Partager la publication "IKEA : l’appétit sans limite du suédois pour les forêts roumaines"
Tout a commencé en 2015. Cette année-là, IKEA a acheté pas moins de 83.000 acres de forêts en Roumanie pour un montant qui aurait approché les 100 millions d’euros, selon The Times. Cela représente environ 33.589 hectares, soit l’équivalent d’un peu plus de… 47.000 terrains de football. A l’époque, le géant suédois explique qu’il veut renforcer l’exploitation de forêts durables. Compréhensible quand on sait qu’il utilise environ 1 % du bois commercialisé dans le monde chaque année. Cela représente 21 millions de mètres cubes de bois en 2019 (environ 1 arbre coupé toutes les 3 secondes).
Selon une enquête du site américain The New Republic, IKEA est ainsi devenu en quelques mois le premier propriétaire foncier privé de la Roumanie, après de multiples acquisitions de terrains forestiers à exploiter. Le hic est que cette demande croissante pour du bois incite à la déforestation illicite des forêts primaires du pays. Parmi elles, des arbres ayant parfois plus de 500 ans. L’Europe abrite moins de 4 % de ces forêts primaires encore intactes, dont une grande partie se situe dans les montagnes carpates. Mais jusqu’à quand ?
Une destruction sauvage des forêts primaires
The New Republic ou encore Associated Press, font état de zones forestières, officiellement préservées, mais en réalité dévastées. Elles sont victimes de l’exploitation sauvage illégale, en infraction totale avec le projet Natura 2000 de l’Union européenne. Des zones surveillées par les protecteurs de l’environnement… à leurs risques et périls. Il n’est pas rare qu’ils soient brutalisés quand ils veulent dénoncer ces agissements frauduleux. Comme ce fut le cas en septembre dernier dans la région de Suceava, dans l’ouest du pays.
Conséquences de ces abattages illégaux : une érosion accélérée des terres et une biodiversité en grand danger. En effet, ces forêts primaires n’ont subi aucune intervention humaine depuis des millénaires, ni aucune perturbation des processus écologiques présents. On y retrouve donc des insectes, reptiles, micro-organismes, champignons mais aussi mammifères et oiseaux uniques. Ils profitent d’une flore luxuriante et de bois morts en décomposition pour se développer. Un écosystème extrêmement varié et équilibré mais aussi… durable.
IKEA : une implication indirecte
Si IKEA n’est pas directement lié à ces agissements, et se défend d’acheter du bois illégalement coupé, des ONG mettent en cause son implication indirecte. Une enquête menée pendant 18 mois par l’association britannique Earthsight souligne cet état de fait. Elle a réussi à prouver que des chaises pliantes Terje, fabriquées par le géant suédois, étaient constituées de bois d’origine illégale. Du bois issu de forêts situées dans les Carpates ukrainiennes et officiellement protégées.
En 2019, le ministre de l’environnement roumain reconnaissait lui-même que près de 40 millions de mètres cubes de bois étaient coupés chaque année dans le pays, dont la moitié de manière illégale. Et en 2020, selon FSC-Watch.com, la société roumaine Plimob a été reconnue coupable d’utiliser du bois coupé illégalement dans les Carpates en Ukraine pour fabriquer du mobilier. Sachant que Plimob vend 98 % de sa production à… IKEA.