Partager la publication "Raphaël Domjan (SolarStratos) : “Mon projet de vol stratosphérique propulsé uniquement à l’énergie solaire vise à faire rêver les jeunes”"
Avec l’énergie solaire, est-il possible de voler jusque dans la stratosphère uniquement grâce à l’énergie solaire ? Faisant sien le rêve d’Icare, l’aventurier suisse Raphaël Domjan y croit dur comme fer et a initié il y a près de dix ans maintenant, le projet SolarStratos pour prouver la faisabilité de cette initiative pionnière. Ce défi technologique et environnemental repousse les limites de ce qui était considéré possible jusqu’à présent. En effet, atteindre une altitude de 10 000 mètres avec un avion électrique alimenté par des panneaux solaires représente un exploit inédit, à la croisée de l’aéronautique, de l’ingénierie… et du développement durable.
Au-delà de l’exploit en lui-même, SolarStratos se veut être un ambassadeur de la transition énergétique et un plaidoyer en faveur des énergies renouvelables. Grâce à des technologies de pointe, l’avion électrique solaire a été conçu pour voler dans la stratosphère, une zone de l’atmosphère encore peu explorée, en n’émettant aucune émission polluante. Ce projet ambitieux sera testé de manière grandeur nature cet été depuis l’aéroport de Sion, dans le canton du Valais. En amont de cette tentative, WE DEMAIN a rencontré Raphaël Domjan, de passage à Paris.
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Raphaël Domjan : Nous voulons avant tout prouver l’énorme potentiel de l’énergie solaire, y compris dans le secteur de l’aviation. Nous avons déjà réalisé des vols mais nous voulons établir qu’il est possible d’aller jusqu’aux limites de l’espace, c’est-à-dire dans la stratosphère, là où seules des fusées et des avions supersoniques comme le Concorde se sont aventurés jusqu’à présent. Pour cela, l’aérodynamisme de l’avion a été pensé pour pouvoir monter à haute altitude puis redescendre en douceur. Nous l’avons allégé au maximum et avons tout optimisé pour ce vol.
Cela est rendu possible par l’énergie solaire car, contrairement à un moteur thermique où, plus on monte, plus le rendement du moteur diminue avec la raréfaction de l’oxygène. Dans le cas des cellules photovoltaïques, leur rendement augmente – les rayons sont moins obstrués par la pollution, l’ozone, etc. – jusqu’à 35 % et il fait plus froid donc nos panneaux sont mieux refroidis et notre système fonctionne encore mieux.
L’avion mesure 24,8 mètres d’envergure, d’un bout de l’aile à l’autre, et 7,9 mètres de long. Il possède un double moteur électrique de 2 x 19 kW tournant à un maximum de 2 200 tours par minute. Des panneaux solaires recouvrent principalement les ailes, pour une surface totale de 22 m2. Ce sont des cellules photovoltaïques fabriquées par l’américain SunPower, dont TotalEnergies est actionnaire majoritaire. C’est aujourd’hui ce qu’il se fait de mieux en termes de rendement solaire, environ 24 %.
Derrière, pour emmagasiner l’énergie, nous avons des batteries lithium-ion dont la capacité pourra aller jusqu’à 21 kWh. Enfin, le fuselage est en fibre de carbone, avec un aérodynamisme pensé pour aller dans la stratosphère avec l’aide de la société allemande Elektra Solar. SolarStratos est même moins lourd qu’un planeur ! Mais ce n’est pas sans risque : nous avons perdu 2-3 ans dans notre planning car nous avons cassé des ailes.
Il devrait avoir lieu cet été. Nous nous laissons une fenêtre de un mois et demi pour trouver le meilleur moment. Car il nous faut un ensoleillement optimal pour pouvoir recharger au maximum les batteries avant et en cours de vol. Nous collaborons avec MétéoSuisse pour cela. Ensuite, le jour J, je monterai seul, sans équipier, dans l’avion pour optimiser le poids – il faudrait d’ailleurs que je perde quelques kilos d’ici là…
Je porterai une combinaison spatiale de 12 kilos car la cabine n’est pas pressurisée pour ne pas alourdir l’engin. Au plus haut, il fera environ -70 °C et il n’y a quasiment plus d’oxygène à cette altitude. Elle me permettra de respirer et de ne pas trop subir les températures négatives. Concernant le vol en lui-même, il devrait durer 5 heures : environ 2 heures en montée pour aller jusqu’à 10 000 mètres, 15 minutes dans la stratosphère et 2-3 heures en descente pour revenir à notre point de départ, l’aéroport de Sion.
Nous sommes sur un budget assez raisonnable, de l’ordre de 10 millions et nous sommes une petite équipe : 15 personnes seulement. Nous avons une cinquantaine de sociétés et personnes qui ont contribué au financement pour nous permettre de faire notre tentative de vol stratosphérique cet été. Nous avons aussi bénéficié du soutien de la Fédération suisse, le canton de Vaud, etc. Enfin, nous collaborons avec le Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM), l’École polytechnique de Lausanne, etc.
Notre but est avant tout de montrer aux jeunes qu’on peut toujours rêver en pensant à l’avenir. Et donc leur prouver, même s’ils l’ont déjà bien compris, que l’énergie solaire est une solution sur lesquelles ils peuvent compter dans le futur. Si on réussit notre pari, c’est la preuve qu’ils pourront continuer à voyager mais avec un impact bien moindre sur la planète. Il faut leur donner des perspectives, de l’espoir.
Si on parvient dans la stratosphère sans utiliser une goutte d’énergie fossile et sans émettre de CO2, ce sera la preuve que cette technologie fonctionne, même si elle peut encore grandement être optimisée. D’ici deux ans par exemple, les batteries devraient grandement s’améliorer et nous pourrons alors réaliser davantage de choses. Ensuite, nous avons pas mal d’idées en stock, comme mettre au point un avion électrique solaire capable d’embarquer plus de deux personnes et de voler à l’altitude des avions de ligne. Cela permet d’imaginer un futur usage commercial.
“Si on parvient dans la stratosphère sans utiliser une goutte d’énergie fossile et sans émettre de CO2, ce sera la preuve que cette technologie fonctionne”
Raphaël Domjan, SolarStratos.
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