème ? Le réseau électrique texan fonctionne à une fréquence stable de 60 hertz, essentielle pour éviter les surcharges et les pannes. Lorsque la production dépasse la demande, cette fréquence peut augmenter, mettant en péril la stabilité du réseau. Pour y remédier, les producteurs d’électricité réduisent leur production, un processus appelé “curtailment”.

Ainsi, en 2022, le Texas a dû réduire de 5 % sa production éolienne, perdant ainsi une partie de cette énergie propre. La raison ? Une insuffisance dans les infrastructures de transmission, alors même qu’il y a une pénurie mondiale de transformateurs. D’ici 2035, le “curtailment” pourrait plus que doubler, à moins d’augmenter de 140 % la capacité des lignes de transmission, un défi majeur nécessitant 3 à 6 ans pour construire de nouvelles infrastructures. Sans action rapide, ces limites freineront l’exploitation complète des énergies renouvelables au Texas. Peut-être faudra-t-il investir, comme solution alternative, dans des systèmes de stockage permettant de récupérer l’électricité excédentaire en vue d’une utilisation ultérieure. Mais cela a un coût certain.

Des lignes électriques dans le désert des mojaves en Californie. Crédit : TSchofield / stock.adobe.com

Côte Est : des lobbies vent debout contre l’éolien marin

Les conservateurs de la Wind Belt ne sont pas les seuls à déployer leur énergie contre le renouvelable. Sur la côte Est des États-Unis aussi, les opposants se rassemblent pour dénoncer l’éolien marin. Contre vents et marées, les intérêts des énergies fossiles collaborent avec des groupes communautaires et des think tanks climatosceptiques pour bloquer les projets éoliens offshore. C’est ce que révèle le rapport Against the Wind (décembre 2023), rédigé par des étudiants de l’Université Brown, qui présente une cartographie de tous ces lobbies.

Bien que ces groupes semblent indépendants, ils partagent souvent des ressources juridiques, du personnel, et des financements avec des organisations opposées à la politique climatique depuis des décennies. Entre 2017 et 2021, ces think tanks ont reçu plus de 16 millions de dollars de donateurs liés aux énergies fossiles. Cette stratégie, orchestrée depuis 2012, freine le développement de l’éolien offshore et entrave la transition énergétique.

À lire aussi : Autriche, Suède, Portugal… quel pays d’UE utilise le plus les énergies renouvelables ?

L’arrivée de Donald Trump pourrait accélérer les attaques contre les énergies vertes

Le président-élu Donald Trump a annoncé son intention de bloquer la construction de nouveaux parcs éoliens aux États-Unis, critiquant vivement cette énergie verte qu’il qualifie de “désastre”. L’expansion rapide de l’éolien, qui représente l’une des formes d’électricité les moins coûteuses et les plus rapides à déployer dans le pays, l’énerve au plus haut point. Et ce, même si ses croyances vont à l’encontre des preuves scientifiques en faveur des bénéfices économiques et environnementaux de cette ressource. En outre, cette énergie propre a généré 25 % de la capacité électrique nouvellement installée en 2024 et emploie plus de 125 000 travailleurs.

Bien que Donald Trump puisse influencer directement la production éolienne sur les terrains fédéraux, il n’aura pas de contrôle direct sur les projets sur des terrains privés, où la majorité de la capacité éolienne actuelle est située. Nul doute que ses déclarations vont cependant alimenter l’opposition croissante dans les communautés rurales alors même que les experts désignent l’énergie éolienne comme essentielle pour répondre à la demande croissante en électricité. Selon un rapport dévoilé en décembre 2024, celle-ci devrait augmenter de près de 16 % au cours des cinq prochaines années aux États-Unis. C’est plus du triple de l’estimation d’il y a un an. En cause : un besoin en nouveaux centres de données et la construction de nouvelles usines.

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