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Le Corbusier, des concepts avant-gardistes contre les épidémies

Vue de loin, elle ressemble à un immense bloc de béton. Une de ces constructions d’après-guerre qui n’avait vocation qu’à devenir fonctionnelle rapidement. Or, c’est bien une œuvre du Corbusier, sortie de terre entre 1953 et 1955, pensée et réfléchie pour le bien-être de ses habitants. 

Soixante-cinq ans plus tard, La Maison Radieuse de Rezé, au sud de Nantes, n’a pas tellement changé malgré quelques ravalements de façades. Un immeuble, qui, par ses aspects architecturaux, a aussi permis de mieux vivre la crise sanitaire de Covid-19.

D’air et de lumière

Dans la chasse aux acariens et aux poussières, l’unité d’habitation du Corbusier est un atout de taille. “Les appartements qu’il a imaginés sont très faciles à nettoyer, assure Antoine Picon, président de la Fondation Le Corbusier et professeur d’histoire de l’architecture. Avec Le Corbusier, on va avoir des choses plus claires, plus simples.”

Dans la Maison Radieuse, chaque logement bénéficie d’une double orientation, d’Est en Ouest. La lumière du soleil y pénètre du matin au soir et il est aisé de créer un vrai courant d’air, en ouvrant les fenêtres, pour en renouveler l’atmosphère. “Il y a cette idée de vivre en rythme avec la nature et ses éléments, avec le soleil en particulier”, explique Florian Riffet, médiateur du patrimoine à la ville de Rezé. 

Les pilotis sur lesquels repose le bâtiment permettent eux aussi une circulation autonome de l’air et sont un parfait moyen de garder la construction au sec, à plusieurs mètres au-dessus du sol. “Le Corbusier cherche à s’élever vers le ciel”, explique Antoine Picon. Les pilotis permettent aussi de ne pas “casser” la continuité du parc de six hectares qui entoure la Maison Radieuse. 

Une relation à la nature qui, les Français s’en sont rendu compte, a pris d’autant plus de sens durant le temps du confinement. “Le parc étant la propriété privée de l’immeuble, cela était considéré comme notre jardin, donc nous n’avions pas besoin d’attestation pour descendre dans le parc, argue Martine Vittu, habitante de l’immeuble et représentante de la Fondation Le Corbusier. Cela a grandement facilité la vie des familles.”

“Une dimension hygiéniste”

Visionnaire selon certains, fin observateur selon d’autres, Le Corbusier avait imaginé son œuvre en fonction de problématiques propres à son époque “Tous les architectes du début du XXe siècle devaient tenir compte des questions sanitaires, explique Antoine Picon. Au cours de cette période, quand le choléra frappe Paris, c’est à peu près 10 000 morts à chaque fois… Nous avons vécu une parenthèse bénie grâce aux antibiotiques, aux traitements, etc. Mais les épidémies sont aujourd’hui de retours avec des bilans terribles.” 

Les larges couloirs qui desservent le bâtiment permettent de faire circuler l’air tout en facilitant la distanciation physique. (Crédits : Martine Vittu)

Très lumineuses et simples à aérer, afin de lutter contre la tuberculose, maladie répandue au XIXe siècle, les “unités d’habitation” de la Maison Radieuse se sont révélées tout aussi adaptées durant cette crise sanitaire. De même, les larges couloirs des espaces communs – les “rues” –, permettent de faire circuler l’air dans l’ensemble du bâtiment tout en facilitant la distanciation physique. 

Il est vrai que l’on retrouve chez le Corbusier une dimension hygiéniste dans sa façon de concevoir l’architecture, ajoute Florian Riffet. Pour autant, je ne dirais pas que Le Corbusier a conçu ses bâtiments avec le seul prisme sanitaire”.

Les ascenseurs par exemple, qui desservent les étages, créent inévitablement de la promiscuité. “Mais l’objectif de Le Corbusier est aussi de faire en sorte que les gens se croisent, échangent et c’est ce qu’il se passe ici, note Florian Riffet. Les réseaux d’entraide ont beaucoup fonctionné pendant cette crise”. 

Un modèle pour l’avenir ?

Pour Antoine Picon, il est nécessaire de revoir l’architecture actuelle afin de répondre à de nouveaux besoins. Que ce soit au travail ou à la maison. “On va sûrement devoir penser différemment, assure le président de la Fondation Le Corbusier. 

Un parc de six hectares entoure le bâtiment. (Crédits : Martine Vittu)

Il va falloir remettre en question la façon dont les espaces de bureaux sont conçus, repenser un logement dans lequel plusieurs personnes sont susceptibles de travailler en même temps.”

La volonté de lutter contre les épidémies et notamment la Covid rappelle les préceptes de l’architecte finlandais Alvar Aalto qui, inspiré par Le Corbusier, développa en 1933 le Paimio Sanatorium, un concept pensé afin de lutter contre la tuberculose. Son idée : un bâtiment rectangle ou carré, avec de longs murs et de grandes fenêtres afin de faire rentrer une lumière nécessaire dans la lutter contre la tuberculose, des couleurs claires et un toit-terrasse afin de prendre l’air. 

Beaucoup de constructions récentes s’inspirent encore des standards posés par Le Corbusier et les architectes du courant moderne. À l’image de la Via Verde, un complexe de 222 logements sociaux qui vient d’être construit à New York, dans le Bronx. Au rez-de-chaussée, un centre de santé communal et des commerces sont à disposition du public. 

L’architecture repose sur l’idée des jardins dynamiques en terrasses successives, orientées vers le sud, qui permettent de rejoindre les logements sans passer par des ascenseurs étroits. Et ainsi de privilégier les escaliers, larges et lumineux pour inciter les gens à les emprunter. Sur le toit, un parc suspendu permet aux habitants de l’immeuble de prendre l’air et de jardiner.

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