Partager la publication "Tara Polar Station : une base scientifique dérivante pour explorer l’Arctique"
Colosse de 400 mètres carrés fait d’aluminium, la Tara Polar Station rendra possible l’exploration de l’Arctique dès 2025. La Fondation Tara Océan, qui œuvre en faveur d’une science marine de haut niveau, l’assure : “Sur les 20 prochaines années, c’est là qu’auront lieu les changements climatiques”. Face à l’enjeu du siècle, la station polaire offrira des clés de réponse inédites en s’appuyant sur les altérations que connaît l’un des écosystèmes les plus rudes.
À bord, “piégés dans la banquise”, 12 à 20 personnes composeront l’équipage. Climatologues, biologistes, physiciens, écologues, océanographes mais aussi médecins, artistes et journalistes se succèderont pour diverses missions d’expédition. La construction de la station commencera fin 2022 avec un départ prévu pour l’été 2025. Cette expédition au long cours dans l’Arctique sera une première mondiale.
Quatre grands axes de recherche sont prévus pour l’étude de l’unique océan de glace de la planète. Le mécanisme et l’impact du changement climatique sur le fonctionnement des écosystèmes sont deux des aspects fondamentaux de cette expédition. Elle permettra également de nouvelles découvertes en biotechnologie et en biomédecine. Tout en mettant en lumière l’adaptation de la vie en conditions extrêmes et la migration des organismes marins vers l’Arctique. “C’est une aventure porteuse de sens, notamment pour le rayonnement français. La station permettra de produire de la donnée, de la connaissance et de la partager pour mieux prédire les phénomènes climatiques extrêmes à venir”, détaille Romain Troublé, directeur général de Tara Océan.
Face à l’urgence de comprendre et d’agir, l’État français a débloqué une enveloppe de 13 millions d’euros dans la cadre de sa stratégie polaire, précise Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur pour les pôles et les enjeux maritimes. “Il y a un double défi climatique et géopolitique. On investit bien plus dans le spatial que le polaire, nous avons pourtant besoin d’une vision globale, c‘est ce qu’offre la station Tara. Nous serons un peu moins ignorants”, s’enthousiasme l’ambassadeur. Au total, 700 millions d’euros seront alloués à l’expédition jusqu’en 2030 afin de soutenir divers projets scientifiques.
Les scientifiques estiment que 90 % de la biodiversité marine reste encore méconnue. Les enjeux sont donc d’ampleur, notamment en raison des conditions extrêmes de vie en Arctique. Quelles espèces y migrent ? Quels impacts ont-elles sur des écosystèmes longtemps isolés ? Comment ceux-ci vont-ils s’adapter ? Ces questions, les scientifiques espèrent y répondre à bord de la Tara Polar Station.
Par l’étude du changement climatique, les répercussions majeures sur les écosystèmes et la biodiversité seront observées et interprétées. Et ce, de la base de la chaîne alimentaire (plancton) aux mammifères marins endémiques (ours polaire, renard arctique, beluga, narval…). Les scientifiques analyseront aussi les gaz à effet de serre et autres gaz néfastes pour le climat. Tout comme les boucles de rétroaction positives et négatives, le transport des microbes… Ou encore les noyaux de condensation et glaçogènes ainsi que les impacts d’un écosystème en mutation sur le climat.
En plein point névralgique du changement climatique, la Tara Polar Station sera une “sentinelle du climat”, explique Gerhard Krinner, directeur de recherche CNRS, climatologue et co-auteur du 6ème rapport du GIEC. “Ces 50 dernières années, l’Arctique s’est réchauffé deux fois plus vite que la moyenne globale. Nous savons qu’au cours du XXIème siècle, le réchauffement en Arctique sera plus fort qu’en moyenne globale. On voit donc un environnement disparaître sous nos yeux et on prend conscience des conséquences qu’il entraîne. Il est essentiel de comprendre et d’interpréter ces conséquences sur la glace de mer et les écosystèmes.” Le scénario climatique actuel le plus probable est que “l’Arctique sera libre de glace à la fin de l’été d’ici la fin du siècle”.
Chris Bowler, directeur de recherche CNRS à l’École normale supérieure et Président du comité scientifique de la Fondation, alerte quant à l’urgence de comprendre le fonctionnement de cet environnement et des dérèglements qu’il subit. “On fait face à la perte d’un écosystème unique qui s’est adapté à des conditions hostiles.” Ainsi, les données scientifiques mesurées grâce à la Tara Polar Station nous renseigneront sur les bouleversements à venir dans nos propres écosystèmes.
La Tara Polar Station sera un bijou de modernité et de technologie. Le navire ovale de 26 mètres de large sur 24 mètres de long sera complètement autonome. Conçue par l’architecte naval breton Olivier Petit, la structure supportera des températures polaires allant jusqu’à -52 °C.
La fondation assure que l’énergie produite à bord sera décarbonée, grâce au déploiement d’éoliennes, de panneaux solaires et de biocarburants sourcés de troisième génération. Une station de désalinisation produira également, quelques heures par jour, 300 litres par heure d’eau potable afin de combler les besoins de la vie à bord estimés à 1 000 litres par jour. Parallèlement, une station d’épuration traitera les différents déchets générés par l’équipage.
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