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Shitthropocene : Patagonia dénonce avec humour les dérives de la sur-consommation

Vous avez 45 minutes devant vous et envie de prendre une bonne dose de sarcasmes tout en en apprenant davantage sur notre ère de la sur-consommation ? Alors le dernier documentaire en date de Patagonia, Shitthropocene, réalisé par David Byars, vous tend les bras. Disponible en visionnage libre, c’est une exploration anthropologique dans l’évolution des habitudes de consommation de l’humanité jusqu’à la hausse exponentielle de ces dernières décennies. Une mise en perspective avec une bonne dose d’humour… et d’improvisation qui donne une vraie fraîcheur au documentaire.

Comment en sommes-nous tous arrivés là, s’interroge Patagonia, avec une bonne pointe d’humour et de recul sur ses propres biais. “S’il peut sembler contre-nature, inhabituel et très incongru pour une marque d’enjoindre sa communauté à n’acheter que ce dont elle a besoin et rien de plus, c’est pourtant la base du message de Patagonia depuis ses débuts en 1973″, explique la marque américaine fondée par Yvon Chouinard.

“Chaque produit fabriqué sur scène a un coût pour la planète”

La marque de vêtements et d’équipements outdoor le reconnaît sans ambages : elle fait partie du problème… mais espère aussi être une des solutions. Sur un ton satirique, qui n’est pas sans rappeler l’excellente série anglaise “Cunk on Earth” (disponible sur Netflix), Shitthropocene se concentre principalement sur les vêtements, qui représenteraient jusqu’à 10 % des émissions de carbone actuelles.

Shitthropocene le montre très clairement : chaque produit fabriqué sur Terre a un coût pour la planète, reconnaît Matt Dwyer, responsable de l’impact produit et de l’innovation chez Patagonia, lors d’un entretien avec WE DEMAIN. Notre travail consiste à rester sur le fil entre essayer de sauver notre planète tout en fabriquant et en vendant des choses. Il faut s’efforcer d’être rentable tout en faisant ce qui est juste pour la planète.”

Les tendances mode, une idée née sous Louis XIV

Sous ses aspects provocateurs, le documentaire nous en apprend aussi beaucoup sur les origines de la sur-consommation. Vous ne le saviez peut-être pas mais les tendances mode remontent à… Louis XIV. C’est en effet sous son règne, à la fin du XVIIIème siècle, que les choses commencent à évoluer. À l’époque, une personne possédait le plus souvent deux tenues pour s’habiller : une pour tous les jours de la semaine et une pour le dimanche.

Avec son ministre des finances Jean-Baptiste Colbert, Louis XIV “met un plan vraiment malin pour relancer les ventes de soie produite à Lyon… et augmenter les revenus de la France. Non seulement ils rendent illégal l’achat de produits de luxe étrangers, mais ils instituent aussi une règle selon laquelle, après une certaine période de l’année, il faut acheter du velours et de la soie. Ils demandent donc aux fabricants de soie de Lyon de changer leurs modèles pour que tout le monde puisse savoir qui porte de la soie de l’année dernière”, relate le documentaire. Le rythme des saisons et les imprimés tendance doivent donc beaucoup à Louis XIV et Colbert.

Produire ou ne pas produire, telle est la question (de Shitthropocene)

“Avant de décider de fabriquer un produit, nos équipes se posent de nombreuses questions : avec quel fournisseur travailler, ce style doit-il exister, résout-il un problème pour le client, est-il redondant ?, pointe Matt Dwyer. Chaque ligne de produits chez Patagonia a un nombre limité de nouveaux styles par saison, ce qui les oblige à faire des choix. Nous avons aussi nombre de discussions où nous finissons par décider de ne pas créer tel ou tel vêtement. Ce serait mentir de dire qu’aujourd’hui tous nos produits sont indispensables mais notre réflexion essaie d’aller dans le bon sens.”

Selon le responsable de l’impact produit et de l’innovation chez Patagonia, diminuer drastiquement la production chez Patagonia, conclusion à laquelle on pourrait aboutir après avoir visionné Shitthropocene, n’est pas forcément une bonne idée. “Si nous vendons moins, la demande sera très certainement comblée par d’autres marques, peut-être moins responsables. En mettant par exemple en place de l’agriculture régénérative pour la production de coton biologique, nous faisons sans doute un travail que d’autres marques – moins sensibles à l’écologie – ne feraient pas. Mais nous sommes aussi conscients que nous devons faire beaucoup mieux.

WornWear, une lueur d’espoir

L’une des choses les plus responsables que nous puissions faire pour la planète, c’est de garder nos équipements plus longtemps, affirme Patagonia. Réparation, vente de produits de seconde main rénovés, upcycling… tout cela est à l’étude via le programme WornWear.

Pour l’instant principalement déployé en Amérique du Nord, WornWear explore différentes solutions d’économie circulaire. Cela fait 4-5 ans que ce projet a vraiment débuté et il rencontre une croissance à deux chiffres année après année. On part de très bas donc l’impact n’est pas encore significatif mais nous avons bon espoir qu’un jour il remplace progressivement les ventes de nouveaux produits.” Revente, fabrication responsable, décarbonation… Patagonia ne ferme aucune piste.

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