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Le coworking est dans le pré

Dans le Cantal, à Aurillac, Murat, Cassaniouze ou encore Montmurat, une douzaine de télécentres ont vu le jour depuis l’expérimentation, en 2010, d’une action sur le développement du télétravail porté par Macéo.

Ce groupement d’acteurs publics et privés du Massif central lançait alors un plan de télétravail qui déboucha sur la création d’un réseau interdépartemental de 7 télécentres répartis entre le Cantal, le Lot et l’Aveyron. Une initiative pionnière à l’époque et qu’ont suivie de nombreuses collectivités rurales, voyant là une opportunité pour dynamiser la vie économique et sociale locale.
 
Mais aussi l’occasion d’attirer de nouveaux habitants en quête d’un mode de vie conciliant bien-être et travail à la campagne. Toutes les initiatives ne furent pas pérennes, faute de modèle économique viable.

S’adapter au territoire

Dans les télécentres de cette première vague, qui perdurent aujourd’hui, et dans ceux qui se sont créés sur le même modèle depuis (dans le Gers, en Lozère ou dans les Côtes-d’Armor par exemple) sont proposés des espaces de coworking et des bureaux fermés pour les télétravailleurs et indépendants, des salles de réunion et de visioconférence, une connexion internet haut débit, une photocopieuse, un fablab parfois.

Xavier de Mazenod, vice-président du Réseau national des télécentres et fondateur de Zevillage, se garde toutefois de voir dans ces modèles une solution toute trouvée à la désertification des territoires ruraux ou à leur révolution numérique.

“Pendant longtemps, les collectivités locales ont financé la création de lieux de télétravail à la campagne, sans toujours réfléchir à leurs contenus véritables et à leurs dynamiques propres, définis par l’identité et les spécificités de chaque territoire”, estime-t-il.

   
Il évoque ainsi le problème des horaires d’ouverture de certains espaces, calqués sur ceux des services administratifs, mais aussi leur monoactivité ou le manque d’implication de la communauté des télétravailleurs et coworkers dès la conception du projet.

Réseaux et pluriactivité

Longtemps envisagés selon le principe “une action – un lieu”, les contours du télétravail “à la campagne” évoluent à mesure que s’installe une génération d’élus plus en phase avec les nouveaux paradigmes de leur époque.

“L’arrivée des tiers-lieux et de nouvelles initiatives hybrides a permis de prouver qu’il était beaucoup plus efficace de mélanger les publics et les activités au sein d’un même lieu”, précise Xavier de Mazenod, qui a pris part dans son département de l’Orne au déploiement de nom@des100, un programme initié en 2010 qui a abouti à la création de dix télécentres en zone rurale.

“Loin d’être encore la norme, une nouvelle génération de tiers-lieux propose des espaces polymorphes et ouverts sur la pluriactivité (télétravail, formations professionnelles, permanences administratives, animations, loisirs, etc.), explique-t-il. Des lieux polyvalents dont la création a été impulsée par les collectivités locales, en lien direct avec la communauté qui s’y établira et lui conférera sa dynamique.”

Comme souvent en zones rurales, les bâtiments vides et inoccupés ne manquent pas. Ancienne école, dispensaire, friche industrielle, maison vide ou même ancienne gare SNCF peuvent être réhabilités pour accueillir télétravailleurs, jeunes entreprises ou indépendants.

C’est justement l’objet de l’appel à projet initié en juin 2016 par SNCF Gares et Connexions en partenariat avec La Coopérative tiers-lieux. L’objectif : développer des tiers-lieux pouvant accueillir télétravailleurs et coworkers dans les espaces vacants de 33 gares de voyageurs de la région Nouvelle-Aquitaine. Dans le lot figurent des communes de moins de 2 000 habitants comme celles de Saint-Saviol, Saint-Savinien ou Puyôo, qui verront bientôt leurs gares reliées à un large réseau de tiers-lieux régional.

Une modernisation nécessaire

Cependant, qui dit transition professionnelle par le télétravail et nouvelle génération de tiers-lieu en milieu rural, dit aussi transition numérique et modernisation des infrastructures existantes. 

En bons élèves, certains départements comme la Haute-Marne, le Calvados ou La Manche ont compris assez tôt que l’accès au très haut débit était un levier pour favoriser leur attractivité et dynamiser le tissu économique et social local. Parmi les retombées de leurs plans d’installation de la fibre, des espaces de télétravail et de coworking qui fleurissent et maillent à présent leurs territoires.

Boostées par le refus des contraintes citadines, l’abrogation progressive des distances permise par les outils numériques et l’autonomisation des salariés, les initiatives en milieu rural se multiplient en faveur des nouveaux modes d’organisation professionnelle et de désenclavement des territoires.

Depuis le télécentre qu’il occupe à Boitron, commune de l’Orne où vivent 338 habitants qui attendent toujours le haut débit, Xavier de Mazenod voit dans ces évolutions autant de leviers supplémentaires pour que le télétravail s’installe durablement jusque dans les pâtures françaises.

Cet article a initialement été publié dans un cahier spécial consacré à “La révolution du télétravail” pour Malakoff Humanis, dans le cadre de leur projet web éditorial Le comptoir de la nouvelle entreprise.

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