Partager la publication "Uber à la conquête de l’Europe : mais qui pourra l’arrêter ?"
Valorisée à hauteur de 17 milliards de dollars, la société californienne Uber ne cesse de voire sa cote grimper… Sauf chez les conducteurs de taxis, qui s’inquiètent pour leur monopole, face à l’irruption de véhicules de tourisme avec chauffeurs (VTC) dans leurs villes. Après l’Amérique en 2013, c’est au tour de l’Europe d’être gagnée par le phénomène. Nombreux étaient les chauffeurs de taxi à manifester dans plusieurs capitales européennes l’été dernier, en particulier contre le service Uberpop, mettant les autorités dans l’embarras. En Allemagne, en Belgique et en France, ces dernières tentent de freiner l’implantation d’Uber. We Demain fait le point sur la situation dans ces trois pays.
Exclu de Bruxelles, Uber roule toujours
En avril dernier, seulement quelques semaines après l’arrivée d’Uber dans la capitale belge, le tribunal de commerce de Bruxelles a tout simplement interdit Uberpop. Les conducteurs contrevenants risquent jusqu’à 10 000 euros d’amende et l’immobilisation du véhicule. Mais cette mesure, la plus sévère en Europe, n’a été suivie que de très rares sanctions. En mai, à peine plus d’une dizaine de véhicules ont été arrêtés. Uber reconnaît que ses véhicules continuent de circuler dans la capitale belge, sans toutefois en préciser le nombre. Ils seraient une centaine, selon RTL Belgique.
Prudente, l’entreprise ne rechigne cependant pas à célébrer bruyamment son succès. Il y a quelques semaines, Uber a organisé une opération de livraison de glaces dans toute la capitale en partenariat avec un célèbre glacier belge. La société a également pu se vanter du soutien de la vice-présidente de la Commission européenne chargée de la société numérique, Neelie Kroes, l’une des femmes les plus puissantes du monde selon le classement Forbes. Prenant position en faveur d’Uber, elle s’est empressée d’introduire sur Twitter le hashtag #uberiswelcome, repris par de nombreux Bruxellois, ainsi que des Européens se mobilisant contre l’interdiction dans leur pays.
https://twitter.com/NeelieKroesEU/status/456090792269205504
En Allemagne, l’échec d’une interdiction nationale
Cette interdiction nationale, assortie d’une amende pouvant atteindre 250 000 euros, n’a tenu que quelques jours. Annoncée en référé le 2 septembre, elle était invalidée par le tribunal deux semaines plus tard, qui a jugé que le problème n’était pas si urgent. D’où une situation kafkaïenne aujourd’hui : Uber n’est pas interdit, mais il n’est pas légal non plus. La compagnie américaine se joue de cette contradiction et continue à s’implanter dans de nouvelles villes allemandes (Stuttgart et Cologne prochainement). Face à la demande, elle prévoit même de doubler son service dans le pays d’ici la fin de l’année !
La France opte pour l’encadrement
Lors de l’arrivée d’Uber en France, il y a un an, le gouvernement français décidait déjà de protéger les taxis parisiens en imposant un délai de 15 minutes entre la réservation et la prise en charge du client par les VTC. Jugée trop favorable aux taxis, la disposition est annulée en février dernier par le Conseil d’État. Mais le gouvernement a répliqué : la loi Thévenoud, adoptée par l’Assemblée il y a quelques jours, prévoit l’interdiction, pour les VTC, de repérer les clients grâce à leurs smartphones.
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a par ailleurs engagé des poursuites contre Uber en avril pour « pratiques commerciales trompeuses », au motif que la société tenterait de s’apparenter à un service de covoiturage. Le procureur a requis une amende de 100 000 euros. Le verdict du tribunal correctionnel de Paris est attendu le 16 octobre.
En attendant, Uber se rend visible dans la capitale, faisant parader plusieurs de ses véhicules lors de la marche des fiertés, en juin dernier, à Paris. Ou encore il y quelques semaines, en s’alliant à Fauchon pour livrer ses éclairs dans la capitale. C’est par ailleurs le lendemain de l’adoption de la loi Thévenoud, que la compagnie a décidé d’annoncer l’extension de son service en province, à Bordeaux, Nice et Toulouse. L’équipe d’Uber France est même allée jusqu’à tweeter malicieusement les articles relatifs à l’éviction de Thomas Thévenoud du gouvernement.
De l’Allemagne à la Belgique, en passant par la France, les mesures d’encadrement visant Uber, ou les VTC au sens large, ne sont donc pas respectées, voire abandonnées au bout de quelques semaines. Pire, elles semblent se retourner contre leurs prescripteurs, permettant à l’entreprise californienne de s’ériger en symbole de l’innovation face au conservatisme. En réponse à chacune de ses condamnations, l’entreprise assure que son service sera maintenu. Sur le site d’Uber, on trouve d’ailleurs les noms de Bruxelles, Berlin et Francfort parmi ceux des villes couvertes par le service.
Désormais assistée par trois avocats permanents et une cinquantaine de cabinets juridiques, Uber semble, de surcroît, bien rodée pour répondre à des attaques semblables à celles connues aux États-Unis en 2013. L’entreprise avait alors réussi à faire plier les municipalités une à une. D’autant qu’elle peut désormais compter sur des ambassadeurs de prestige. Eric Schmidt, ancien PDG de Google, a ainsi récemment condamné la crispation des autorités européennes face à Uber, appelant le vieux continent à considérer l’entreprise, non plus comme une menace, mais comme une nouvelle source d’emploi pour des milliers de chauffeurs amateurs.
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