Sur Facebook, le projet “Buy Nothing” encourage le don entre voisins

Tout commence en juillet 2013, lorsque deux Américaines, Rebecca Rockefeller et Liesl Clark, lancent un réseau d’économie hyper-locale à Bainbridge Island, dans l’État de Washington. Sur Facebook, elles créent un groupe afin d’échanger gratuitement des objets, de la nourriture, des vêtements ou services… avec leurs voisins de quartier.

En seulement quelques heures, la communauté compte 300 personnes. Liesl fait son premier don (des œufs) à sa voisine Susan. Le “Buy Nothing Project” * est né. 

Le mouvement prend peu à peu de l’ampleur. Sur le modèle du pionnier Bainbridge Island, des centaines de groupes Facebook  hyperlocalisés, organisés à l’échelle d’une ville ou d’un quartier, essaiment dans 24 pays, principalement en Australie, aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. La France  ne compte pour l’instant que quelques groupe, mais le mouvement s’implante peu à peu en Europe. Il revendique aujourd’hui plus de 500 000 membres.

Promouvoir l’échange comme alternative à la consommation

Marie a rejoint pour la première fois une communauté Buy Nothing en 2015, à Perth en Australie, après y avoir déménagé avec son conjoint. Le couple ne connaît personne, et débarque avec seulement quelques valises. Le groupe la dépanne dans bien des situations… et lui permet de faire connaissance avec le voisinage.

Un soir, il me manquait quelques pommes de terre pour compléter une recette et je n’avais pas envie de trainer les enfants à l’épicerie. J’ai donc fait une demande sur le groupe et reçu mes patates en moins d’une heure !

Elle se souvient aussi du cas de cette jeune femme qui avait lancé un appel à l’aide sur le groupe, car elle ne pouvait pas s’acheter à manger pour la semaine. “La réponse a été extraordinaire. Comme elle était étudiante en éducation spécialisée, elle a par la suite rendu au groupe en offrant ses services de gardiennage.

Marie accroche rapidement au concept, au point de se porter volontaire pour devenir administratrice locale, puis régionale pour la province du Québec au Canada.

Son rôle consiste principalement à gérer l’arrivée de nouveaux arrivants et au bon respect des règles et de l’esprit “Buy Nothing” : les membres doivent être majeurs, habiter dans le territoire délimité, ne faire partie que d’un seul groupe, et, bien sûr, ne rien proposer à vendre ou acheter.

Car la gratuité, de même que l’esprit de communauté et l’économie circulaire, sont au coeur de la philosophie Buy Nothing. Le projet encourage les membres à privilégier l’échange et la récupération plutôt que d’acheter du neuf, et permet aussi bien d’offrir des biens matériels que de son temps ou ses connaissances dans un domaine.


Plus de proximité, donc plus de confiance ?

Le don comme alternative au gaspillage et la surconsommation, l’idée n’a, à priori, rien de nouveau. Le réseau mondial Freecycle met déjà en relation les particuliers qui souhaitent donner ou recevoir gratuitement des objets, via des groupes répartis géographiquement sur un territoire. En France, 131 communautés regroupent ainsi plus de 38 000 membres. D’autres sites, comme toutdonner.com ou jedonne.fr, proposent aussi ce genre de service via de petites annonces en ligne.

Des groupes de don existent aussi sur Facebook. Mais, pour Marie, le mouvement créé par Rebecca Rockefeller et Liesl Clark se démarque de ses prédécesseurs à la fois dans son esprit et son fonctionnement.

J’ai été membre de Freecycle. La majorité du temps, quand je souhaitais un objet, je constatais qu’il avait déjà été donné, et la distance pour aller chercher les dons était souvent très grande, impliquant de longues distances en voiture.

Même constat pour la majorité des groupes de don sur Facebook, qui “fonctionnent sur la base ‘premier arrivé, premier servi’”. 

Avec le mouvement Buy Nothing, tout se déroule à l’échelle d’un quartier. Les donateurs laissent leur annonce pendant plusieurs heures ou jours avant de choisir leur destinataire, qui ne sera pas forcément la première personne à s’être manifestée. “L’idée est que les dons et les partages soient un moyen et non un but, de développer un esprit de communauté et de voisinage”, résume Marie.

Ces échanges à taille humaine impliquent certes une offre de dons plus réduite, mais rassurent par leur effet de proximité. 

J’ai eu de très mauvaises expériences en prêtant des objets par le biais de Freecycle, car la personne peut ensuite très bien disparaître dans la nature, confie Marie. À l’inverse, le fait que les échanges se font entre voisins permet d’établir une certaine confiance, car on est toujours susceptible de recroiser les personnes au quotidien.

en français “Projet N’achète Rien”

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