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À Dijon, une légumerie pour nourrir la ville autrement
Dijon (Côte d’Or, 21), Bourgogne-Franche-Comté. À l’entrée de Dijon, dans un bâtiment sobre mais effervescent de vie, des cagettes de carottes, pommes de terre ou potimarrons s’alignent en attente de transformation. Ici, on ne parle pas de conserverie industrielle ni d’un supermarché bio chic, mais d’un outil territorial de transformation alimentaire : une légumerie. Sa mission ? Préparer, nettoyer, éplucher, découper des légumes bruts issus des exploitations locales pour les fournir prêts à l’emploi aux cantines scolaires, aux établissements médico-sociaux, aux restaurants collectifs. Une idée simple, mais qui change tout.
Comme l’explique Michel Lemanceau, vice-président de Dijon Métropole (23 communes) en charge de la transition alimentaire, la légumerie est née d’un constat partagé : “La restauration collective représente un levier immense pour relocaliser l’alimentation, soutenir les producteurs et améliorer la qualité dans l’assiette, mais elle est freinée par des contraintes logistiques.” Assurer le bien-manger en structurant de nouvelles filières de souveraineté dalimentaire durable à proximité de la métropole, voilà le défi auquel répond la légumerie.

Une réponse concrète à un triple défi
Peu de cuisines collectives disposent du temps ou des outils pour transformer des légumes bruts. Résultat : elles continuent d’acheter des produits surgelés ou en conserve, souvent venus de loin. La légumerie comble ce chaînon manquant. Elle vient se placer stratégiquement entre le champ et l’assiette des établissements de restaurant collective de la métropole. « À Dijon, on prépare 8 000 à 9 000 repas par jour pour les enfants. C’est un levier clé pour faire évoluer les habitudes alimentaires et donc, les modes de production », souligne-t-il.
Une intiative qui permet non seulement de soutenir les agriculteurs du territoire en leur offrant un débouché sûr, mais aussi de garantir aux convives – enfants, patients, seniors – des produits frais, locaux, souvent bio. Une soixantaine de légumes et légumineuses est traitée par la Légumerie : carottes, pommes de terre, pois chiche, haricots lingots blanc et rouge, choux…
La plupart des légumes sont cultivés entre 4 et 40 kilomètres autour de la Légumerie.

Un outil technique, un levier politique
Au-delà de l’outil technique, la légumerie s’inscrit dans une stratégie bien plus large : celle du Projet Alimentaire Territorial (PAT) de Dijon Métropole, qui vise à renforcer la souveraineté alimentaire du territoire, à valoriser les circuits courts, et à structurer des filières plus durables. Dijon Métropole a aussi dépasse les exigences de la loi Egalim et réduit son gaspillage alimentaire de 47 % dans la restauration scolaire depuis 2017. Comment ? « Il a suffi de laisser les enfants se servir eux-mêmes, dans les proportions qu’ils souhaitaient. Tout cela est une victoire pour l’environnement, mais aussi pour l’économie locale puisque de plus en plus d’aliments servis proviennent des environs », pointe Michel Lemanceau.
En outre, l’activité de la Légumerie est en partie portée par des structures d’insertion. Des personnes éloignées de l’emploi y retrouvent un cadre, des repères, une formation, un projet. “C’est un lieu de transition, au sens fort : on y transforme des légumes, mais aussi des trajectoires humaines”, se réjouit Michel Lemanceau.

Coopérer pour changer d’échelle
Le modèle de la légumerie n’est pas né d’une volonté solitaire, mais d’un travail patient et collectif. Agriculteurs, élus, restaurateurs, associations, techniciens de la Métropole : tous ont été associés. “La réussite du projet tient à cette gouvernance partagée, qui permet de dépasser les logiques de silo et d’avancer ensemble”, insiste Michel Lemanceau.
Ce travail collectif a porté ses fruits. La légumerie a démarré modestement, avec une ligne de lavage, d’épluchage et de découpe. Elle traite aujourd’hui plusieurs tonnes de légumes chaque semaine, et pourrait bientôt s’agrandir. De nouveaux équipements, comme un autoclave, permettraient d’aller plus loin dans la conservation des produits, et donc de sécuriser davantage les débouchés pour les producteurs.

Une brique d’un écosystème plus large
Loin d’être un projet isolé, la Légumerie s’inscrit dans un écosystème en émergence autour de l’alimentation durable à Dijon. Le développement d’une légumière (pour les conserves), d’un pôle logistique mutualisé, l’émergence d’un campus des métiers de l’alimentation, les travaux sur le gaspillage alimentaire ou les composts de proximité : tout cela converge vers une ambition commune. Celle de faire de l’alimentation un levier de transition écologique, de cohésion sociale et de résilience territoriale.
Il est aussi question de décliner le principe pour la viande, avec des élevages de proximités, élevés selon des principes plus durables dans un souci écologique mais aussi de qualité.
Le goût de l’avenir
Dans un contexte où la question alimentaire devient de plus en plus centrale – inflation, dérèglement climatique, crise agricole – l’exemple dijonnais fait figure de boussole. Il montre que des collectivités peuvent agir de manière concrète, structurée, systémique. Que les mots “circuit court”, “inclusion” ou “résilience” ne sont pas que des slogans, mais peuvent devenir réalité si l’on prend le temps de construire ensemble.

La légumerie de Dijon Métropole, ce n’est pas seulement une chaîne de tri et de découpe. C’est une chaîne de sens, de valeurs, de liens recréés entre ceux qui cultivent, ceux qui transforment et ceux qui mangent. Un projet modeste en apparence, mais porteur d’un changement de paradigme : celui d’une alimentation repensée comme un bien commun. “L’alimentation représente 25 % de l’empreinte carbone. En changeant nos habitudes, nous pouvons avoir un impact considérable“, conclut Michel Lemanceau.
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