Partager la publication "Plastic Odyssey : À l’abordage de la pollution plastique"
Chaque minute, 19 tonnes de plastique se déversent dans la mer. Si l’on ne stoppe pas cette pollution, l’ONU prévoit qu’il y aura dès 2050 plus de déchets que de poissons dans nos océans. Pour lutter contre ce “septième continent”, de nombreux projets se sont lancés ces dernières années à l’image de Ocean Cleanup ou Sea Cleaners, qui misent sur des bateaux et des filets pour capturer cette pollution.
Cet article a initialement été publié dans WE DEMAIN N°33, disponible en kiosque et sur notre boutique en ligne.
Une solution technique illusoire selon Simon Bernard, de Plastic Odyssey : “Dans les faits, moins de 1 % du plastique jeté dans les océans flotte à la surface. Le reste coule au fond ou se dissout sous la forme de microplastiques qui se diffusent ensuite dans la chaine alimentaire. Chaque semaine, vous en ingérez cinq grammes, soit l’équivalent d’une carte bancaire”, explique ce jeune officier de la marine marchande.
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Avec l’aide de son camarade de promo de l’École nationale supérieure maritime Alexandre Dechelotte et de leur ami Bob Vrignaud, ingénieur, ils ont décidé d’attaquer ce problème à la source : dans les villes côtières des pays d’Afrique, Asie et Amérique du Sud qui sont responsables de 90 % de cette pollution marine. La faute à l’absence de structures de collecte et de recyclage… et à l’exportation des déchets occidentaux dans ces pays pauvres.
“Notre ambition, c’est d’agir sur les deux tableaux. Il faut nettoyer les erreurs du passé, mais aussi préparer un avenir zéro plastique”, détaille Simon Bernard.
Pour cela, il prépare depuis la fin de ses études en 2016, une expédition autour du monde avec un navire-ambassadeur baptisé le Plastic Odyssey.
C’est un ancien bateau de recherche océanographique de 39 mètres et 20 membres d’équipage, que la société a entièrement désamianté et rénové et qui s’apprête à partir à l’été 2021 pour un tour du monde de trois ans.
“À l’arrière, nous aurons 200 m2 d’espace technique dédié au recyclage et nous embarquerons plusieurs tonnes de machines capables de nettoyer, trier, broyer et transformer les déchets plastiques”, ajoute Bob Vrignaud, le responsable technique de l’expédition.
Des machines que l’équipage a conçues lui-même en s’inspirant de ce qui se fait dans l’industrie, mais en en simplifiant les plans afin de permettre à n’importe quel bricoleur équipé d’outils basiques de les reproduire lui-même.
Une initiative open source et low tech, qui n’est pas sans rappeler Precious Plastic, lancée en 2013 par le designer hollandais Dave Hakkens. “La différence est surtout une question d’échelle”, explique Bob Vrignaud. “Leur extrudeuse fait 30 centimètres, la nôtre deux mètres et 300 kilos. Au lieu de quelques kilos de déchets, c’est plusieurs centaines que nous pouvons traiter par jour, ce qui fait beaucoup plus sens économiquement. Vous pourrez ainsi produire par exemple de petits objets du quotidien, mais aussi des briques, des tuiles ou de l’isolant à partir de déchets. Ce qui créera une vraie incitation à les collecter. Et nos machines sont même parfois moins chères à construire que celles de Precious Plastic, car elles n’exigent pas d’outils compliqués comme la découpe laser, mais un simple poste à souder et une meuleuse d’angle. Notre broyeuse est notamment inspirée d’un modèle utilisé par les biffins du Caire et ne coute que 1000 euros à construire.”
À côté de la broyeuse et de la presse à injection trône la fierté de l’équipage : une machine à pyrolyse capable de transformer le plastique en carburant et qui permettra à terme d’alimenter le navire pour son tour du monde.
“Avec un kilo de déchets plastiques, vous pouvez faire un litre de carburant, dont 75 % de diésel et 25 % de kérosène”, détaille Simon Bernard. Mais n’est-ce pas polluant de bruler ce plastique et donc d’émettre du carbone au lieu de le laisser séquestré ? “Nous avons mené des analyses de cycle de vie, à Haïti par exemple, et découvert que recycler est parfois plus polluant, notamment si l’électricité provient de centrales à charbon. Et c’est parfois impossible, si le plastique est souillé de déchets alimentaires par exemple. Comparé au diésel classique, le nôtre contient beaucoup moins de particules fines et de produits nocifs comme le souffre.”
Si la technologie est au point, l’équipe de Plastic Odyssey doit encore naviguer dans les méandres de l’administration pour obtenir le droit d’utiliser ce carburant. Un comble, alors que le fioul utilisé dans la marine est le plus polluant au monde !
Mais il ne suffit pas de nettoyer les déchets du passé, il faut aussi construire le monde d’après. Et la vie à bord se voudra exemplaire, avec une cuisine et des salles de bain zéro-déchet ainsi qu’un système de potabilisation de l’eau conçu par l’entreprise lyonnaise InovaYa, qui leur permettra de se passer d’eau en bouteille. “Tous les navires ont des citernes d’eau potable, mais celle-ci est tellement chlorée que les marins préfèrent emporter de l’eau minérale”, se désole Simon. Un armateur français les aurait déjà contactés pour expérimenter cette technologie.
Le bateau embarquera également une exposition mobile dédiée aux alternatives au plastique, qu’ils pourront présenter lors de leurs escales. “Nous ne voulons pas apporter nos solutions de façon coloniale, mais les adapter aux besoins des acteurs locaux, enregistrer leurs témoignages et partager les bonnes initiatives que nous découvrirons lors de notre tour du monde”, explique Simon Bernard.
Autre originalité du projet, le navire embarquera également des chercheurs en sciences sociales. “Il ne suffit pas de dire qu’il faut bannir le plastique. Il faut aussi comprendre pourquoi les gens l’utilisent. Au Maroc, tous les sacs sont noirs car les gens sont pudiques et n’aiment pas montrer leurs achats. En Asie, c’est un symbole d’hygiène. Ailleurs, avoir des déchets plastiques est un signe de richesse”, énumère Simon Bernard.
“L’aspect technologique de notre projet, avec notamment le bateau qui tourne au carburant de plastique, est très bon pour la communication et la recherche de financements, mais parfois ce sont les actions moins spectaculaires qui ont le plus d’impact. Et c’est grâce au premier que nous pouvons financer le second”. La technologie ne sauvera donc pas seule le monde, la sociologie aussi devra y contribuer.
Rendez-vous dans le prochain numéro de la revue et sur notre site pour découvrir les suites de cette expédition, dont WE DEMAIN est partenaire.
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