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Quand pop culture et écologie cohabitent

“Il faut des artistes pour nous toucher au coeur. Il faut des artistes pour nous mobiliser vis-à-vis de la question écologique. Il nous faut des artistes car, pour créer un monde nouveau, il faut pouvoir l’imaginer.” Magali Payen est la fondatrice d’Imagine 2050, une plateforme qui accompagne les leaders culturels dans leur transition écologique et solidaire par les nouveaux récits. À l’occasion de la troisième et dernière journée du Green Shift Festival qui s’est tenu du 5 au 7 juin 2024 à Monaco à l’instigation de la Fondation Prince Albert II de Monaco, elle a convié sur scène des spécialistes de la pop culture.

Pour évoquer ce “soft power”, elle a échangé avec Cédric Biscay, auteur, producteur et entrepreneur, passionné par la pop culture japonaise, Matthieu Pinon, rédacteur en chef de Otaku Manga, et Xavier Leherpeur, critique de cinéma. “On peut tout à fait faire coexister pop culture et écologie. Ce ‘soft power’ permet de faire passer des idées sans être trop rentre-dedans. On en a tous un peu marre des discours moralisateurs. Par le biais du divertissement, il est possible de convertir les gens à l’urgence de la transition écologique”, affirme Cédric Biscay.

Le Prince Albert II de Monaco est venu assister à la troisième journée du green Shift Festival. Crédit : Philippe Fitte / FPA2.

Le Japon et la conscience écologique

Depuis longtemps, le Japon a eu une conscience écologique. “Le pays est à l’intersection de trois plaques tectoniques, rappelle Matthieu Pinon. Les montagnes occupent une large place et seulement 20 % du territoire est habitable. Les Japonais doivent faire face à beaucoup de séismes et sont depuis longtemps dans la peur du ‘big one’, celui qui sera bien plus fort que les autres et dont les dégâts feront qu’ils n’auront d’autre choix que de cohabiter avec la nature, de revenir à des méthodes ancestrales.”

Le manga Dr. Stone, également décliné en anime, évoque ce retour à la nature. Sorti en 2017, il est signé de Riichirō Inagaki et illustré par Boichi. Au fil des ans, il s’est vendu à 17 millions d’exemplaires. Le pitch ? Une mystérieuse lumière transforme soudainement toute l’humanité en statues de pierres, y compris Taiju et Senku, deux lycéens. Les deux amis sortent de “l’âge de pierre” près de 4 000 ans plus tard et découvrent une planète où la nature a repris ses droits. S’ensuit alors une quête pour sauver les autres êtres humains pétrifiés, comprendre l’origine de la catastrophe… et décider s’il est bon de reconstruire la Terre à l’identique ou emprunter une nouvelle voie, plus respectueuse de la nature.

En quoi les œuvres peuvent-elles avoir un impact sur le réel ?

Pour Xavier Leherpeur, les œuvres fictionnelles ont le pouvoir de réveiller les consciences, de sensibiliser. “On a des exemples de films qui ont eu un retentissement dans la conscientisation du grand public. C’est le cas de Silent Running, sorti en 1972 aux USA [Et la Terre survivra, en français, NDLR]. Suite à une guerre nucléaire, la Terre est dévastée. Une équipe de chercheurs, dont un botaniste, embarquent dans un vaisseau spatial doté de serres géantes pour y faire pousser des plantes et y abriter des animaux. Quand ils reçoivent l’ordre de tout détruire pour revenir sur Terre, ils se rebellent pour sauver cette nature.”

L’homme qui rétrécit est aussi un film inspirant. Réalisé par Jack Arnold en 1957, il met en scène un homme qui diminue drastiquement de taille suite à une contamination radioactive. “D’abord déprimé par sa situation, il part ensuite à la découverte de son nouvel univers. La fin du film ne le représente pas retrouvant une taille normale mais, au contraire, apprenant à s’adapter à sa situation et à en tirer le meilleur. Cette fin philosophique, humaniste et intelligente dénote pour l’époque”, souligne Xavier Leherpeur. Enfin, impossible de ne pas citer aussi Godzilla, sorti au Japon en 1954. Là encore, on retrouve les codes de la peur du nucléaire. “Ce monstre, cette possibilité d’un reptile marin mutant apparu suite à une catastrophe nucléaire a beaucoup marqué les esprits, surtout que le film est sorti assez peu de temps après les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki.”

Green pop culture : une vision plus durable et désirable du futur

Nombre de mangas intègrent des plaidoyers en faveur de la protection de la nature. “C’est le cas de ‘Moi, jardinier citadin’, du Sud-Coréen Min-ho Choi, sorti en 214, indique Matthieu Pinon. L’auteur y raconte sa nouvelle vie dans une petite ville loin de Séoul, où il apprend à observer les rythmes de la nature et à jardiner au contact de ses voisins. C’est cette mutation qu’il raconte dans son manga, preuve que n’importe qui peut faire pousser de quoi se nourrir.”

Autre exemple : le manga du Japonais Tsubasa Fukuchi, La Loi d’Ueki (2001). “Sous couvert d’un manga assez classique avec des collégiens dotés de superpouvoirs qui se battent pour savoir qui sera le prochain dieu, on y parle de recyclage. En effet, un de ces héros est capable de changer les détritus en plantes ou en arbres. Un exemple qui a fait beaucoup pour populariser le tri sélectif et l’importance du recyclage et de consommer moins de plastique au Japon”, ajoute Matthieu Pinon. Quelle leçon pouvons-nous tirer de ces exemples ? “Il faut que le message soit cool pour que le message passe”, résume Cédric Biscay.

L’artiste chanteur Xavier Polycarpe, notamment auteur de la bande originale du film ANIMAL de Cyril Dion, est venu clôturer cette deuxième édition du Green Shift Festival. Crédit : Philippe Fitte / FPA2.

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