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Fashion police : H&M et Zara liés à des déforestations illégales au Brésil

H&M et Zara sont dans le viseur de l’ONG britannique Earthsight. Une enquête affirme que les deux géants de la fast fashion sont liée à de la déforestation illégale à grande échelle au Brésil.

Le 12/04/2024 par Florence Santrot
déforestation brésil
Vue aérienne de la déforestation illégale des arbres de la forêt du cerrado pour ouvrir des terres à l’agriculture. Crédit : Paralaxis / iStock.
Vue aérienne de la déforestation illégale des arbres de la forêt du cerrado pour ouvrir des terres à l’agriculture. Crédit : Paralaxis / iStock.

Nouvel éclairage sur les dessous sombres de l’industrie textile. L’ONG britannique Earthsight a mis en lumière les mauvaises pratiques de H&M et Zara (groupe Inditex) au Brésil. Les deux géants de la fast fashion, respectivement suédois et espagnol, sont les plus grandes entreprises de vêtements au monde. À eux deux, ils ont combiné quelque 41 milliards de dollars de bénéfices en 2022 et possèdent près de 6 500 boutiques dans le monde. Des boutiques qui regorgent de vêtements, dont une partie est en coton. Coton qui provient en grande partie du Brésil, deuxième exportateur mondial juste derrière les USA.

H&M et Zara ne s’approvisionnent pas directement auprès de deux principaux producteurs de coton (SLC Agrícola et Grupo Horita) de la région de savane du Cerrado. Mais, les deux enseignes passent par des sous-traitants en Asie qui, eux, reçoivent le coton brut brésilien avant de le transformer. En remontant la filière d’approvisionnement des deux géants de la fast Fashion, Earthsight s’est aperçu de l’étendue du problème : déforestation, violation des droits de l’Homme, violence, corruption… Le tout dans une région qui a été déclarée réserve de biosphère par l’Unesco.

La sombre histoire de l’agro-industrie dans le Cerrado brésilien

Dans un rapport publié jeudi 11 avril, l’ONG met en lumière l’exploitation intensive des ressources naturelles dans le Cerrado, une région de plus de 1,5 million de km². Près d’un quart du Brésil… qui est lui-même grand comme 17 fois la France. Cette savane néotropicale est un véritable trésor pour la biodiversité. À elle seule, le biome de cette région (l’ensemble des écosystèmes) abriterait 5 % des espèces vivantes de la planète, selon Earthsight. Au total plus de 160 000 espèces de plantes et animaux ont été répertoriés.

Mais, sur les hauts-plateaux qui regorgeaient autrefois d’aras bleus et de jaguars, se trouvent désormais de vastes monocultures de coton et de soja. La végétation dense a été saccagée pour faire place à des champs agricoles. Selon l’ONG britannique, les entreprises agroalimentaires installées dans l’ouest de Bahia – dont SLC Agrícola et Grupo Horita – extraient près de deux milliards de litres d’eau par jour. Et déversent quelque 600 millions de litres de pesticides sur le Cerrado chaque année.

Un impact climatique énorme et des pratiques violentes

On estime que le défrichement de la végétation pour la production agricole dans la région du Cerrado génère autant de carbone par an que les émissions annuelles de 50 millions de voitures.

À cela s’ajoute des pratiques illégales pour le développement des activités des grands groupes : “accaparement des terres, corruption, violence… et la négligence du gouvernement ont contribué à transformer le Cerrado de Bahia en un environnement non durable et un hotspot agro-industriel violent au cours des 25 dernières années”, dénonce Earthsight. Elle ajoute que les familles qui possèdent les grandes exploitations ont “un lourd passif de procédures judiciaires, de condamnations pour corruption et de millions de dollars d’amendes pour déforestation illégale.”

Du coton pourtant certifié “durable” vendu chez H&M et Zara

Malgré les conditions particulièrement terribles de production du coton au Brésil, l’ONG souligne que les produits vendus chez H&M et Zara étaient étiquetés “coton durable” une fois en magasin. Pour établir cela, Earthsight a retracé le parcours de 816 000 tonnes de coton. Celui-ci a bénéficié, avant son exportation vers l’Asie, de la certification de l’organisation à but non lucratif “Better Cotton” (BC).

“Pour s’assurer que le coton provient d’une source éthique, les deux entreprises s’appuient sur le coton fourni par des agriculteurs certifiés par Better Cotton, le système de certification du coton durable le plus connu au monde” mais qui a “de profondes lacunes”, pointe l’ONG. Un manque de vigilance majeur

Réactions embarrassées pour H&M et Zara

Aussi bien H&M et Zara affirment ne pas avoir été au courant de ces pratiques pour le moins douteuses. Inditex – la maison mère de Zara – a indiqué à l’AFP vouloir prendre connaissance “au plus vite des “le plus rapidement possible” des résultats de l’enquête indépendante, ajoutant que “Nous prenons très au sérieux les accusations contre Better Cotton, qui interdit strictement dans son cahier des charges des pratiques comme l’usurpation des terres et la déforestation.”

Même son de cloche chez H&M où on affirme que “Les conclusions du rapport d’Earthsight sont très préoccupantes et nous les prenons très au sérieux”, indique l’AFP. Alors que Better Cotton se dit elle aussi surprise des résultats de l’enquête, Earthsight dénonce les pratiques de cette organisation : par le passé “BC a été accusé à plusieurs reprises de greenwashing et critiqué pour ne pas avoir permis une traçabilité complète de ses chaînes d’approvisionnement.”

L’UE impose depuis peu un “devoir de vigilance” des entreprises

Cette affaire représente un double risque majeur pour les deux géants de la fast fashion européen. Tout d’abord, leur image auprès du grand public de marque risque d’être encore un peu plus entachée avec cette enquête. D’autre part, les deux groupes textiles pourraient bien être inquiétés par la justice européenne.

En effet, mi-mars 2024, les États membres de l’Union Européenne ont trouvé un accord sur la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD). Ce texte impose aux grandes entreprises de l’UE des obligations pour protéger l’environnement et les droits humains dans leurs chaînes de production à l’échelle mondiale.

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