Partager la publication "Wave : “l’ingéniosité collective” au secours du monde"
Au Danemark, l’entreprise Specialisterne utilise les capacités de raisonnement mathématiques des autistes atteints du syndrome d’Asperger pour des tests logiciels et des vérifications de données. En Afrique, M-Kopa pallie le manque d’électricité grâce à des kits solaires pour éclairer et recharger les téléphones. En Allemagne, 15 000 habitants ont transformé l’ancien terrain militaire de Frisbourg-en-Brisgau en ville collaborative et écologique…
Innovation horizontale
Dans le monde entier, on assiste à la (re)naissance de l’« ingéniosité collective ». C’est en tout cas le crédo de l’expo «
Wave », qui ouvre aujourd’hui au Parc de la Villette à Paris. L’ingéniosité collective, ou quand les individus
« conçoivent collectivement des solutions simples et efficaces dans la santé, l’énergie, l’éducation, l’agriculture, la finance », explique Navi Radjou, charismatique commissaire franco-indien de l’exposition, théoricien du « Jugaad » dont We Demain vous parlait dans son
numéro 5.
Au sein d’un pavillon futuriste de 500 m2, installé pour l’occasion sur la pelouse du cinéma la Géode, Wave esquisse, à travers 20 projets emblématiques, ce que pourrait être l’« innovation » du 21e siècle. Cette « innovation 2.0 » est portée par cinq grands courants en plein essor : le mouvement des makers (chacun peut être créateur), l’économie circulaire (production et consommation durable), l’économie inclusive (ne laisser personne sur le carreau), la co-création (quand individus, entreprises et institutions travaillent main dans la main), l’économie du partage (ou consommation collaborative). Un même projet peut appartenir à plusieurs courants, comme Proteï, le drone marin co-créé au service de la dépollution des océans.
Ouverte, « bottom-up », frugale… L’ « innovation collective » dont nous parle Wave s’appuie d’abord sur l’essor des technologies numériques, qui lui confèrent son caractère collaboratif et horizontal, à l’opposé des structures de recherche industrielles et hiérarchisées issues de l’après-guerre. Mais autant qu’une plongée dans le monde de demain, les projets de Wave sont présentés comme le retour à une ingéniosité et une générosité perdues, comme l’explique Navi Radjou, « Alors que l’économie verticale nous a réduits au stade d’homo economicus – des consommateurs rationnels et égoïstes – l’économie horizontale promet de nous émanciper et de nous aider à retrouver notre état originel d’homo reciprocans – des êtres humains coopératifs et altruistes qui s’efforcent d’améliorer le bien-être collectif ».
« Ne plus rien attendre d’en haut ! »
Derrière les belles réussites qu’elle affiche en photo sur ses murs, Wave témoigne aussi d’une désillusion collective à l’égard des institutions chargées du progrès de l’humanité durant le XXe siècle. L’État figurant au premier rang des accusés. À Détroit, c’est suite à la faillite de leur ville que les individus s’auto-organisent dans des fablabs. La plateforme web « Ipaidabribe » permet aux Indiens de cartographier la corruption de leur pays. En Chine, les dispensaires de santé Neusoft pallient le manque de services de santé des régions rurales.
L’« innovation Jugaad », mot hindi qui donne son nom au livre de Navi Radjou, c’est d’abord l’art de « faire plus avec moins », dans des conditions de pénurie. Aux individus, donc, de se regrouper pour faire face aux défis sociaux et écologiques de notre temps, armés de ce fameux bon sens dont Descartes disait qu’il était
« la chose au monde la mieux partagée ». Marie-Claire Capobianco, du comité exécutif de BNP Paribas, à l’origine de l’exposition, l’affirme d’ailleurs haut et fort durant la conférence de presse :
« il n’y a plus rien à attendre d’en haut ! ».
Wave incite ses visiteurs à passer à l’acte. L’exposition accueillera divers ateliers dédiés aux Moocs, aux fablabs, à l’habitat, aux transports, à l’énergie. Mais aussi des entreprises, comme Air Liquide, pour lesquelles elle sera privatisée le temps d’une journée, en vue de transformer chaque salarié en ingénieur potentiel. Une bonne bouffée d’inspiration, à Paris jusqu’au 5 octobre, puis dans plusieurs villes de France et d’Europe.