Partager la publication "Tous à bord : les citoyens embarquent dans la recherche océanographique"
L’excitation est à son comble sur les pontons. Magalie a toujours rêvé de participer aux grandes odyssées scientifiques maritimes, et aujourd’hui, à l’image de James Cook ou de Jean-François de Lapérouse, elle a le bonheur de pouvoir commencer sa propre expédition scientifique en mer. Puis Marin et Charlotte arrivent sur le bateau et sont fiers de présenter à Magalie et à l’équipage du voilier « Altair » le nouveau kit de mesure scientifique qu’ils viennent de fabriquer dans un fab lab à Brest.
Ce début d’aventure montre que tout citoyen peut participer à la recherche scientifique en mer grâce aux sciences participatives. Préserver l’environnement n’est pas réservé aux seuls scientifiques : les citoyens aussi peuvent jouer un rôle actif.
Que ce soit à terre à travers des ateliers de construction, ou en mer lors d’expéditions, tout le monde peut aller sur le terrain pour comprendre comment fonctionne l’océan et aider à le préserver. C’est la mission que s’est donnée l’association Astrolabe Expeditions, qui équipe des voiliers en matériel scientifique, forme les équipages à la réalisation de mesures océanographiques et anime plusieurs programmes de recherche participative.
La recherche en mer est coûteuse : elle implique de grands navires et des équipements complexes. Aujourd’hui, la flotte océanographique internationale capable de naviguer en haute mer représente une centaine de bateaux au niveau mondial. En France, cette flotte est opérée par l’Ifremer et est constituée de 17 navires, dont quatre naviguent en haute mer. Les campagnes menées sur ces navires sont non seulement coûteuses, mais aussi limitées en nombre en raison de la logistique et du temps nécessaire à leur préparation.
En revanche, les plaisanciers qui parcourent les mers sur des trajets de loisirs sont plus de 12 000 chaque année. Rien qu’en France, nous comptons 13 millions de plaisanciers, qui naviguent le long des côtes.
Il y a donc là une opportunité unique, en équipant ces voiliers, de créer une flotte océanographique citoyenne qui opère à grande échelle. Si chaque voyage de plaisance peut être transformé en campagne de mesures scientifiques, nous pouvons étendre considérablement les capacités de recherche en mer.
Oui, mais avec quelle instrumentation équiper ces voiliers ? Aujourd’hui, grâce aux progrès de l’électronique open source et des nouvelles technologies, il est possible de développer des instruments low-cost pour l’océanographie.
Ces outils permettent aux citoyens de contribuer à la collecte de données avec une précision autrefois réservée aux instituts de recherche. Par exemple, des capteurs de température ou de salinité peuvent désormais être fabriqués à bas coût et utilisés par des non-spécialistes.
Reste à fabriquer ces outils ! Il est tout à fait possible de se former à la soudure, l’impression 3D ou encore la découpe laser afin de concevoir et fabriquer les instruments et outils nécessaires aux expéditions. Tout cela peut être fait dans des fab labs, qui permettent une innovation rapide et la création d’instruments faciles à reproduire dans n’importe quel fab lab à travers le monde.
Il existe un réseau de plus de 2 000 fab labs dans le monde, ce qui ouvre des perspectives prometteuses pour la diffusion à grande échelle de ces pratiques qui favorisent la collaboration entre citoyens et scientifiques.
La participation des citoyens ne s’arrête pas nécessairement à la collecte de données ou la construction d’instruments. Il est aussi possible de participer à l’analyse de données réalisée par les précédentes expéditions. Et cela à différents niveaux : on peut observer les prélèvements de plancton au microscope ou identifier des sargasses à la loupe au retour d’une expédition, mais on peut aussi à posteriori, bien au chaud dans son salon, analyser des données de différentes expéditions.
La plate-forme APLOSE a, par exemple, été une première en France où plusieurs dizaines de citoyens ont pu analyser des sons de cétacés directement chez eux et produire des résultats recoupant à 80 % la même analyse réalisée par des scientifiques.
Pour rappel, les sciences participatives ont été définies en 2016 comme les formes de production de connaissances scientifiques auxquelles des acteurs non scientifiques participent de façon active et délibérée. Depuis une vingtaine d’années, les sciences participatives ont pris une place grandissante, permettant de récolter des données pour les chercheurs tout en sensibilisant le grand public aux enjeux environnementaux marins.
Celles-ci englobent ainsi une grande diversité d’initiatives avec des niveaux d’engagement différents de la part des citoyens :
Il faut dire que les recherches participatives portant sur l’océan sont en plein essor. L’océan, qui couvre plus de 70 % de la surface de la Terre, joue un rôle central dans les cycles vitaux de la planète. Grâce au courant marin qui transporte la chaleur des tropiques vers les pôles, il est le principal régulateur climatique de notre planète. Il est responsable de la production de plus de 50 % de l’oxygène que nous respirons (plus que les forêts tropicales) et absorbe la plus grande partie du carbone émis par le vivant. C’est aussi un formidable réservoir de biodiversité qui nourrit plus de la moitié de la planète.
Malgré cette importance écologique et l’enjeu à mieux comprendre ces interactions dans le contexte du changement climatique, l’océan reste encore aujourd’hui largement méconnu. Il y reste encore beaucoup à découvrir.
Pour pallier le manque de moyens humains et financiers alloués à la recherche océanographique, les sciences participatives marines, pouvant être mises en œuvre rapidement et à large échelle, apparaissent comme une pratique alternative et complémentaire à la recherche classique.
Cette approche présente deux avantages : non seulement elle permet de collecter des quantités de données importantes, mais elle sensibilise aussi un public diversifié aux enjeux liés à l’océan. Étudiants, naturalistes, élus locaux et gestionnaires d’espaces naturels sont souvent invités à participer à ces programmes.
L’association Astrolabe Expeditions anime ainsi six programmes de recherche participative et propose aux différents acteurs de prendre une responsabilité différente selon la phase du programme et leur niveau de compétence.
Les sciences participatives en mer, portées par des associations comme Astrolabe Expeditions, ouvrent de nouvelles perspectives pour la recherche et la préservation de l’océan. Que ce soit à terre ou en mer, vous aussi, pouvez-vous investir dans la conception des protocoles, et changer le rapport de la société à l’océan.
Alors, prêts à embarquer dans cette aventure scientifique et citoyenne ?
À propos de l’auteur : Cédric Courson. Directeur scientifique d’Astrolabe Expeditions – Phd Student a Université de Paris (LOCEAN, AMURE, LOPS-Ifremer), Sorbonne Université.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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