Innovation : quand l’Afrique inspire l’Occident

A la rencontre du « Steve Jobs africain »

La campagne de crowdfunding vient juste de se terminer pour Samir Abdelkrim. « Un vrai marathon ! », raconte-t-il. Reste encore les visas. Dans quelques jours, il décollera pour « mapper » (cartographier) les écosystèmes numériques de huit pays africains. « L’Afrique est la nouvelle frontière mondiale du développement numérique », explique le Français, qui tient un blog sur les start-ups des pays émergents.
 
« En Afrique, la technologie n’est pas un gadget. Elle répond à des nécessités vitales. » Exemple. Le 23 mars, la jeune mannequin Awa Fadiga décède des suites d’une agression par un chauffeur de taxi à Abidjan. Le 24 mars, sort Taxi Tracker, une application qui photographie les plaques d’immatriculation et « permet à vos proches de vous suivre en temps réel lors de vos déplacements en taxi à Abidjan par SMS et sur Android. » Des milliers d’Ivoiriens la téléchargent immédiatement.
 
« Si le pays où l’on règle le plus souvent ses achats par téléphone du monde est le Kenya, c’est que des millions de ses habitants n’avaient pas les moyens de s’ouvrir un compte en banque. », poursuit le blogueur. L’application de paiement mobile M-Pesa a aujourd’hui essaimé sur tout le continent noir. Elle se prépare a envahir l’Europe  : depuis le début du mois, on peut la télécharger en Roumanie.

Il n’y a pas que le Kenya ou la Côte d’Ivoire. Au Togo, il visitera le Woelab, un « fablab à niveau de rue » installé à Lomé, célèbre jusqu’en Europe pour avoir engendré une imprimante 3D à base de déchets. « Au Sénégal, en Afrique du Sud et au Nigeria – désormais première puissance du continent – fleurissent incubateurs et espaces de co-working. », raconte-t-il. À l’image du CTIC de Dakar, « de loin le plus grand incubateur d’Afrique francophone », spécialisé dans les nouvelles technologiques de l’information et de la communication. Malgré les coupures de courants et un réseau Internet parfois déficient, émerge une nouvelle génération d’entrepreneurs numériques. C’est pour les rencontrer et les valoriser, qu’il part pour six mois avec sa plume et une Go pro, dans le cadre de son projet, #TECHAfrique. Ce sera le premier tour d’Afrique des start-ups.

Guetter « les modèles durables et réplicables »
 
Quentin Noire a, lui, débarqué au Cap (Afrique du Sud) en février pour son « Sparktour Africa  ». Objectif : rencontrer, en partenariat avec Spark News, toutes les entreprises vertes et solidaires et relayer leurs initiatives auprès des médias. Comme Green pop, qui a trouvé son équilibre économique en plantant des arbres avec le soutien d’école ou d’entreprises, ou Unjani, service de médecin volant pour les populations isolées en zone rurale.
 
« Certaines ONG et entreprises sociales font un travail remarquable en Afrique, explique Quentin. Ce qui m’intéresse ici c’est le dynamisme et l’inventivité. Quand on sort des townships, on a l’art de la débrouille. L’apartheid n’est pas loin, mais beaucoup de gens font bouger les choses et inventent des modèles durables, réplicables sur d’autres continents. »

C’est parce que les cours dispensés par son école sur l’entrepreneuriat social lui semblaient fades que Quentin a décidé de chercher l’inspiration sur le terrain. « C’est très formateur d’être ici, ça me servira quand je rentrerai en France. » Pour financer son séjour en Afrique, il a convaincu un club d’ULM de lui faire survoler son village breton pour photographier toutes les maisons, et revendu les clichés en faisant du porte à porte auprès des habitants !
 
Jugaad in Africa
 
Le compteur tourne aussi pour Anne Barbarit sur le site de financement participatif Ulule. Elle partira en juin à la rencontre du Jugaad, cet art de la débrouille propre aux pays émergent dont l’indien Navi Radjou, qui parraine le voyage, s’est fait le gourou. Il lui faut 2 500 euros pour faire, durant un an, ce « tour d’Afrique des innovations ingénieuses ».
 
« L’Afrique a le Jugaad dans son ADN, avec un fonctionnement très collectif et l’art de faire plus avec moins », explique-t-elle, regrettant que « les images relayées en France de ce continent montrent souvent les situations de crise et rarement les initiatives positives. Or l’essor économique des pays africains est en marche. Si on ne s’y intéresse pas aujourd’hui, le miracle africain aura lieu sans nous ! » Au programme du tour : visite de l’école d’ingénieurs 2iE, à Ouagadougou et rencontre avec les acteurs du « Jerry do it together », l’ordinateur low cost installé dans un jerrycan. Comme Samir, Anne fera aussi un passage au fab lab de Lomé, étape incontournable des explorateurs de la « tech afriquaine ».
 
Côme Bastin
Journaliste We Demain
Twitter : @Come_Bastin

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