Partager la publication "Fabriquer du fromage avec des produits végétaux : le défi d’une “vromagère”"
Mary Carmen Iriarte est en retard. C’est que, depuis quelques mois, elle ne cesse de courir. Elle imagine, expérimente et fabrique elle-même ses produits de façon artisanale, épaulée par une petite équipe. Des préparations qu’elle livre en personne, à vélo s’il-vous-plaît.
Lorsqu’elle arrive enfin dans sa toute nouvelle boutique-laboratoire du 11ème arrondissement de Paris, qui n’ouvrira au public qu’en avril, elle a à peine le temps d’enfiler son tablier que des voisins font irruption. Ce qu’ils se pressent à venir chercher ? Du fromage végan. Un produit dénué de tout ingrédient d’origine animale que l’entrepreneuse a malicieusement baptisé “vromage”.
Mais, refusant d’empiéter sur le marché du “vrai” fromage, Mary Carmen Iriarte évite désormais d’utiliser cette expression, de peur de créer une confusion sonore aux oreilles de la répression des fraudes. Le décret n°2013-1010 du 12 novembre 2013 définit l’usage du mot fromage. Il dispose que cet aliment est produit à partir de lait animal liquide et que sa conception comprend une étape d’égouttage.
Joie, véganisme et écologie
Avec ses préparations végétales “fabriquées dans la joie” (dixit l’étiquette), l’entreprise Jay & Joy s’adresse à plusieurs franges de la population : les végans, les végétariens, mais aussi les intolérants au lactose, sujets au cholestérol ou encore à l’arthrose.
En plus de permettre aux individus de se faire plaisir en adéquation avec leur conscience écologique, elle cherche avant tout à rassembler. La “vromagère” souhaite permettre à chacun de partager un moment convivial autour d’une table, quelles que soient ses convictions ou ses intolérances alimentaires.
Tout commence lorsque Mary Carmen, végétarienne depuis 2010, découvre que le fromage contient de la présure, un anticoagulant d’origine animale extrait de l’estomac du veau. “J’adore le fromage, et je voulais continuer à pouvoir en manger. Je savais qu’il existait des fabricants de fromage végétal, aux États-Unis par exemple. Je me suis dit qu’en France, pays du fromage, nous ne pouvions pas être en reste sur le sujet.” Elle décide alors, avec son mari Éric Jähnke et Etienne Gounot, un ami, de créer Jay & Joy.
Devant le succès de ses préparations végétales, la petite entreprise a vu arriver du renfort : Christophe Favrot, ingénieur agronome, et Maya Noriega, stagiaire en arts plastiques et amatrice de défis culinaires. Ensemble, ils s’apprêtent à lancer une gamme de yaourts végétaux à base de riz fermenté à l’occasion de leur présence au Salon Veggie World qui se tiendra au 104 , à Paris, les 2 et 3 avril.
Six variétés de vromage
Ces vromages, que Mary Carmen confie fabriquer “en leur parlant”, nous les avons goûtés. Contrairement aux préparations végétales industrielles prétendant imiter le goût du fromage, qui laissent parfois un arrière-goût désagréable en bouche, les produits Jay & Joy ont un petit goût frais et sympathique. Si leur texture peut faire penser à du houmous, ils se cuisinent très bien et trouvent leur place dans des pizzas et autres raclettes. Il en existe à ce jour six variétés.
Des produits exclusivement composés d’ingrédients bio et issus d’exploitations durables. “Nous fabriquons notre propre lait en broyant les amandes, y ajoutons ensuite un peu d’amidon, du sel rose de l’Himalaya et d’autres épices : oignons, ail, thym, basilic, tomates… Les noix de cajou et les amandes sont de très bonnes bases, on peut jouer avec.”
“Il y a des basiques, natures et d’autres un peu plus fous : piment d’Espelette, poivre de Sichuan, fines herbes, une version fêta marinée pour la salade.”
“Pour la fermentation, poursuit la vromagère, nous utilisons un mélange à base de vinaigre de cidre ou de citron, qui développe l’acide lactique. Pour l’instant, nous n’utilisons pas de bactéries, comme dans la fabrication de fromage, mais cela ne nous empêche pas d’obtenir des produits utilisables dans de nombreuses préparations :
“On fait des sandwichs, des salades, des gratins. Tout ce qu’on veut. Nous travaillons avec des chefs, qui en ont fait des plats incroyables .”
De nouvelles variétés sont prévues. Notamment afin de produire davantage d’odeurs, comme le réclament les clients : “Dès que nous pourrons les faire affiner, cela devrait perfectionner certaines notes, et enfin les faire puer un peu ! (rires)”
Aux omnivores sceptiques, Mary Carmen répond : “Il ne faut pas avoir peur ! (rires) On peut manger végétal et de très bonne qualité ! C’est bon pour la santé et l’environnement.”
Si de nombreux provinciaux ont formulé l’envie de se faire expédier des vromages, ces deniers ne sont pour l’heure distribués que dans l’unique supermarché végan de la capitale, Un monde vegan (3ème arrondissement), ainsi, depuis peu, qu’à L’épicerie générale du 9ème arrondissement, et au magasin Welcome bio (11ème arrondissement).
Les riverains de la boutique-laboratoire Jay & Joy, eux, devront encore attendre un petit mois pour franchir ses portes. Ils pourront alors, en plus de faire leur marché, s’installer dans l’espace convivial aménagé par Mary Carmen et y goûter des plats à base de vromage, préparés par de grands chefs. De retour chez eux, ils pourront s’en inspirer pour cuisiner ou décider, tout simplement, d’intégrer ces nouveaux produits à leur plateau de fromages.
Tous les événements sur la page Facebook Jay & Joy