Découvrir

Pour le bien des insectes, si on cessait de tondre les pelouses ?

Que se passe-t-il quand on ne tond plus les pelouses qu’une à deux fois par an en zone urbaine ? Les insectes reviennent. Surtout les insectes volants. Et les espèces perçues comme “nuisibles” ne profitent pas de la situation, au contraire. Telles sont les conclusions d’une étude menée par trois scientifiques de l’université de Berlin et publiée récemment sur ScienceDirect, le site de la revue Science.

Anja Proske, Sophie Lokatis et Jens Rolff, trois chercheurs de l’Institut de Biologie à la Freie Universität Berlin, ont étudié les effets d’une réduction de la fréquence des tontes des pelouses urbaines sur la biodiversité de ces espaces. Pour cela, ils se sont appuyés sur les données de plusieurs campus universitaires dans Berlin mais aussi l’agrégation de nombreuses données issues de l’hémisphère nord tempéré pour conserver une cohérence dans cette méta-analyse. Et ont constaté que des espaces verts moins entretenues permettent d’observer une plus forte concentration d’arthropodes, c’est-à-dire des insectes comme les cloportes, les mille-pattes ou encore les araignées. Mais aussi, et surtout, une plus grande diversité dans les espèces présentes.

Régénérer la biodiversité en zone urbaine

il ne fait aucun doute que l’urbanisation est un facteur important du déclin mondial des insectes. Mais la présence d’espaces verts en ville, jardins publics ou privés, permet de conserver une certaine biodiversité même dans ces espaces hostiles pour la faune et la flore. La difficulté est que ces espaces verts sont généralement trop bien entretenus. Peu boisés et avec des pelouses bien entretenues, ils ne sont pas suffisamment accueillant pour les insectes.

En réduisant la fréquence de la tonte de ces pelouses, la méta-analyse met en lumière un présence un peu plus importante d’insectes arthropodes. Mais surtout une forte hausse de la richesse des taxons d’arthropodes, c’est-à-dire la diversité des espèces observées. En outre, l’étude a démontré que “les pelouses bien entretenues favorisent de manière disproportionnée l’abondance d’espèces “nuisibles” ainsi que les arthropodes vivant au sol. En limitant les coupes, les insectes ailés reviennent en nombre sur la zone, indiquent les chercheurs. […] Les résultats de la présente méta-analyse soutiennent fortement l’idée qu’une réduction des fréquences de tonte dans les espaces verts urbains profite à la biodiversité des insectes.”

L’effet d’une fréquence réduite de la tonte sur la présence d’insectes dans un espace vert en zone urbaine. Crédit : https://www.sciencedirect.com

Moins de tonte, des prairies plutôt que des pelouses… les astuces pour favoriser la présence des insectes

Outre une réduction de la fréquence des tontes – une à deux fois par an semblant être conseillé –, la manière dont la tonte est réalisée importe aussi. Il vaut mieux utiliser une faucheuse (ou une motofaucheuse), qui abîme bien moins la biodiversité que les tondeuses autoportées qui broient les insectes. Les scientifiques ont également observé que la biodiversité est bien plus riche dans les prairies que les pelouses. Quelle différence ? Si cette dernière est entièrement en herbe (graines de graminées à gazon), la première se compose à la fois de graminées et de fleurs.

Enfin, avoir une prairie plutôt qu’une pelouse présente bien des avantages : l’arrosage devient totalement facultatif, il n’est plus nécessaire d’utiliser des pesticides puisque les espèces florales sont variées par définition, les hautes herbes deviennent des zones refuges pour les insectes mais aussi les petits animaux comme les mulots par exemple, l’absence de tonte régulière favorise la biodiversité, etc. Une pelouse étant une forme de monoculture, elle n’aura pas le même impact bénéfique qu’un espace vert avec une vraie diversité végétale. Ultime avantage : ne plus tondre vous évitera une corvée supplémentaire.

SOUTENEZ WE DEMAIN, SOUTENEZ UNE RÉDACTION INDÉPENDANTE
Inscrivez-vous à notre newsletter hebdomadaire
et abonnez-vous à notre magazine.

Recent Posts

  • Découvrir

Tout comprendre au biomimétisme : s’inspirer du vivant pour innover

Le biomimétisme, ou l'art d'innover en s'inspirant du vivant, offre des solutions aussi ingénieuses qu'économes…

2 heures ago
  • Déchiffrer

Christophe Cordonnier (Lagoped) : Coton, polyester… “Il faut accepter que les données scientifiques remettent en question nos certitudes”

Cofondateur de la marque de vêtements techniques Lagoped, Christophe Cordonnier défend l'adoption de l'Éco-Score dans…

21 heures ago
  • Ralentir

Et si on interdisait le Black Friday pour en faire un jour dédié à la réparation ?

Chaque année, comme un rituel bien huilé, le Black Friday déferle dans nos newsletters, les…

1 jour ago
  • Partager

Bluesky : l’ascension fulgurante d’un réseau social qui se veut bienveillant

Fondé par une femme, Jay Graber, le réseau social Bluesky compte plus de 20 millions…

2 jours ago
  • Déchiffrer

COP29 : l’Accord de Paris est en jeu

À la COP29 de Bakou, les pays en développement attendent des engagements financiers à la…

3 jours ago
  • Déchiffrer

Thomas Breuzard (Norsys) : “La nature devient notre actionnaire avec droit de vote au conseil d’administration”

Pourquoi et comment un groupe français de services numériques décide de mettre la nature au…

4 jours ago