Partager la publication "“La démocratie, ce n’est pas seulement voter tous les 4 ans, c’est aussi ce qui est fait pendant ces 4 ans”"
Georg Kurz a été sensibilisé très tôt au dérèglement climatique, à travers des documentaires à l’école et ses parents qui étaient assez actifs sur le plan politique. Pourtant, ce jeune Allemand de 28 ans qui a grandi dans un village montagnard ne se voyait pas appartenir à ce monde. Dans sa jeunesse, la politique était exercée par des hommes âgés et, la première fois qu’il est entré en contact avec des jeunes engagés pour l’environnement, c’était durant ses études à Munich.
“J’ai réalisé que l’on n’était pas obligés de rester assis avec des amis à discuter des problèmes du monde en essayant de changer nos propres habitudes. Si l’on vit dans un système qui ne fonctionne pas correctement, il y a forcément des gens qui s’organisent pour le réparer ou, mieux, le transformer.”
Selon lui, il y a de nombreux mouvements dont on peut apprendre : des protestations contre le président Donald Trump aux Etats-Unis, qui ont participé à transformer la structure politique en faveur des démocrates, aux mouvements Fridays For Future. En effet, personne n’avait jamais parlé de manière aussi claire et simple de la crise climatique que Greta Thunberg, et elle a inspiré des millions de personnes.
Changearth Project est une série de portraits de jeunes engagés pour la transition écologique, partout en Europe. Co-créé par deux étudiantes, Astrid et Carla, ce projet vise à mettre en lumière ces jeunes qui se mobilisent en faveur du climat et de la biodiversité, et à inspirer les autres à faire de même. Tout au long de l’été, WE DEMAIN va publier une fois par semaine l’un de ces portraits engagés.
Georg a étudié la physique, car il souhaitait aider à inventer de nouvelles technologies pour sauver la planète. Mais plus il en apprenait sur ces solutions, plus il se rendait compte que nous n’en manquons pas. “Ce dont nous avons besoin, ce ne sont pas des solutions technologiques, mais la volonté politique de faire ce qui est nécessaire.” Il a donc rejoint le parti politique des Verts, et plus précisément la branche jeune de ce même parti. “Quand j’ai commencé à me rendre dans des meetings, j’ai tout de suite réalisé que c’était avec ces gens-là que j’avais envie de travailler et d’échanger des idées.”
Si le jeune homme accordait moins d’importance à ses études car il devenait de plus en plus actif dans le mouvement, il a tout de même décroché son Master. Il est devenu le porte-parole des Jeunes Verts de Munich, puis les choses ont évolué assez vite. De 2019 à 2021, il a exercé le rôle de porte-parole de toute l’organisation en Allemagne. Cette dernière compte 17 000 membres – un chiffre qui augmente chaque semaine, puisque de plus en plus de personnes s’engagent au sein de Grüne Jugend. “On travaille avec des jeunes qui veulent tout changer, travailler sur eux-mêmes et sur la société, pour un futur meilleur.”
Ses missions étaient variées. D’une part, le rôle du porte-parole est de raconter des histoires, de parler de l’organisation au grand public ou aux autres partis politiques lors de réunions inter-partis. D’autre part, il y a aussi beaucoup de travail au sein de l’organisation, pour faire évoluer leurs positions et contribuer à l’atteinte de leurs objectifs. “Tout change très vite dans le monde qui nous entoure, donc nous devons trouver des manières de nous adapter, notamment en repensant notre organisation et son rôle dans la société.”
Le mouvement des Jeunes Verts allemand est relativement récent, puisqu’il a été créé il y a un peu plus de 25 ans, suivant de près la naissance du parti des Verts. Les Jeunes Verts se distinguent de leurs aînés dans leur analyse, en insistant sur la nécessité d’un changement systémique. Officiellement, ce n’est pas un parti politique mais une simple organisation, ils ont donc moins de règles à respecter. “Notre but est de mobiliser le plus de jeunes possibles, de tous les horizons et avec des thèmes de prédilection différents, de les aider à se former sur ces sujets, puis de leur permettre de devenir de vrais activistes.”
En effet, pour Georg, avant de se mobiliser, il faut d’abord s’interroger sur ce qui ne va pas. “Tout le monde veut sauver la planète, mais il faut comprendre ce qui dysfonctionne aujourd’hui : comment les lobbies empêchent la mise en place de mesures en faveur du climat, comment les contrer en apportant la même pression sur le débat public. Sans ça, on ne changera rien, car le changement n’arrive jamais de l’intérieur des organes politiques. Les dynamiques de transformation proviennent toujours du bas, des personnes qui manifestent dans les rues et s’organisent.”
Bien sûr, les élections sont importantes, car les partis ont besoin d’avoir du pouvoir au Parlement, mais ça n’est pas tout. “Si on regarde les discussions un mois avant une élection, tous les sujets sont bouillants. Mais notre rôle à nous, c’est d’activer les gens et de leur faire réaliser que voter n’est pas suffisant.” L’action des Jeunes Verts, qui ne dépend pas du nombre de sièges obtenu au Parlement, est plus large.
“L’atteinte de nos objectifs climatiques ne se résume pas uniquement à l’arrivée au pouvoir des Verts. Et la démocratie, ce n’est pas seulement ce qui est fait tous les 4 ans mais aussi ce qui est fait pendant ces 4 ans.” Le jeune politicien ne s’est quant à lui pas présenté aux dernières élections législatives – qui ont eu lieu en septembre 2021, pour élire le nouveau Parlement allemand –, et préfère réaliser un travail de fond, en contribuant à l’organisation du mouvement.
Les revendications des Jeunes Verts sont simples. Ils veulent s’attaquer à la source du problème, et transformer en profondeur un système économique qu’ils estiment défaillant. “Ce système a montré, dans l’Histoire, à quel point il était néfaste pour la plupart des gens. On voit aussi qu’il ne fonctionne plus pour la planète aujourd’hui. On ne peut pas avoir de croissance illimitée sur une planète limitée.”
Ainsi, Georg affirme que, pour sauver le climat, il faut remettre en question ces logiques de croissance. “Si, en Europe, nous pourrions techniquement atteindre la neutralité carbone sans remettre en cause ces dynamiques, cela signifierait cependant une plus grande destruction de la planète partout ailleurs.” Par exemple, les biocarburants aériens nécessitent beaucoup plus d’énergie pour être produits et cela revient à déplacer le problème. Pour régler le problème à la source, il faut mettre en place un système de mobilité plus durable et juste pour chacun. Cela passe par développer les transports en commun, le vélo, les trains longues distances, etc. En somme, rien de nouveau mais des solutions qui existent déjà. “On se bat pour faire du monde un meilleur endroit pour tous, pas seulement les plus riches. Et pour permettre aux futures générations d’y vivre.”
Pour le jeune homme, nous avons énormément à gagner avec la transition écologique. Il s’agit de saisir la chance de créer de nouveaux emplois plus pérennes. Alors qu’une grande partie des métiers de l’industrie ou de l’automobile en Allemagne sont voués à disparaître. “Le président américain Joe Biden dit que lorsqu’il pense au climat, il pense aux jobs, et il a complètement raison. C’est pourquoi nous devons investir dans les secteurs clés de la transition. Si on est en avance par rapport aux mutations du monde, on en profitera. Sinon, les autres le feront à notre place. L’enjeu est d’assurer à chacun la sécurité de l’emploi et un bon salaire en formant aux métiers de demain.”
Le programme qu’ils préconisent pourrait se résumer en trois grandes mesures. Dans le secteur de l’énergie, éliminer le charbon et les autres énergies fossiles le plus rapidement possible ; pour les mobilités, construire un système de transport neutre en carbone en investissant dans les bonnes infrastructures ; et pour l’agroalimentaire, réformer le système d’élevage intensif et développer une agriculture régénératrice. Pour l’heure, si les inondations de l’été dernier en Allemagne ont participé à une prise de conscience de l’opinion publique et des médias – qui ont, pour la première fois, directement relié ces catastrophes au dérèglement climatique – et ont amené les partis politiques à se positionner sur le sujet, le pays reste encore loin des objectifs fixés dans le cadre des Accords de Paris.
Mais alors, la désobéissance civile est-elle une solution au manque de volonté politique ? Georg souligne que les révoltes sociales qui ont fonctionné dans l’histoire sont presque toujours connectées à la désobéissance civile, même si elles le sont à des degrés différents (le droit de vote des femmes, les droits des personnes noires aux Etats-Unis avec Rosa Parks, etc.). “Si une situation est injuste, et que tout le monde reste passif, la désobéissance peut être un moyen fort de mettre cela en lumière.”
Il nous a notamment rappelé l’importance qu’a eu l’occupation de la forêt de Hambach dans l’Ouest de l’Allemagne. Des personnes sont venues de toute l’Europe pour protester contre la déforestation et l’exploitation de cette gigantesque mine de charbon à ciel ouvert – c’est l’endroit où il y a le plus de CO2 émis sur le continent – . Puis, en 2018, la police a commencé à les chasser de la forêt et la violence entre les deux camps s’est amplifiée. Le mouvement de protestation n’a alors cessé de grandir, jusqu’à rassembler environ 50 000 personnes.
“Alors que le réchauffement climatique est souvent perçu comme lointain et peu concret, ce lieu est devenu un symbole, le plus fort que j’ai vu de ma vie. Des jeunes, des familles et des personnes âgées se battaient pour leurs maisons, pas seulement leurs cabanes dans la forêt mais aussi pour les villages autour, dans lesquels les gens protestaient contre le charbon depuis toujours.” Selon lui, sans tous ces blocages, les choses auraient probablement évolué beaucoup moins vite en Allemagne.
Lorsqu’on l’interroge sur la nécessité de l’engagement des jeunes dans la lutte contre le dérèglement climatique, Georg nous indique qu’il n’y a pas d’autre solution. “Ce qui est en jeu est notre propre futur, notre survie et celle de la planète. La bonne nouvelle est que nous n’avons pas seulement la pression de faire quelque chose, mais nous en avons l’opportunité. On a une meilleure compréhension du problème, et de plus en plus de jeunes réalisent qu’on doit changer de manière radicale. Cela me rend optimiste pour la suite.”
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