Pressings “bio” : comment laver ses vêtements sans essorer la planète

Un costume, une robe en soie, un pull en cachemire… Parce qu’il est impensable de passer nos vêtements les plus fragiles à la machine, leur lavage nous conduit souvent au pressing. Mais saviez vous que le nettoyage à sec est plus prédateur pour l’environnement et pour la santé que le nettoyage classique, à l’eau ?

En cause, notamment, le perchloroéthylène. Qualifié de “cancérogène probable pour l’être humain” par le Centre international de recherche sur le cancer, cette substance est tout aussi nocive pour l’environnement (pollution des eaux, des sols et de l’air due aux vapeurs). Progressivement retiré des pressings depuis un arrêté du ministère de l’écologie du 5 décembre 2012, ce solvant sera totalement interdit à compter du 1er Janvier 2022.

Pour laver plus écolo et anticiper l’évolution de la loi, plusieurs enseignes ont fait le choix du nettoyage à l’eau. Des chaînes de pressing comme Aqualogia, Aquablue, Baleo ou encore Naturel H2O ont ainsi investi dans des systèmes de nettoyage alliant de puissants jets d’eau et des lessives biodégradables. La différence avec les techniques de nettoyage à sec réside dans l’utilisation de laveuses, séchoirs et postes de repassage spécifiques, sans aucun recours à des produits chimiques. L’aquanettoyage n’emploie pas de solvants autres que l’eau et est aujourd’hui une alternative très répandue. À titre d’exemple, Aqualogia compte 65 pressings en France et à l’étranger et Aquablue affiche une centaine d’enseignes en France.

Faible consommation d’eau

Cette nouvelle technique ne consomme pas plus d’eau pour autant : 9 à 15 litres par kilo, contre 28 litres en moyenne pour une machine de nettoyage à sec. Car contrairement aux idées reçues, le nettoyage à sec est particulièrement gourmand en eau. Résultat, selon une étude de 2013, réalisée par l’Institut de Recherche sur l’Entretien et le Nettoyage, le nettoyage à l’eau impacte peu l’environnement par rapport à ce dernier.
 
Seules limites de ce procédé : il provoque des froissements dans les vêtements, pouvant aller jusqu’à abîmer la fibre de certains tissus. Et si cette technique est très efficace pour éliminer les tâches maigres, il peut être nécessaire d’utiliser des produits chimiques sur certaines tâches grasses. Eric Lattier, le directeur général de 5 à sec, qui expérimente et utilise depuis plusieurs années de nouvelles techniques de nettoyage, concédait au Monde en juillet :
 

“L’eau est préférable aux hydrocarbures, mais nous utilisons tous des lessives dont nous savons qu’aucune n’est complètement biodégradable”.

Technologie brevetée

L’entreprise Sequoia, quant à elle, mise sur une technique de nettoyage à sec mise au point aux États-Unis en 2001. Son nom : Green Earth. Le siloxane, un dérivé de silicone, y est utilisé comme alternative aux solvants toxiques, à l’image du perchloroéthylène. La technique consiste à tremper et laver le vêtement dans ce produit, puis à poursuivre le nettoyage à l’aide d’une lessive biodégradable. Elle permettrait une moindre usure des vêtements, une moindre atténuation de leurs couleurs et s’évaporerait peu, évitant ainsi les inhalations nocives. En France, Sequoia dispose de l’exclusivité de cette technologie brevetée jusqu’en 2024 et compte aujourd’hui 44 boutiques.

La fin du nettoyage à l’ancienne ?

Néanmoins, cette technique apparait nettement moins écologique que la première. D’abord parce qu’elle requiert une quantité d’énergie importante, mais surtout parce que le siloxane est considéré par l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) comme une substance très impactante pour l’eau et particulièrement “bioaccumulable”. En clair, le siloxane s’accumule rapidement dans les organismes vivants. Ce qui peut laisser supposer de nouvelles mesures réglementaires dans le futur.
 

“Les propriétés de danger identifiées et les incertitudes liées à l’absence de données essentielles ne permettent pas dans l’état actuel des connaissances de proposer un produit particulier en substitution du perchloroéthylène dans les installations de nettoyage à sec “, précise l’ANSES.

S’il n’existe, à ce jour, pas de substitut totalement écologique au perchloroéthylène, l’impact de ces deux méthodes sur l’homme et l’environnement demeure moindre. En attendant 2022 et la fin définitive du nettoyage à l’ancienne, les acteurs du secteur font face à une problématique : laver plus blanc que blanc, sans noircir la planète.

Juliette Bise

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