À l’origine du mouvement pour un « design libre », on retrouve le grenoblois Christophe André, 35 ans aujourd’hui. Ingénieur de formation, il abandonne sa carrière le jour où on lui demande de créer un objet à durée de vie limitée. Il rejoint alors les Beaux-Arts et engage une réflexion sur la mort annoncée des objets et du système qui les crée. «
Contre-ergonomie », sa première performance artistique, réitérée lors de plusieurs vernissages d’expositions, pousse à son paroxysme le concept d’obsolescence programmée : il glisse des flûtes à champagne percées parmi les verres servis aux invités. La durée de vie de l’objet devient ainsi inférieure à son temps d’utilisation !
C’est dans le sillage de cette performance que le « designer militant » co-fondera l’association Entropie avec l’artiste Gabrielle Boulanger. Tous deux appellent à se réapproprier les techniques de production et les savoir-faire, à se reconnecter aux produits que l’on consomme en privilégiant le travail à taille humaine, le tout pour court-circuiter l’industrie traditionnelle.
« Apolitique », l’association n’est pas pour autant dépolitisée. Les membres du
collectif veulent «
non seulement dénoncer le système capitaliste actuel, source apparemment inépuisable d’injustices et d’inégalités, mais surtout valoriser des initiatives, des organisations, des mouvements collectifs qui fonctionnent indépendamment de cette logique économique ». Selon eux, l’industrie lourde requiert des moyens techniques et des capitaux élevés, mais emploie surtout une main d’œuvre soumise à une division du travail extrême qui réduit les champs de connaissance du travailleur et retire l’autonomie qu’avait auparavant l’artisan.
C’est pourquoi l’association milite pour une réduction du temps de travail, qui permettrait l’augmentation du temps consacré à l’autoproduction. Et, in fine, de rétablir le lien entre le consommateur et ce qu’il consomme.
« Pour jouir et gaspiller sans honte, il faut cacher les véritables coûts humains des produits, les lieux et modes de production, les impacts sociaux … », écrit François Brune, théoricien et critique du « discours dominant », cité par le fondateur de l’association. À l’inverse, l’objet du « design libre » est, conclut Christophe André, de faire de nous « des acteurs responsables de l’univers que nous façonnons ».
Entropie réédite le catalogue de 20 objets à réaliser en design libre en crowdfunding : http://www.kisskissbankbank.com/catalogue-20-objets-a-realiser-en-design-libre
Elisabeth Denys
Journaliste / We Demain
@ElissaDen