Partager la publication "Score environnemental : la bonne recette pour promouvoir l’alimentation durable ?"
La loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire et à l’économie circulaire, votée en 2020, prévoit à son article 15 la conception et la mise en place d’un système d’affichage environnemental sur les produits alimentaires. Un projet repris par l’article 2 de la loi climat et résilience du 22 août 2021. Après le NutriScore, qui informait les consommateurs sur la qualité nutritive des produits, le score environnemental a pour but de guider les Français dans le choix d’aliments respectueux de l’environnement, et ce à tous points de vue.
Dans la foulée du vote de la loi, un comité de pilotage composé de l’Agence de la transition écologique et des trois ministères concernés (transition écologique ; agriculture et alimentation ; économie, finances et relance) a coordonné une expérimentation, au moyen d’un appel à projets invitant les acteurs privés à proposer une méthodologie d’affichage environnemental.
18 projets ont alors vu le jour au cours des deux dernières années, ainsi que d’autres initiatives développées en parallèle. Ont ainsi surgi le PlanetScore, l’Ecoscore, ou encore la Note Globale. Toutes sont intéressantes, mais toutes présentent aussi des lacunes.
Un Conseil scientifique indépendant a vu le jour pour identifier les bases scientifiques des démarches d’affichage environnemental et évaluer leurs impacts potentiels sur les consommateurs. Son avis a été remis au comité de pilotage. Ce dernier s’est appuyé dessus pour construire son propre rapport, remis récemment au Parlement et au Sénat.
L’objectif final étant d’établir des recommandations pour construire, à horizon 2023, un indicateur officiel fiable, lisible et juste.
Pendant longtemps, la question de l’affichage environnemental était difficile à aborder. Le manque de données, la difficulté de construire une analyse cycle de vie robuste et la réticence des entreprises rendaient l’exercice délicat. Désormais, la demande de la part des consommateurs, le progrès dans les méthodologies de mesure et l’apparition de nouveaux acteurs du numérique rendent cet indicateur incontournable.
Il entend aider les consommateurs à intégrer la dimension environnementale à leurs choix alimentaires sur deux aspects. D’un côté, le score doit permettre de distinguer au sein d’une même catégorie d’aliments les plus performants sur le plan environnemental selon le mode de production, la transformation et la distribution. D’un autre, il aide à percevoir entre deux catégories d’aliments la plus vertueuse. Objectif final : contribuer à faire évoluer le régime alimentaire du consommateur – par exemple en privilégiant les légumineuses à la viande.
On imagine la difficulté à construire un tel indicateur : quels enjeux environnementaux intégrer ? Quelles données utiliser et comment ? Quelles méthodes d’évaluation des impacts ? Quel score et sous quel format ?
Parce que l’affichage environnemental a un coût face auquel les entreprises ne sont pas toutes égales, il ressort des travaux que trois niveaux de descriptions seront possibles.
Un premier niveau, accessible à tous à bas coût, repartira de la base de données publiques Agribalyse. Il donne des valeurs sur 2 800 produits génériques (yaourt, pâtes…) et 500 produits agricoles représentatifs de la diversité alimentaire. De là, le distributeur affinera avec quelques paramètres facilement accessibles. Par exemple, la recette réelle de son produit, l’emballage, l’origine des ingrédients, le mode de production (biologique, conventionnel…). Une telle valeur devrait être accessible à moins de 5 euros par référence et déployable à grande échelle.
Un deuxième niveau que pourront choisir d’adopter certaines entreprises, intégrera plus de précisions. Il recouvrera une dizaine de paramètres environ selon les filières – par exemple l’alimentation ou l’accès au pâturage de la vache qui a produit le lait vendu. Une information plus coûteuse à collecter, mais intéressante au niveau environnemental.
Le troisième niveau intégrera l’analyse du cycle de vie complète, en allant encore davantage dans le détail. On pourra préciser par exemple la distance entre la ferme et la laiterie ou le mode de stockage du fumier. On gagne en précision, mais les coûts augmentent fortement pouvant atteindre jusqu’à 10 000 euros par référence. Aussi seuls les plus motivés et ceux qui “auront les moyens” pourront atteindre ce niveau de précision.
Pour mesurer ces impacts, l’analyse cycle de vie est privilégiée, et dans le cadre de référence reconnu au niveau européen du product environmental footprint (agrège plusieurs impacts sur l’air, l’eau, le sol, etc.) – auxquels quelques ajustements seront apportés. Car le cadre actuel ne permet pas de prendre pleinement en compte des éléments importants pour le secteur alimentaire. Comme la plus grande biodiversité dans les parcelles en agriculture biologique vis-à-vis du conventionnel.
Une telle analyse est construite en suivant deux étapes. D’abord, quantifier les émissions de polluants et les usages de ressources pour chaque étape du cycle de vie du produit. Ensuite, regrouper les émissions de polluants et les utilisations de ressources en un nombre limité d’impacts environnementaux.
Au-delà du PEF, la construction des indicateurs environnementaux doit donc être complétée sur cinq grands axes en priorité : la toxicité ou l’écotoxicité du produit, le stockage de carbone dans le sol, la biodiversité locale, les emballages et la contribution à la surpêche pour les produits de la mer.
Deux façons sont envisageables pour faire ces ajustements. Soit en les intégrant au maximum à la logique de l’ACV. Soit en réalisant des ajustements externes, une fois l’ACV calculée, à travers un système de bonus-malus. A l’instar de qu’ont fait le PlanetScore et l’Ecoscore chacun à leur manière. Cette 2e option n’est pas privilégiée par les deux rapports, car les labels concernent seulement une partie ou une étape du cycle de vie. Et l’application d’un bonus global n’est donc pas rigoureuse. Par exemple, un “bonus bio” pour combler les limites de l’ACV ne devrait concerner qu’une étape du cycle de vie (la production agricole) et que certains aspects environnementaux comme la toxicité – mais pas les émissions de GES.
Aussi, il est recommandé de ne pas multiplier les indicateurs complémentaires aux PEF afin d’éviter les doubles comptages, de respecter les périmètres entre indicateurs et les pondérations dans le score final (par exemple entre impact climat et biodiversité). Le risque étant au final d’affecter de manière injustifiée le score de certains produits.
D’autres informations sur des aspects non environnementaux, comme les conditions de travail ou le bien-être animal, pourront être ajoutées, mais séparées du score environnemental en lui-même.
Enfin, à quoi devra ressembler le score environnemental ? Comme c’est le cas pour l’électroménager, une lettre (A, B, C, D, E, F…) permettra d’évaluer la qualité environnementale du produit par rapport aux autres catégories. Dans cet affichage transversal, les végétaux ressortiront forcément plus vertueux que les produits animaux. Un fruit bio, même suremballé et venu de l’autre bout du monde, se verra logiquement attribuer une lettre plus avantageuse qu’un steak de bœuf.
Afin d’obtenir une analyse plus fine que les 5 ou 6 lettres, une note sur 100 pourrait compléter le dispositif. Cela facilitera l’analyse au sein d’une même catégorie. Ainsi, deux viandes de poulet pourraient avoir la même lettre “C”, une avec un score de 60/100 et l’autre de 70/100. Tout cela afin de valoriser la viande de meilleur impact environnemental par rapport à une autre. Ensuite, trois sous-scores viendront préciser l’impact du produit a priori sur le climat, la biodiversité et les ressources.
Visuellement, le bilan de l’expérimentation préconise un affichage “interprétatif, synthétique et coloré” afin qu’il ait un effet sur le consommateur. Certains aliments, sur lesquels les données manquent, pourraient être écartés du dispositif, comme les repas en poudre.
Le score officiel ne correspondra donc pas à l’un des projets existants, mais fera une synthèse entre les propositions, en s’appuyant sur les recommandations du Conseil scientifique. Avant d’être pleinement opérationnel, des travaux doivent être menés pendant environ un an afin de finaliser et tester la méthode de calcul.
Au-delà des aspects techniques et calculatoires, ces travaux ont mobilisé largement les professionnels et ONG. Ils ont aussi permis de questionner la notion de “performance environnementale” dans le secteur alimentaire. Les discussions ont été riches, parfois sensibles. Soulevant des questions de transparence, d’accès aux données et d’objectivation des allégations environnementales existantes.
Nul doute que le débat va se poursuivre, à l’échelle européenne notamment où les travaux français sont regardés avec attention.
A propos de l’auteur : Vincent Colomb est un expert évaluation environnementale et écoconception, filières alimentaires, Ademe (Agence de la transition écologique).
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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