Comment les marques s’emparent de l’impression 3D

Poussez les portes du Bazar de l’Hôtel de Ville (BHV), à Paris, montez au dernier étage : elles sont là. Faîtes un tour à Qwartz, le tout nouveau centre commercial « connecté » de Villeneuve-la-Garenne, elles sont encore là. Et depuis ce mois-ci, entrez dans un Leroy Merlin : elles seront là aussi.
 
Depuis plusieurs mois, les imprimantes 3D investissent les enseignes. Confidentielle il y a quelques années, la technologie est aujourd’hui tendance. Les marques l’ont compris : qui se veut dans le vent se doit de la faire figurer en bonne place dans ses rayons. Quitte à donner dans le gadget. À Londres, Adidas a ouvert en janvier une boutique temporaire, où les clients pouvaient personnaliser les logos de leur paire de basket grâce à ce nouvel outil. En février, Optic 2000 a lancé Mezzanine, une gamme de lunettes imprimées en 3D à la demande.
 
Pouvoir d’attraction
 
« Ces machines ont été investies par la presse de capacités magiques », explique Bertier Luyt, qui a ouvert le magasin spécialisé Fabshop et participé à l’installation de l’atelier de création 3D du BHV de Paris. Jusqu’au 9 mai, au dernier étage du magasin, les clients peuvent s’initier via des cours sur cette nouvelle technologie. « Le processus de fabrication par addition de matière donne l’impression de faire surgir des objets ex-nihilo et exerce un pouvoir d’attraction immense sur les foules. Il est logique que les marques s’emparent de cet outil de communication », ajoute Bertier Luyt.

« C’est un vrai succès, confirme Régis Menguy, employé au bureau de poste de Boulogne, devenu conseiller en impression 3D depuis le 27 novembre. Télé, radio, journaux ont couvert l’arrivée de la Mojo (une marque d’imprimante 3D). Beaucoup de gens ont entendu parler de ces machines dans les médias, ils sont donc très curieux de pouvoir les observer de leurs propres yeux. À Paris, deux autres bureaux de postes tentent l’expérience. La direction de la communication de l’enseigne parle d’une vingtaine de clients supplémentaires par jour.
 
Des fab labs dans les magasins ?
 
Au delà du produit d’appel, quid de l’utilité ? « Beaucoup impriment une coque de téléphone juste pour le fun. Mais nous avons également une clientèle plus professionnelle. Des graphistes ou des architectes viennent fabriquer des prototypes. Des designers veulent imprimer la pièce manquante d’un meuble », raconte Régis Menguy. « Cela permet d’identifier la nature des besoins à laquelle l’impression 3D peut répondre. » explique Fabien Monsallier, directeur de la stratégie à La Poste. D’ici à la fin mai, cinq bureaux de poste supplémentaires pourraient être équipés.

Cette expérimentation pourrait-elle préfigurer une diversification des services proposés par La Poste, en perte de vitesse sur ses activités traditionnelles ? « Tous les directeurs de l’innovation de France commencent à s’y intéresser », selon Bertier Luyt, également co-auteur de « L’impression 3D  », qui veut voir autre chose qu’un effet de mode dans ce mouvement. La miniaturisation permettra demain de proposer des accessoires complémentaires et de personnaliser les produits selon les goûts du client. »

Dans 120 Leroy-Merlin de France, on peut jusqu’au 10 mai s’initier à la modélisation et à l’impression 3D au milieu des outils de bricolage traditionnels. Adéo, propriétaire de l’enseigne, envisage même d’installer de vrais fab labs à l’entrée de ses magasins. « Le secteur du bricolage prend la direction d’une mass individualisation », note Stéphane Distinguin, fondateur du cabinet de conseil en innovation Fabernovel (nouvelle fabrique).

Loin d’avoir été imaginés pour un usage commercial, les fab labs et autres makerspaces inspirent de plus en plus les acteurs de l’économie traditionnelle. Ceux-ci s’inquiètent aussi d’une révolution qui pourrait permettre aux citoyens de devenir producteurs. À terme, Leroy-Merlin a tout intérêt à se positionner comme « magasin-usine » pour capter un mouvement qui risque autrement de court-circuiter son activité marchande, et dont l’imprimante 3D est devenu le symbole (même si on trouve beaucoup d’autres machines dans un fab lab).

« On y est pas encore »

En dehors du secteur du bricolage, la légitimité des marques à s’emparer de cet outil reste encore à démontrer. Mark Fabes, directeur des technologies et de la communication chez McDonald’s envisagerait ainsi d’installer des imprimantes 3D dans ses restaurants pour remédier aux « innombrables repas de famille gâchés parce que les enfants n’avaient pas la figurine de leur personnage préféré. » Mais même si cette technologie se démocratise, faire imprimer une figurine prend encore beaucoup de temps. Et coûte cher : environ 20 euros pour un petit objet. À ce prix là, la chaine de restauration rapide n’est pas tout à fait prête à se transformer en fab lab pour enfants.

Chez La Poste, on confirme qu’il est « trop tôt pour savoir ce que l’on va vraiment faire de cette période d’expérimentation » avec les imprimantes 3D. « Le grand défi pour les marques sera d’articuler cette nouvelle technologie avec leur métier d’origine. On y est pas encore », conclut Bertier Luyt. En attendant la troisième révolution industrielle, l’impression 3D en boutique sert d’abord… à impressionner.
 

Côme Bastin
Journaliste We Demain
Twitter : @Come_Bastin

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