Quand les maroquiniers changent de peau : l’essor du cuir végan

Le véganisme pourrait bien avoir la peau du cuir naturel. Les grandes marques l’ont bien compris, qui se piquent de plus en plus d’alternatives à la peau d’origine animale.

Mis en avant comme végans, des tanneurs d’un nouveau genre s’attaquent au marché mondial du cuir brut évalué à 90 milliards d’euros, en proposant des cuirs à base de plastique ou de plantes, qui offrent les mêmes qualités techniques et esthétiques que les peausseries.

Ironie de ces exigences “durables” : les similicuirs patinés du vernis punk des années 1980 sont ressortis du placard. Les nouvelles formules abandonnent PVC et autres vinyles toujours chargés d’additifs irritants et polluants, au profit de microfibres de polyuréthane, résistantes, malléables et surtout moins polluantes.

Empreinte carbone

Certaines marques vont plus loin, comme la très chic (et coûteuse) Stella McCartney qui a recours à des plastiques recyclés pour réduire au maximum l’empreinte carbone de son cuir de synthèse.

“Tout le monde y gagne, insiste Yvonne Taylor, responsable des projets d’entreprise pour Peta Royaume-Uni (*), qui promeut les garde-robes “cruelty free” (“sans cruauté”) avec son propre label “Peta vegan approved “. Les fabricants ont moins de pertes, donc un meilleur rendement, quant aux clients, ils disposent de produits plus résistants.”

Parmi les enseignes grand public converties au cuir végan, on compte déjà la marque de prêt-à-porter allemande Esprit et le chausseur tout-terrain Dr. Martens, qui développent des lignes dédiées. De nombreuses marques confidentielles se sont aussi lancées sur ce créneau, proposant notamment sacs et chaussures pour femmes.

Propriétés respirantes et ananas

Engagés dans cette course végane, les chercheurs espèrent, eux, faire la peau aux substituts issus d’hydrocarbures en tannant du cuir végétal. La société italienne Grado Zero Espace a ainsi développé le Muskin, un tissu extra-doux tiré du chapeau des champignons, utilisable en maroquinerie comme dans les vêtements grâce à ses propriétés respirantes.

Plus exotique, le Piñatex, créé par la designer espagnole Carmen Hojisa, est fabriqué à partir des fibres des feuilles d’ananas : une fois l’huile extraite (dégommage), elles sont assemblées en une matière non tissée, tel un feutre. Et la liste des matières premières naturelles sur lesquelles s’échinent les tanneurs s’étire : varech, liège, etc.

Mais l’absolu végan que tous les investisseurs s’arrachent, c’est le cuir sans vache, sans pétrole et sans plante : de la peau garantie 100 % laboratoire. À partir de cellules animales dont elle modifie l’ADN pour les transformer en usine à collagène, la start-up new-yorkaise Modern Meadow produit des fibres qu’elle assemble en un tissu qui peut être tanné comme une peau véritable.

Translucide

Elle pourrait même, à terme, proposer une version translucide. En juin dernier, la jeune pousse a levé 40 millions de dollars pour commercialiser ses produits. De quoi donner envie aux maroquiniers traditionnels de retourner leur veste ?

Sylvain Lapoix.

(*) L’ONG Pour une éthique dans le traitement des animaux (Peta) multiplie les campagnes pour mettre fin à l’utilisation des animaux dans la fabrication de fourrure, de cuir ou même de laine.

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